Le constat est là. Implacable. À la suite de la retraite de son ange blond, Jonny Wilkinson, le Rugby club toulonnais a totalement perdu pied. À mi-parcours, les doubles champions d’Europe varois occupent une modeste 13e place en termes de réussite au pied. Les buteurs varois se sont montrés plutôt maladroits face aux perches avec un timide taux de succès de 65 %. Seuls les Parisiens ont fait pire dans cet exercice de sang-froid et de précision avec 61,72 % de buts réussis après 13 journées.

À leur décharge, les artilleurs toulonnais ont été davantage mis à contribution. Là où ils n’avaient tenté de transformer que 82 buts l’an passé, ils ont en déjà tenté 100. Emmenés par un David Smith en feu, les attaquants de la Rade ont en effet passé la vitesse supérieure. Pour mettre à terre leurs adversaires, les champions de France ont pris le pari d’un jeu plus aéré et dynamique. Après 13 journées disputées, ils ont claqué deux fois plus d’essais par rapport à l’exercice précédent (47 réalisations contre 24).

LES 20 POINTS ABANDONNÉS FACE À PARIS

Pour une équipe habituée à truster les premières places, cette maladresse généralisée dans les tirs au but fait quelque peu désordre. Un constat d’autant plus alarmant que lors des saisons précédentes, les Rouge et Noir faisaient souvent basculer les rencontres grâce à la précision chirurgicale de leurs buteurs. En premier lieu, celle de leur maître artificier anglais, sir Jonny Wilkinson, secondé en cas d’avarie par le tout aussi efficace canonnier australien, Matt Giteau.

Que disent les stats de l’an dernier ? Qu’à la même époque, Toulon avait converti au tableau d’affichage 67 de ses 82 coups de pied tentés, soit un chiffre éloquent de 78,82 % de réussite. À première vue, le RCT n’a pas encore trouvé chaussure à son pied. En témoignent les sept joueurs (Giteau, Michalak, Halfpenny, Sanchez, O’Connor, Armitage, Escande) qui ont tour à tour, endossé cette saison la responsabilité des tirs au but. Dans ce domaine, Toulon est encore loin devant la concurrence.

Les autres formations de l’élite ont en moyenne utilisé 4 buteurs depuis le début de saison. Ce « mal au pied » n’avait jamais été aussi perceptible que lors du naufrage face au Stade français le 15 septembre dernier à Mayol. Ce jour-là, Delon Armitage, James O’Connor et Éric Escande avaient sombré corps et âme, laissant 20 points au pied !

UN PROBLÈME RÉDHIBITOIRE EN PHASES FINALES ?

Le RCT a certes joué de malchance, avec la blessure de Leigh Halfpenny puis celles de Frédéric Michalak et Matt Giteau. Ce qui l’a contraint à opérer un plus large turnover. Mais ce va-et-vient permanent au niveau du tee ne fait qu’accréditer la thèse du « roi Mourad » selon laquelle Wilkinson serait irremplaçable. Difficile en effet de le contredire tant ce Lancelot du Lac des temps modernes a marqué de son empreinte l’histoire de ce club en ramenant non seulement sur la Rade le Graal du rugby français, le Bouclier de Brennus, mais aussi deux Coupes d’Europe.

« Ce problème d’efficacité au pied n’en est pas forcément un, plaide l’ex-ouvreur des Rouge et Noir, Yann Delaigue. Malgré le départ de son métronome Wilkinson, le RCT arrive toujours à être leader. Pour autant, l’encadrement varois va devoir rapidement remédier à cette situation en désignant au moins deux buteurs réguliers. Je ne connais pas une équipe en phase finale qui gagne avec un buteur à moins de 75 % de réussite. Être buteur, c’est avoir un rôle à part. Un buteur a besoin de savoir à l’avance si son staff lui confie cette responsabilité. Le simple fait de déposer le ballon sur le tee peut engager son capital confiance. Un buteur n’est jamais aussi performant que lorsqu’il botte régulièrement. À ce titre, la lésion de Giteau n’est pas anodine. Se blesser aux adducteurs est sûrement ce qu’il y a de pire. Il s’agit des muscles les plus sollicités pour un buteur. Même s’il n’avait pas mal lorsqu’il butait, Giteau devait ressentir une gêne au niveau de sa frappe. Ne serait-ce pas le fragiliser davantage que de lui confier le but à son retour ? »

Toulon a pourtant recruté l’homme au pistolet d’or, Leigh Halfpenny pour parer à ce genre d’inconfort et devenir le buteur maison. Mais l’international gallois n’a pas encore totalement trouvé ses marques. « Aujourd’hui, avec ce qu’il a montré sur le terrain, il n’est pas assuré d’une place de titulaire », tranche Delaigue. La question du buteur n’a pas fini de hanter les nuits de Bernard Laporte.

Source: Midi Olympique