Sébastien Bruno se confie sur sa carrière
Sébastien Bruno se confie sur sa carrière
Le jeudi 25 avril 2013 à 15:23 par David Demri
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Dans un long entretien accordé à L’équipe, le talonneur Toulonnais Sébastien Bruno a évoqué sa carrière de joueur de rugby, qui n’est pas terminée puisque celui-ci va prolonger avec le RCT pour une saison supplémentaire.
Il évoque ses débuts à Nîmes, son passage à Béziers ou encore à Sale, en Angleterre. Il nous parle de son salaire, du dopage dans le rugby et de sa mentalité. Extrait:
Vos entraîneurs successifs que vous durez parce que vous êtes un forcené de l’entraînement. Cela a t-il toujours été le cas ?
Non, ça m’est vraiment venu sur le tard, en Angleterre. A Béziers, par exemple, je me contentais de ce qu’on faisait à l’entraînement, trois fois par semaine. J’ai découvert la vraie approche du professionnalisme à Sale: d’abord le physique, ensuite le rugby. En Angleterre, il y a une longue intersaison: tu en chies deux mois et après tu es en forme toute la saison.
Vous n’étiez donc pas tellement travailleur à vos débuts…
J’étais passionné de rugby, je ne pensais qu’à ça, je regardais tous les matches, lisais tous les journaux… mais quand il y avait des trucs un peu ingrat, ça ne me plaisais pas trop. La musculation n’était pas trop ma tasse de thé, je l’ai connue tard. Je n’étais pas un fan d’effort physique. Après, quand tu intègres l’équipe de France, tu sais qu’il faut courir, pousser, sinon tu n’es pas pris. Le rugby, pour moi, c’était le ballon, la mêlée. A Nîmes, Michel Bernardin voulait que les joueurs fassent de la muscu. Personne n’y allait. Alors il a mis les barres sur le terrain, les mecs étaient obligés de les lever…
Parfois, vous sentez-vous vieux à l’entraînement ou en match, avec l’impression de ne pas suivre ?
Non. J’arrêterais si je voyais que j’étais largué. Je n’ai pas envie de faire rigoler.
A Toulon on ne vous voit pas sortir après les matches. Vous n’avez jamais été un gros bringueur ?
Quand j’étais à Béziers, après chaque match, c’étai la tradition: la troisième mi-temps. Aujourd’hui je ne sors plus. Fini les boîtes de nuit. Même en Angleterre je ne sortais plus trop. On a des gars des îles par exemple, qui sortent et peuvent s’entraîner le lendemain, d’autres ne peuvent rien faire et risquent de se blesser.
A vos débuts, on a souvenir d’un joueur turbulent…
J’étais un peu agressif, c’était ma culture du Sud, ne jamais reculer, se faire respecter. Quand on te tenait le maillot on te disait : « Il faut que t’en tire une ! ». C’était à l’ancienne… J’ai plus été formé à ce jeu-là, celle d’avants agressifs, qu’à un jeu de passes.
Clairement, le jeune Bruno de Béziers, s’il n’avait pas changé, ne jouerait plus ?
Je pense. Le rugby, c’était la mêlée, le physique. Aujourd’hui il faut être complet. Plus concentré, lucide. En cadets, juniors, c’était fou, on se tapait la tête contre les murs, mais c’était comme ça. On nous l’apprenait, les éducateurs nous motivaient comme ça et on trouvait cela normal. Quand je suis arrivé en Angleterre, avec la musique à fond dans le vestiaire, ça m’a fait un peu drôle. Mais je me suis adapté.
Les mêlées sont plus propres qu’autrefois…
Quand j’ai commencé, si le pilier droit était un peu en travers ou si le talonneur essayait de te prendre le ballon, ça pouvait partir. Maintenant, avec les caméras, il n’y a plus de mêlées relevées, parfois des échauffourées, mais ça ne va pas loin. Si tu joues à quatorze, tu pénalises trop ton équipe.
