Le président du RC Toulon, équipe favorite du Top 14, craint que ses hommes peinent à trouver rapidement leur motivation.

Comment se remotive-t-on quand on a remporté un doublé que l’on disait impossible ?

Mourad Boudjellal. On cherche de nouveaux challenges. C’est le principal souci pour moi, pour les joueurs. J’ai vécu avec des rêves pendant des années. Le monde réel n’est jamais aussi beau. Le soir de la finale du Top 14, j’ai fêté le doublé mais aussi le deuil de mes rêves. Maintenant, il faut se reconstruire. On va se servir de l’énergie que nous amènent nos supporters. À Toulon, on a la chance de ne pas être le club d’un milliardaire qui se fait plaisir.

Beaucoup de gens pensaient que vous quitteriez la présidence du RCT le jour où vous gagneriez le championnat. Êtes-vous devenu « accro » au succès ?

Bien sûr qu’on l’aime la victoire. Chaque victoire vous rend euphorique. C’est souvent le baromètre de ma semaine et c’est un peu stupide. Chialer sur le Bouclier de Brennus quand on a un peu de lucidité, on se dit que c’est con. Ce qui s’est passé à Toulon ces deux dernières années est incroyable. Je ne pensais pas être champion de France, champion d’Europe. Je vis ça comme un spectateur. Je n’ai pas l’impression que c’est moi qui ai construit. Mais ça, c’est la base de la culture du pauvre, pour le riche, la réussite semble naturelle.

Une majorité d’entraîneurs désigne Toulon comme le favori de cette édition. Qu’en pensez-vous ?

Je crois qu’il y a beaucoup d’entraîneurs qui ont trouvé l’excuse pour ne pas se faire virer par leur président. Ils se défaussent, s’enlèvent de la pression. J’aimerais que tous ceux qui disent que Toulon est favori, parient 10 000 euros sur nous.

Vous ne pensez pas que votre équipe possède de la marge ?

Non. Je suis prêt à mettre un billet qu’on va perdre à Bayonne. On a l’haleine qui sent encore le champagne. La motivation n’est pas encore là. Le début de saison sera compliqué. Il n’y a qu’un mois qu’on se prépare et il nous manque une dizaine de joueurs. En face, on va retrouver quinze repris de justice. Cette saison, on va affronter ceux qui veulent être champions de France et ceux qui veulent juste battre Toulon.

Avec la retraite de Jonny Wilkinson, vous avez perdu un élément central. Craignez-vous un temps d’adaptation ?

Oui. Quand vous perdez un joueur de légende, il y a fatalement un manque. Avec Jonny, nous avions une carte en plus que les autres. Il va falloir aussi que Bernard Laporte manage les ego. Mais face à lui, il n’y a pas d’ego. D’ailleurs, qui est meilleur entraîneur que lui ? Personne n’a plus envie de victoire que lui. Il transmet cette énergie de manière incroyable en réussissant à renouveler son discours.

Votre budget officiel est passé de 23 à 36 millions d’euros. Comment ?

La ligue a enfin compris qu’il pouvait y avoir sociétés en une. On est donc à 36 millions d’euros pour l’ensemble de nos sociétés plus évidemment l’argent qu’on dissimule sur des comptes off-shore. Plus sérieusement, c’est une fierté de se tirer la bourre avec Toulouse. J’ai la modeste prétention d’avoir développé une économie forte à Toulon.

Les dérapages verbaux qui nuiront à l’image du Top 14 pourront être sanctionnés jusqu’à 300 000 euros. Vous souhaitez commenter cette mesure ?

La ligue aurait pu nommer cette mesure l’arrêt Boudjellal ou l’arrêt Laporte. Ce serait plus simple et je serais assez fier. Je crois que les gens à la LNR font beaucoup de règlements car ils se sentent spectateurs de l’évolution du Top 14. C’est leur manière de redevenir acteurs.

Source: sudouest.fr