Suite de l’entretien de Mourad Boudjellal accordé au magazine du Midi Olympique. Dans cette partie, le président Toulonnais évoque le problème du rugby français selon lui, à savoir la répartition des droits télés et le salary-cap.

Il explique également qu’il n’est toujours pas accepté dans le monde du rugby français, puisque certains présidents de Pro D2 pèsent plus.

Mourad Boudjellal évoque également un courrier anonyme qui a été envoyé à Jacky Lorenzetti, avec les différents salaires des joueurs du RCT. Le président Varois est choqué par de telles méthodes.

Enfin, il avoue que Toulon souhaite recruter Dan Carter, tout comme le Racing-Métro 92. Le problème n’est pas de lui offrir un gros salaire mais de ne pas dépasser le salary-cap.

Voici la suite de cette interview:

Pensez-vous encore ne pas avoir été intégré par le monde du rugby professionnel ?

Quand je vois les jalousies suscitées par la réussite du RCT… Quand je vois les levées de bouclier lorsque je me suis présenté pour apporter quelques idées au comité directeur de la LNR… Quand je vois comment je me fais démonter… Je ne peux pas croire que l’on commence simplement à m’accepter. Un exemple: j’ai eu il y a quelques semaines, une conversation téléphonique avec le président d’Aurillac, qui est un mec bien, à propos du transfert d’un joueur et auquel j’ai promis de venir faire un match amical à Aurillac avec le RCT. Monsieur Millette était au anges. Pour lui, Toulon à Jean-Alric, c’est hors-norme. Quand j’ai raccroché, je me suis dit: « Ce monsieur, dans le monde du rugby, est plus important que moi. Il pèse plus car il est au comité directeur de la LNR. Et moi, non. C’est lui qui décide comment je dois gérer mon club. Lui, qui est dans l’émerveillement de recevoir le RCT et ses stars, qui a le pouvoir de les virer s’il le souhaite. Est-ce normal ?

Mais le comité directeur de la LNR n’est pas non plus obligé de vous trouver une place…

A moi, personnellement, non mais pour les présidents propriétaires de clubs qui sont, pour beaucoup, dans la croissance que connaît le Top 14, ce serait un juste retour des choses. Ce que je dénonce, c’est le poids du Pro D2 dans les instances de la Ligue. Ils sont seize et nous quatorze dont deux ou trois qui se sentent sous la menace d’une relégation. Les représentants du Top 14 sont élus par ceux du Pro D2 et les décisions prises au comité directeur le sont pour avantager le Pro D2. La deuxième division dirige le mouvement pro: voilà un bon exemple de nivellement par le bas. Or, certaines problématiques du Top 14, comme les droits télés ou le dossier des JIFF échappent aux président de Pro D2. Cela aboutit à des aberrations. Cette année, Canal + va donner 74 millions d’euros. Ce qu’attendent les dirigeants de la chaîne, c’est de meilleures audiences et davantage de spectacle. Or, cet argent, on le détourne pour quelque chose comme le « label stade » notamment. »

Qu’est ce que le « label stade » ?

Une invention d’un salarié de la Ligue qui a établi un barème de 360 points sur 179 critères. Des gens se sont réunis dans une commission pour établir qu’en Top 14, pour avoir ledit label, il fallait obtenir la moitié des points. Par exemple, quand vous avez dix pommeaux de douche par vestiaire, c’est deux points. Deux chaises dans l’infirmerie, un point ! Comment une commission peut se réunir pour définir cela vaut un point, ça deux et ça trois. Il faut être torturé. Vous imaginez le temps perdu ! Et on te demande ces investissements dans des stades qui, pour la plus grande majorité des clubs, ne leur appartiennent pas. Toulon pourrait être le club le plus diffusé et se voir retirer le « label stade » et la prime qui va avec parce que Mayol n’a pas les fameux 179 points. Est-ce normal ?