Dans votre position de crucifié, au talonnage, c’est heureux que les mêlées aient changé…
C’est vrai que qu’en t’en prends une belle, tu t’en souviens ! Quand on allait à Perpignan, à Toulon, dans des clubs un peu rudes, on se disait: « va falloir se préparer ». Mais j’ai de la chance, je n’ai jamais été trop marqué.
Récemment, Laurent Bénézech, ancien pilier international a pointé du doigt le dopage en rugby…
Il accuse sans donner de preuves, mais, comme dans tous les sports, il doit y avoir des gars dopés, c’est évident. Sinon, ce serait faire l’autruche. Mais des choses organisées, j’en ai jamais vues.
Pensez-vous qu’on puisse dire, dans votre dos : » Bruno, pour jouer aussi vieux, il prend des trucs » ?
Ça ne m’est pas revenu aux oreilles. Mais j’ai une société de compléments alimentaires depuis plusieurs années et j’ai dit aux amis qui me sollicitaient: je veux bien faire un truc, mais que tout soit analysé, propre, qu’on ne fasse pas l’amalgame, qu’on dise que je fais ça parce que je me dope ou quoi que ce soit. On n’a jamais eu de soucis, on travaille avec des fédérations, des clubs… Le danger, c’est quand tu achètes des trucs aux Etats-Unis sur internet, tu ne sais pas ce qu’il y a dedans.
Au RCT, vous avez un bus superbe, vous prenez l’avion régulièrement. On suppose que vous ne voyagiez pas dans les mêmes conditions au début ?
A Nîmes c’était convivial, on s’arrêtait pour manger la charcuterie, le fromage, chacun amenait quelque chose. C’était un autre rugby. Aujourd’hui, on te suit sur le plan diététique. Mais le gros plus, ce sont les kinés, les ostéos. Avant, ils avaient un cabinet, il fallait allez chez eux, prendre rendez-vous. C’était compliqué pour récupérer. Et les équipements… Quand on avait un survêt, on était content. A Nîmes, je m’en souviens, on avait le survêt pour la première, un K-way pour la B. Et si on avait le sac, on était les plus heureux du monde. Maintenant on a cinq-six tenues.
Avez-vous bien gagné votre vie dans le rugby ?
Quand tu commences, tu gagnes pas grand chose, mais tu vies bien par rapport aux mecs de ton âge. Quand tu fais des sélections, tu passes un cap, tu peux investir dans l’immobilier, te payer une maison. Des truc à moi ? J’en ai, ouai… Je ne suis pas à la rue. Mais j’ai des crédits en cours. Le jour où j’arrête, je ne mets pas les doigts de pieds en éventail en disant que je suis rentier. Le danger est qu’on a quand même un bon rythme de vie et que c’est compliqué quand ça s’arrête. Les salaires ne sont plus les mêmes, tu changes de vie du jour au lendemain. Il faut anticiper.
Aujourd’hui, en fin de carrière vous gagner entre 8 000 et 10 000 euros par mois ?
Oui, c’est un petit contrat au rugby, je suis en bas de l’échelle au RCT, mais je n’aurai jamais un salaire comme ça dans un boulot normal, à mon âge ce n’est que du bonus.
Vous souvenez-vous de votre premier salaire à Nîmes ?
1 500 francs je crois. Avant, tu croyais que tu avais un contrat, tu le signais, mais le président le gardait dans son bureau. Et quand tu disais que tu changeais de club, tu n’étais plus payé. Ou on te promettait un boulot et le gars était juste un salarié, pas le patron de la boîte. Il te faisait croire des choses… Ou on te promettait une prime de Coupe d’Europe et, quand tu partais du club, on ne te la donnait pas. C’était un peu n’importe quoi. A la parole… ça n’a plus rien à avoir maintenant. Un autre monde.
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Interview très intéressante sur l’ancien rugby, sans cracher dans la soupe ni se la jouer nostalgique… juste honnête (pour ce que j’en sais)
Je trouve ce joueur vraiment très attachant.