Le consultant rugby Pierre Villepreux a consacré un édito au nouveau manager du Rugby Club Toulonnais, Mike Ford, dans le Midi Olympique de ce lundi.

Ce-dernier explique apprécier énormément la stratégie que souhaite mettre en place Mike Ford au RCT. Il a hâte de voir les conséquences sur le terrain.

Vous pouvez lire son édito ci-dessous:

Mike Ford, récemment nommé entraîneur en chef de Toulon : « Je ne suis pas content de ce que je vois. Si j’étais supporter du RCT, je n’aurais pas envie d’acheter un billet pour venir au stade, La chose la plus difficile dans le rugby, c’est d’attaquer. Les joueurs ont besoin de s’entraîner sur ce secteur au maximum. » (rugbyrama.fr). Il précise en outre, dans une interview au journal l’Équipe, que « l’exceptionnel potentiel de cette équipe n’était pas exploité ». À cela me dirait vous, rien de bien singulier. Mais en plaçant l’analyse des besoins et les manques de performance en jeu collectif sur les « capacités d’adaptation au jeu adverse », sur « un manque de liberté » sur les carences dans « la lecture du jeu » donc « des processus de prise de décision » qui vont avec, on est quand même loin des analyses traditionnelles qui mettent en avant les seules indigences techniques et autres schémas de jeu sophistiqués, stratégies de jeu planifiées non respectées et autres insuffisances physiques. « Il faut apprendre à jouer dans le CHAOS du jeu. »

Ce concept de formation du débutant jusqu’au plus haut niveau, où il s’agit d’apprendre à bien jouer d’abord dans le désordre du jeu avant de performer dans les phases qualifiées d’ordonnées nous appartient depuis des décennies. Ceci ne veut pas dire pour autant que cette démarche de formation soit comprise et gérée, tous formateurs confondus, avec efficacité par ceux qui sont en charge de son application. Voilà qui n’est pas banal, un Anglais qui, sinon valide, du moins adhère, à une conception du jeu et de la formation qui va avec, en choisissant, un collectif haut de gamme qui logiquement devrait être rompu aux magies du mouvement général. Car en fait il s’agit bien de cela. Réapprendre à des champions, du moins les perfectionner, pour jouer dans le désordre du jeu, celui qui se développe dans toutes les phases quand la balle, les partenaires et les adversaires sont en mouvement (en fait dans le mouvement général). Notons que dans ce collectif pas mal d’entre eux ont vécu, dans le sud le goût de ce jeu.

La théorie de l’apprentissage dans toutes les disciplines de « l’ordre par le désordre » n’est pas nouvelle. En sport co donc en rugby, il s’agit d’apporter aux joueurs des « savoirs tactiques » permettant d’évaluer avec justesse les situations rencontrées et, à la vitesse du jeu, d’y prendre les décisions opportunes. Cette appropriation devient au plus haut niveau un affinement du « sens tactique » et doit rester un moment de formation incontournable à tous les niveaux de la pratique.

J’ai donc beaucoup apprécié ce mode de pensée de Mike Ford. L’approfondir avec lui m’intéresserait tout autant. La qualité de jeu qu’il avait réussi à développer avec le club de Bath ne devait pas être le fait du hasard. En effet au sein d’un collectif de haut niveau comme le RC Toulon, compte tenu du contexte justement plutôt désordre du management global, la mise en place d’une autre façon de travailler risque de ne pas être aussi simple. Le passage d’un jeu à un autre pour qu’il se réalise doit être fusionnel, ce qui demande pour le collectif dans sa totalité de savoir se l’approprier sans réticence. Cela relève d’une manière commune de concevoir le jeu et d’en assumer solidairement les conséquences dans tous les cas de figure y compris dans l’urgence, sans comportements de façade. Plus facile à faire avec des débutants qu’avec des champions qui sont tous peu ou prou des leaders en puissance.