Mourad Boudjellal ne se déplace que rarement voir jouer le RCT à l’extérieur. « Je ne regarde même pas les matches à la télé » confie-t-il. Mais le président Toulonnais pose un regard avisé sur le monde du rugby et le LOU, en particulier.

Dans quel état d’esprit Toulon se déplace-t-il à Lyon ?

Pour gagner ! Mais on est conscient que Lyon a encore plus besoin que nous de prendre des points. Or, je sais par expérience que l’envie dans le rugby est un facteur déterminant. En tout cas, on ne prendra pas le LOU de haut comme Clermont ou le Stade-Français qui sont repartis du Matmut Stadium la queue entre les jambes.

Quel regard portez-vous sur le LOU ?

Je suis avec attention ce qui se fait à Lyon. Je ne ne vous cache pas que j’ai même une certaine sympathie pour le LOU. Quelque soit le résultat, je serais déçu samedi soir. Soit pour mon club de Toulon, soit pour mes amis de Lyon. Ceci dit on ne fera aucun cadeau, parce qu’on a besoin de points pour assurer notre place dans les deux premiers.

Voyez-vous le LOU comme un concurrent, sur le plan de l’économie du rugby, à moyen terme ?

S’il a la chance de se maintenir en fin de saison, ce que je lui souhaite, je suis persuadé qu’il va nous embêter gravement dans les années futures. Mais je milite pour que des villes comme Lyon s’inscrivent dans la durée en Top 14. Le LOU peut entraîner toute une région dans son sillage. Il a tout ce qu’il faut pour devenir un grand club français. Son jeune président est en train de prendre ses marques. Il risque d’en surprendre plus d’un dans ce milieu atypique qu’est le rugby.

Êtes-vous à l’aise dans ce milieu atypique ?

J’ai toujours eu un problème avec les élites. Pour qu’on m’impose quelque chose, il faut avoir fait mieux que moi. Sinon, à mes yeux, les autres n’ont aucune légitimité pour m’imposer leur façon de voir. Quand j’étais éditeur par exemple, quand je rencontrais Georges Dargaud, je l’écoutais.

Est-ce le cas dans le rugby ?

Pas vraiment. On nous impose des règles économiques qui sont des absurdités. On se demande même si les gens qui prennent les décisions ont déjà géré une entreprise. Quand vous savez gagner de l’argent, vous savez aussi le dépenser. Quand vous n’en gagnez pas, vous savez juste le gaspiller. Mais il y a pire…

C’est à dire ?

Il y a des tas de dirigeants, notamment de Pro D2, qui font de grands discours pour nous expliquer comment on doit gérer le Top 14. C’est gentil. Mais le rugby marche sur la tête. Rien que pour l’élection d’un représentant du Top 14 à la ligue, ce sont les clubs de Pro D2 qui imposent leur vote, puisqu’ils possèdent la majorité avec seize voix.

Êtres-vous frustrés de ne pouvoir jouer que rarement avec votre équipe au complet, comme cela va être le cas samedi à Lyon ?

C’est navrant d’autant plus que c’est une situation que l’on subit. Certes, il n’y a pas de solution miracle pour établir le calendrier. Mais pourquoi ne pas jouer, lors de certaines périodes à deux reprises dans la semaine ? On pourrait alors gérer cette situation et faire tourner notre effectif comme bon nous semble. On aurait le choix. Là, on nous impose une situation sans qu’on ait vraiment notre mot à dire.

Pensez-vous que cela puisse faussez le championnat ? 

Je vais prendre un exemple. A Castres, en novembre dernier, entre les blessés et les sélectionnés, on s’était déplacé avec une vingtaine de joueurs en moins. On avait logiquement perdu 22 – 14, avec des minots qui jouaient leur premier matches en Top 14. Là, on vient à Lyon sans nos internationaux, mais avec une équipe plus compétitive. Imaginons que l’on gagne et que le maintien entre le LOU et Castres se joue au final pour un point d’écart. Vous vous rendez compte de l’incidence économique d’une telle situation. N’oublions pas qu’il y a de nombreux emplois en jeu.

Source: Le Progrès