Selon Joël Jutge, les consultants et les journalistes ne connaissent pas tous les règles du rugby
Selon Joël Jutge, les consultants et les journalistes ne connaissent pas tous les règles du rugby
Le mercredi 17 janvier 2024 à 11:59 par David Demri
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Le patron des arbitres de World Rugby, Joël Jutge s’est confié via Midi Olympique pour évoquer l’arbitrage durant la Coupe du monde.
Ce-dernier explique vouloir éduquer le grand public aux règles du rugby, y compris les journalistes et les consultants.
Selon lui, bon nombre de journalistes et consultants ne connaissent pas toutes les règles du rugby. Extrait:
En premier lieu, qu’il va falloir que nous changions notre approche médiatique. Expliquer au grand public des situations qui semblent identiques, mais qui ne le sont pas, est un grand challenge, y compris pour les journalistes ou consultants qui sont sensés l’éduquer. Il faut réfléchir quant à la façon d’expliquer aux journalistes et consultants les règles de notre sport, qui sont bien trop complexes. Nous avons essayé de communiquer : j’ai moi-même rencontré avant la compétition les spécialistes rugby de TF1, France Télévisions, M6, les arbitres en ont fait de même dans leur pays respectifs, pour préparer les gens à nos prises de décisions, mais ce fut insuffisant. On ne peut plus se contenter d’agir au dernier moment, il faut instaurer un suivi plus régulier. J’espère pouvoir revenir dans un avenir proche avec des propositions.
Selon lui, les règles sont tellement précises et nombreuses que seulement peu d’experts peuvent réellement comprendre toutes les règles du rugby. Extrait:
Nous sommes entrés dans des niveaux de détails et de précision presque diaboliques, cela met de la pression sur les arbitres et entraîneurs. On tend aujourd’hui la main à toutes les composantes du rugby pour qu’elles nous aident, en simplifiant ces règles du rugby qui sont extrêmement complexes pour le grand public. Si on n’y arrive pas, si on se contente qu’un faible pourcentage d’experts soit en mesure de comprendre les décisions arbitrales, on va perdre trop de gens. C’est un immense défi, on sait la complexité des choses.
Pour reprendre l’exemple des mains au sol, la multiplication des caméras, des différents angles de vue, apporte au téléspectateurs un pouvoir que nos directeurs de jeu n ont pas. Ces images sont souvent superbes, mais elles nous fragilisent considérablement car nous sommes dans le microscopique, et le téléspectateur ne comprend pas l’erreur arbitrale car c’est pour lui, confortablement installé sur son fauteuil, si simple. Même si les ralentis multiples ne nous aident pas, on devra travailler encore plus pour gagner en précision et cohérence.
Selon lui, les supporters doivent accepter les erreurs des arbitres. Extrait:
Mais il faut arriver à tout prix à une certaine simplification, car si seulement une poignée d’experts comprend ce que l’on veut faire, mais qu’on laisse 80% des composantes du rugby sur le côté du chemin comme par exemple les consultants, nous aurons de gros problèmes. Ces derniers doivent aussi être curieux et venir chercher l’information. Nous avons besoin d’eux. Nous allons continuer à travailler d’arrache-pied, mais il faut que le public et les acteurs parviennent à accepter les erreurs, comme ils l’acceptent des joueurs. Et lorsqu’il y a erreur, il ne doit pas y avoir de suspicion. C’est ce qui est le plus gênant, au final. Un arbitre peut être mal placé, parfois parce qu’il n’a pas fait les efforts nécessaires, parfois par manque de chance car masqué, mais jamais mal intentionné. Il faut en être convaincu, et on a plus que jamais besoin des médias pour expliquer cela. Il n’y a rien de machiavélique dans l’arbitrage.
Concernant le bunker qui a été un véritable flop lors du Mondial, Joël Jutge réagit. Extrait:
J’ai toujours l’impression qu’en France, on découvre toujours les choses au dernier moment, alors qu’elles ont été annoncées et débattues en amont… Le bunker fut discuté au mois de mars 2022, et il y avait des représentants français à cette réunion. Son principe a été validé puis mis à l’essai lors de la Coupe du monde U20 et du Rugby Championship (certes raccourci) ainsi que les matchs de préparation a la Coupe du monde. Ce projet avait été annoncé. Après, au-delà de ce préambule, il est évident que ce fut un énorme défi que de mettre le bunker en place trois mois seulement avant la Coupe du monde.
Il n’est pas d’accord pour parler de fiasco concernant le bunker. Extrait:
Tout fut loin d’être parfait, mais le mot fiasco est peut être trop fort. Il faut rappeler la raison sesentielle pour laquelle il a été mis en place : accélérer le jeu, et le rendre toujours plus spectaculaire. Il y avait un consensus pour dire qu’auparavant, le jeu était trop souvent stoppé par les arbitrages vidéo interminables. L’intention du bunker, c’était aussi de se donner le temps de décider (donc, potentiellement, de réduire les erreurs) tout en accélérant le jeu. L’idée était noble, intéressante. Mais en contrepartie, les grandes décisions sur le jeu déloyal allaient désormais être prises par l’officiel chargé de l’examiner dans le bunker, et il était évident que les arbitres allaient donner moins de cartons rouges puisque le protocole du bunker précisait qu’ils ne disposeraient que de deux ralentis sur le terrain. Personne n’allait se risquer à prendre une décision avec si peu d’images… Il faut donc cesser de dire que les arbitres ne veulent pas prendre leurs responsabilités. Faut-il modifier cette approche ? Nous continuerons, j’espère, à évaluer la situation.
Joël Jutge a également évoqué le fait que les arbitres soient souvent interpellés par les joueurs. Extrait:
Cette question mérite réflexion. En rugby, on a la chance que les micros des arbitres soient ouverts, et je peux vous assurer qu’au niveau international, les propos et échanges sont toujours très respectueux. On ne constate absolument aucune dérive à ce niveau-là. Les joueurs recevant des cartons jaunes ou rouges quittent le terrain sans sourciller, et cela doit perdurer. En revanche, il y a dérive au niveau des sollicitations. Souvent, on nous demande de checker telle ou telle situation, et là, il faut mettre un stop. Lorsqu’un joueur demande un « check », même s’il ne le fait pas pour instaurer une climat négatif, il installe néanmoins une pression qui peut inciter les arbitres désireux de ne pas se tromper, à sortir du protocole vidéo, à tout « checker ». Ce sujet sera abordé lors de notre préparation du Six Nations, mais je souhaite que l’on soit plus réactif, en ayant toutefois du discernement.
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