Xavier Sadourny sans langue de bois : « J’ai senti une période bizarre de 3 semaines… »

Xavier Sadourny sans langue de bois : « J’ai senti une période bizarre de 3 semaines… »

Le samedi 12 avril 2025 à 19:14 par David Demri

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Propulsé sur le devant de la scène en janvier, Xavier Sadourny s’épanouit aujourd’hui dans un rôle de manager qu’il n’avait pas prévu d’endosser si tôt. À 48 ans, il assume avec brio les responsabilités du Castres Olympique, à la veille d’un quart de finale de Champions Cup historique face à Northampton.

C’est l’histoire d’un passage de relais anticipé. Initialement prévu pour la saison prochaine, le changement de cap à la tête du CO a été accéléré par le retrait volontaire de Jeremy Davidson. Le 4 janvier dernier, au lendemain d’une victoire face à Pau (24-19), l’Irlandais annonce son désir de prendre du recul. C’est son adjoint, Xavier Sadourny, jusqu’alors en charge des lignes arrière, qui prend les rênes du club.

Un scénario déjà en gestation : deux mois plus tôt, L’Équipe révélait que le président Pierre-Yves Revol et le directeur général Matthias Rolland avaient acté ce changement de gouvernance. Une décision difficile à digérer pour Davidson, qui espérait une prolongation.

Sadourny le reconnaît avec franchise via L’équipe :

« J’ai senti une période bizarre de trois semaines, je parle de notre relation avec Jeremy. Je pense qu’il ne se sentait pas à l’aise avec les joueurs, même si on essayait de rester le plus professionnel possible. Il a été classe, il sentait peut-être que son message pouvait avoir moins d’impact. Je ne le ressentais pas comme ça. Quand le Castres Olympique a décidé de ne pas le renouveler, il a pris un petit coup, et après, quand quelques semaines plus tard le club a décidé de me nommer, il a pris un deuxième coup. »

Une prise de pouvoir discrète mais efficace

Loin du tumulte, Sadourny avance à pas mesurés, mais sûrs. Depuis sa prise de fonction, Castres a enchaîné neuf matchs : six victoires, deux nuls et une seule défaite à Montpellier (21-17). Mieux encore, le club s’est qualifié pour les quarts de finale de la Champions Cup, grâce notamment à un succès renversant contre Trévise (39-37).

Mais l’étincelle, selon lui, était déjà apparue dès le mois de janvier sur le terrain des Saracens (24-32), où il avait osé aligner une équipe expérimentale. « J’ai eu un peu de réussite. (…) Ça a lancé le truc. Mais je suis conscient que tous les équilibres restent fragiles. »

Pour cet entraîneur discret, formé sur les bancs du LOU puis longuement adjoint à Clermont (2013-2023), la transition n’a pas été sans appréhension. Il le confie avec humilité :

« J’ai eu un peu de réussite, avoue le nouveau numéro 1. Il y a deux ou trois parties qu’on aurait pu perdre. Ça a lancé le truc. Mais je suis conscient que tous les équilibres restent fragiles. 

J’ai eu beaucoup d’appréhension avant la première causerie, le regard du staff, des joueurs. Mais il faut basculer. La première, je ne l’ai pas vraiment préparée… J’ai essayé d’être naturel. C’est la même peur sur les premières séances d’entraînement parce que tu te dis qu’il faut changer quelque chose alors que ce n’était pas une nécessité. »

Des modèles et une méthode basée sur l’écoute

À la question des influences, Xavier Sadourny cite deux grands noms : Vern Cotter et Franck Azéma, ses anciens mentors à Clermont. « Ils m’inspirent, ils m’ont fait réfléchir, ils ont renforcé ce que je pensais… »

Entre le charisme imprévisible du Néo-Zélandais et l’approche empathique du Français, Sadourny a forgé sa propre vision du management. « Les deux. Vern était surprenant, détonant, un grand technicien, avec beaucoup de charisme. Un côté un peu barjot avec cette capacité à ressentir les choses. Vern était dur. Il en jouait. Tout le monde était constamment sur le qui-vive. Et puis il a construit sur la durée. Franck prend la suite, et tout le monde se dit qu’il ne pourra faire que moins bien, et à la sortie… Un management avec beaucoup d’empathie. Il sait s’adapter, avec une grosse capacité de travail. Capable de passer des heures à parler aux joueurs, tous les jours. Il est très ouvert. »

Aujourd’hui, il affirme lui aussi avoir trouvé la bonne distance, en abandonnant l’autoritarisme rigide de ses débuts : 

« Il y a dix ans, non, je n’étais pas capable, j’avais peut-être peur de l’échange. Je voulais imposer mon point de vue. Aujourd’hui, je n’ai aucun souci à entendre un joueur me dire que tel lancement ne fonctionnera pas. C’est lui qui est sur le terrain. Je n’ai pas envie qu’un joueur aille dans mon sens pour me faire plaisir, alors qu’il n’y croit pas. »

Cette posture plus humaine transpire sur le terrain. À l’entraînement, il dirige sans élever la voix, corrige sans humilier. Sur le camp du Lévézou, casque micro sur les oreilles et ballons en main, il distille ses consignes avec douceur et précision. Un manager qui ne crie pas, mais que l’on écoute.

Un homme de terrain face aux choix difficiles

Si son ascension est saluée, tout n’est pas pour autant aisé. Sadourny confie sans détour son aversion pour une tâche incontournable : trancher dans la composition d’équipe. « C’est la partie la plus embêtante (…). Choisir, je n’aime pas ça. Il ne faut pas être dans l’affect. Je m’en passerais bien. » La mise de côté de Geoffrey Palis face à Trévise, pourtant irréprochable et jamais aligné en phase finale, en fut un exemple. Ce samedi à Northampton, Palis retrouvera sa place de titulaire.

Devenu patron par accident, Sadourny s’impose aujourd’hui par cohérence et modestie. À l’écoute de ses joueurs, inspiré par ses pairs, il incarne un nouveau visage du leadership. Et peut-être, demain, celui d’un exploit européen.

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