« Ça serait mentir de prétendre que les têtes ne seront pas un peu à Twickenham. » Franck Azéma, l’entraîneur de Clermont, a beau y ajouter toutes les précautions d’usage, notamment la nécessité de « faire une bonne semaine avant d’aller à Castres », voilà le type de confidence à même de faire jaser les supporters, surtout ceux dont l’équipe lutte pour le maintien. Qu’ils soient brivistes, lyonnais, bayonnais ou bordelais, tous porteront forcément un regard suspicieux vers Toulon et Clermont en espérant que leurs résultats, respectivement à La Rochelle et Castres, deux équipes concernées par la relégation, ne soient pas « faussés » par l’imminence de la finale de Coupe d’Europe entre les deux premiers du Top 14. « On peut penser que cette finale de Coupe d’Europe va peser sur le déroulement du Top 14 », constate poliment Mathieu Ugalde, trois-quarts centre de Bayonne. Or, cette 23e journée, où tous les concurrents au maintien reçoivent, à l’exception de Bordeaux-Bègles en déplacement à Lyon, s’annonce décisive. « Pour moi, prévient le président de l’UBB, Laurent Marti, c’est LA journée du Championnat, le véritable tournant pour les équipes de bas de tableau. »

TOULON ET CLERMONT FERONT-ILS LARGEMENT TOURNER ?

OUI

Comme il y a dix jours à Grenoble (victoire 35-24), où il avait largement remodelé son effectif entre un quart et une demi-finale européens (13 changements), le manager du RCT, Bernard Laporte, va faire tourner : Guirado, Hayman, Botha, Williams, Masoe, Fernandez Lobbe, Tillous-Borde, Habana, Halfpenny, une dizaine de joueurs devraient, sauf surprise et de façon tout à fait légitime, être laissés au repos en vue de la finale.  Quid, néanmoins, de Matt Giteau qui a besoin de jouer pour retrouver le rythme ou de Frédéric Michalak qui, sorti prématurément face au Leinster (25-20 a.p.), se verra peut-être donner une chance de se racheter ?

Côté clermontois, la réponse n’est pas aussi tranchée. « Tourner, on le fait depuis le début de la saison, rappelle Franck Azéma. Il y aura de la rotation sur ce match encore. » D’accord, mais à quelle échelle ? Cinq, dix ou quinze changements comme cela avait été le cas avant la réception d’Oyonnax (10-11), il y a dix jours ? « Ce n’est pas pour ça qu’on avait perdu contre Oyo », coupe Azéma. Ceci dit, même s’il fait tourner, l’entraîneur clermontois devrait relancer quelques internationaux de retour de blessure : le pilier gauche Thomas Domingo et la charnière, Morgan Parra-Camille Lopez. On a connu « remplaçants » moins clinquants.

LA ROCHELLE ET CASTRES PEUVENT-ILS EN PROFITER ?

OUI ET NON

Oui, car, c’est naturel, les esprits clermontois et toulonnais seront forcément – un peu ou beaucoup – à Twickenham. Oui, encore, car un relâchement post-grosse perf, doublée, dans le cas de Toulon, d’une prolongation qui a laissé des traces, est à prévoir. Ce qui fait dire à Laurent Marti : « Ce sera moins compliqué pour La Rochelle et Castres, c’est sûr. »

On passe au « non » ? La première raison est d’ordre comptable. Toulon et Clermont, qui visent une qualification directe pour les demi-finales afin d’alléger leur fin de saison, doivent engranger des points pour terminer dans le duo de tête que convoite également le Stade Français. A fortiori les Auvergnats, talonnés par les Parisiens. « On a besoin de points et on doit essayer d’en prendre à Castres, confirme le troisième-ligne de l’ASM Julien Bonnaire. On s’est mis en difficulté en perdant face à Oyo. Il nous reste quatre matches, dont trois à l’extérieur ! » Plus de temps à perdre, donc.

Deuxième raison, certains « remplaçants » joueront gros pour accrocher une place dans le groupe à Twickenham. « Ces joueurs vont tout donner pour se montrer et postuler, prévient le centre castrais, Thomas Combezou. Je pense aux Clermontois Domingo, Parra et Lopez. Même Lapandry, Jacquet, Pierre ont une carte à jouer sur ce match. Quand on connaît l’effectif de Clermont, à aucun moment on ne se dit que ça va être plus simple s’ils font tourner. Quant à Toulon, que ce soit l’équipe A, B ou C, à chaque poste, tu as un international quand même. »

LES AUTRES  CANDIDATS AU MAINTIEN SONT-ILS CONTRARIÉS ?

OUI, UN PEU

Le Bayonnais Mathieu Ugalde l’avoue. Il a suivi les demi-finales de Coupe d’Europe en formulant un voeu. « On souhaitait presque que Toulon et Clermont perdent pour qu’ils jouent un peu plus à fond le week-end d’après à La Rochelle et Castres… » Raté ! Ce scénario aurait plu aussi à Vincent Etcheto, entraîneur de Bordeaux-Bègles. « Si Toulon avait perdu sa demi-finale, il serait allé à La Rochelle beaucoup plus en colère je pense. Ce n’est donc peut-être pas avantageux pour nous. »

Faut-il pour autant crier au scandale, s’insurger de cette iniquité qui découle d’un calendrier remodelé cette saison, lequel étale une couche de Top 14 entre deux tranches de Coupe d’Europe ? Non, répondent en choeur les concurrents au maintien. « Le calendrier est ainsi fait et on le connaît depuis l’été dernier, tempère Ugalde. Nous-mêmes, nous avions bénéficié de ça en accueillant une équipe de Clermont privée de plusieurs internationaux avant les tests d’automne (victoire 24-13, le 1ernovembre). »

Nicolas Godignon, entraîneur de Brive, a, lui, le souvenir d’un match contre le Racing-Métro, le 14 mars, un week-end de doublon (Italie-France). « Il leur manquait plein de mecs et on a pris un bonus offensif contre eux (36-12). Finalement, sur la saison, ça s’équilibre un peu. »Marti résume le sentiment général : « On ne peut pas dire qu’avec des équipes remaniées, Toulon et Clermont vont fausser le Championnat. »  Le fausser, non ? L’influencer, certainement.

Source: lequipe.fr