Ce problème de label est juste symbolique, pas stratégique ?

Revenons aux droits télés, dans la rétribution telle qu’elle est décidée. Si mon club descend une saison en Pro D2 puis remonte la saison suivante, il touchera plus qu’un club qui réussit l’exploit d’être sacré deux fois de suite en Top 14 ! Dans le premier cas, tu prends deux fois 300 000€ contre 200 000€ pour le deuxième. Dans un cas, on te verse 600 000€, dans l’autre 400 000€. Sans commentaire ! Pourquoi n’y a t’il pas une prime à la compétence ? N’est ce pas les équipes du haut du tableau qui font monter les droits télés ? Je ne dis pas qu’il faille couper les droits télés au Pro D2 ou qu’il n’y ait plus une part de répartition solidaire. Mais il faut aussi que le mérite soit récompensé. La saison passée, le RCT a été diffusé 21 fois sur Canal et il a touché la même chose qu’un club diffusé une fois ou deux…

Parlez-nous du Salary-Cap qui est censé limiter les salaires des plus grands clubs. On vous accuse de le détourner ?

Lui aussi est une atteinte au mérite. Il y a des clubs qui ont la chance d’avoir des investisseurs qui injectent des millions d’euros. Très bien. Pourquoi, si demain une ville est capable de générer un club  avec un budget de 100 millions d’euros, va-t’on l’empêcher d’avoir la masse salariale qui va avec ? J’ai fait une proposition lors de la dernière assemblée générale de la Ligue. J’avais demandé à ce que deux joueurs soient exclus du salary-cap. C’est à dire que pour deux joueurs, ce soit « open bar ». Les Anglais viennent de le mettre en place, les Japonnais font des offres très fortes aux internationaux, et le Top 14 n’arrive plus à attirer. Un gros joueur aujourd’hui coûte au moins 600 000€ la saison. Si j’en prends deux, ils bouffent une grande partie du salary-cap. Donc tout le monde fait marche arrière sur les grandes stars ! Or, ce sont elles qui remplissent les stades.

Du coup, vous le contournez pour pouvoir toujours attirer des stars ?

Il y a beaucoup de fantasmes là-dessus. Non, Toulon ne contourne pas le Salary-Cap. Je vais vous donner une anecdote. Il y a un président de Top 14 que je ne nommerai, de nationalité Suisse, qui a reçu un courrier anonyme censé donner avec exactitude les salaires des joueurs du RCT. Cette lettre a été montrée en assemblée générale. Je peux vous dire qu’à 90%, les salaires annoncés étaient faux. Certains étaient surévalués et d’autres sous-évalués. Mais ce président s’est permis de le lire devant tout le monde. Je trouve ça grave. C’est de la jalousie gratuite. Il voulait envoyer ce courrier aux médias. Au lieu de se chamailler avec moi comme un enfant, il ferait mieux de s’attaquer au problème réel du rugby, le salary-cap.

Pourquoi un tel acharnement sur ce dispositif ?

Ok, vous voulez un scoop qui concerne aussi bien le Racing-Métro que Toulon ?

Bien sûr…

Le Néo-Zélandais Daniel Carter est sur le marché. Il veut revenir en France. Nous sommes trois clubs en compétition dont le Racing et Toulon. Or, notre problème n’est pas de savoir comment le payer mais comment éviter, en l’engageant, de ne pas se retrouver bloqué au niveau du salary cap. Carter dans le Top 14 c’est entre 800 000 et 1 million d’euros par saison, avec la perspective d’un retour sur investissement en terme de billetterie, merchandising. Mais je vous le dis tout net, Dan Carter, en raison du salary cap mis en place par la LNR, ne reviendra pas en France. Il ira au Japon ou en Angleterre, où ils ont adouci le principe avec deux joueurs non comptabilisés dans le calcul de la masse salarial. Les stars dans le Top 14, c’est terminé !

Troisième partie à suivre…