Le président du RC Toulon estime que l’appel à candidatures pour le poste de sélectionneur du XV de France « n’est qu’un habillage »

« Sud Ouest ». Que pensez-vous du nouveau mode de désignation du sélectionneur des Bleus ?

Mourad Boudjellal, président du RC Toulon. Ce que je pense, c’est que le sélectionneur est déjà désigné. Et que tout ça, ce n’est que de l’habillage. Le monde du rugby est suffisamment petit et il y a suffisamment de gens qui veulent se rendre importants en répétant beaucoup de choses pour que je sois convaincu que les choses sont déjà bien avancées.

Formaliser le choix, n’est-ce pas pour autant un progrès   ?
Si vous voulez, on peut faire quelque chose : je vous marque le nom du futur sélectionneur du XV de France sur un papier, on le glisse dans une enveloppe et on dépose l’enveloppe chez un huissier. Et vous verrez, ce sera comme chez David Copperfield_ : j’aurai écrit le bon nom.

En 2011, lorsque Philippe Saint-André a été désigné, il était votre entraîneur à Toulon. Comment aviez-vous réagi   ?
J’ai eu l’impression qu’on n’était pas dans un état de droit. Vous avez un salarié, si vous le virez, ça vous coûte cher. Mais la Fédé, sous prétexte de l’intérêt général, elle vous dit : «   Je le prends.   » On a lâché parce que la Fédé est puissante et que je ne voulais pas être le Don Quichotte du rugby. Mais j’en garde le souvenir d’une maladresse dans le timing : la saison était commencée, les joueurs avaient été choisis par un entraîneur qui n’allait pas les entraîner.

Quelles ont été les conséquences concrètes de ce « timing » ?
Je vous donne un exemple. PSA ne voulait pas de Contepomi, qui avait encore un ou deux ans de contrat. Le faire partir m’a coûté quelques centaines de milliers d’euros. Et quand Laporte est arrivé, il m’a dit : «   Mais Contepomi, je l’aurais voulu, moi   ».

Quand avez-vous su que Philippe Saint-André partirait entraîner l’équipe de France ?
Vers le 20 août. J’ai eu de la chance qu’un entraîneur du calibre de Bernard Laporte soit libre à ce moment-là ! Il y avait une Coupe du monde, donc les meilleurs entraîneurs étaient déjà pris. Les entraîneurs, ce n’est pas comme les artistes-peintres : c’est de leur vivant qu’on sait qu’ils sont bons. Et quand ils sont bons, ils sont pris. Aujourd’hui, je suis content, parce que je sais qu’en lâchant Saint-André, j’ai apporté du bonheur à la France. C’est une consolation.

Comment faudrait-il procéder, selon vous ?
L’équipe de France, il faudrait la confier à la Ligue. Je sais que ça représente des intérêts économiques énormes pour la Fédération, mais ceux qui sont les plus à même de régler les problèmes de l’équipe de France, ce sont les professionnels, pas les amateurs. La Fédération s’occupe bien du secteur amateur, mais elle n’est pas intellectuellement armée pour le monde professionnel. Ce n’est pas son ADN.

Voudriez-vous participer au choix du sélectionneur ?
Les présidents de club du Top 14 sont confrontés tous les jours à des choix. Ils me semblent plus à même de choisir un sélectionneur pour le XV de France qu’un comité de sages plus ou moins bénévoles qui n’ont jamais solutionné de problématiques dans un club. Qu’est-ce qu’ils ont fait ? Pour nous, les changements d’entraîneur, ce n’est pas quelque chose qu’on gère tous les deux siècles.

Mais si on vous confie l’équipe de France, vous allez couvrir le maillot de sponsors, non ?
Ce n’est pas plus humiliant d’avoir un sponsor sur le maillot que de prendre quarante points. Un sponsor sur le maillot, ça ne me gêne pas. Il y en a sur ceux de plein d’autres nations : on se prend pour qui ?

C’est une exception culturelle…
Oui, d’accord, mais des sponsors, il y en a à côté. Alors virons les sponsors partenaires de l’équipe de France, ne soyons pas faux-culs ! Pourquoi les joueurs de l’équipe de France font des pubs avec le maillot bleu à la télé ou dans les journaux, dans ces cas-là ?

Si on vous laissait le choix, comment organiseriez-vous la désignation du sélectionneur ?
Cela devrait être du participatif entre les présidents du Top 14 et le comité des sages de la Fédération, s’ils veulent avoir leur mot. Mais impliquons les présidents de Top 14.

Faudrait-il faire l’annonce encore plus tôt qu’au mois de mai précédant la Coupe du monde ?
Si ça doit se faire plus tôt, cela ne doit en aucun cas être quelqu’un qui est en place avec l’actuel entraîneur…

Un adjoint ?
Si on sait qu’un adjoint va devenir le patron dans six mois, les six mois vont être compliqués. C’est mon sentiment.