Dans un long entretien accordé à L’équipe, le demi-de-mêlée Toulonnais, Frédéric Michalak s’est confié sur sa convalescence après sa blessure à l’épaule avec le XV de France. Il évoque également le triste Tournoi des 6 Nations qu’a réalisé la France et les critiques dont il a été victime. Extrait:

On vous avez laissé, le 17 mars, quittant l’hôtel de l’équipe de France en famille, l’épaule blessée et le moral en berne. Où en êtes-vous, aujourd’hui ?

Ça va mieux. J’ai beaucoup travaillé, physiquement, depuis trois semaines pour être compétitif sur la fin de saison. Je bosse tous les jours avec le staff médical et les préparateurs physiques.

Vous êtes bon au soulevé de votre bébé (Hugo, un an la semaine prochaine) avec le bras gauche ?

(Rires.) C’était dur au début.

Quand pensez-vous pouvoir rejouer ?

J’espère être revenu avant la demi-finale de Coupe d’Europe (le 28 avril face aux Saracens à Twickenham). On joue toute la saison pour les phases finales. C’est mon objectif, j’y pense jour et nuit. Je me lève, j’écris tout ce que je dois faire.

Avez-vous recommencé à plaquer ?

Sur l’épaule droite, mais pas avec celle meurtrie. Mais je recommence à être bien sur des phases de poussée.

Est-ce possible de jouer avec une épaule qui n’est pas à cent pour cent ?

Il me reste l’épaule droite… Déjà, il faut que j’arrive à faire de bonnes passes, c’est le plus important. Tout passe par l’épaule, le mouvement de balancier. Jusqu’à présent, j’ai fait des passes, mais tout était très calculé, il n’y avait pas de phases où je ne m’y attendais pas.

Face à l’Écosse, quand Mathieu Bastareaud vous percute et vous blesse à l’épaule, avez-vous pensé avoir terminé votre saison ?

J’étais surtout déçu de me blesser. Ensuite, tu passes des examens, on te donne des délais. Et tu travailles. Aujourd’hui, je me dis que c’était un mal pour un bien après les 46 matches joués sur mes deux saisons enchaînées. Ça m’a permis de me reposer, de travailler physiquement, en musculation et en cardio.

Parleriez-vous d’un Tournoi maudit ?

Non. Pas maudit, mais difficile. Pour en avoir encore parlé aujourd’hui (hier) avec Patrice (Lagisquet, entraîneur des lignes arrière de l’équipe de France qui a terminé dernière), qui fait le tour des clubs, il y a eu de bonnes actions, mais on n’a pas mis au fond à chaque fois… C’est frustrant car, les matches, on peut autant les gagner que les perdre.

Le soir de votre blessure, on a mesuré la versatilité du public du Stade de France qui a scandé votre nom à votre sortie après vous avoir sifflé…

C’était sympa de m’applaudir… mais, sur le coup, c’est vrai que je n’y ai pas fait attention. Il y a beaucoup de gens qui m’en ont parlé : “ Tu as vu le public qui t’applaudissait ?”

Vous avez été l’objet de critiques sévères pendant ce Tournoi. Vous les avez vécues comment ?

J’y suis habitué. J’étais dans une phase de fatigue liée au nombre de matches, mais pas fatigué par les critiques. Je n’ai pas lu un journal pendant le Tournoi. Le plus important, c’était le terrain, ce qu’on faisait dans le groupe. Je ne regardais pas ce qu’il y avait dans les journaux. Si j’avais commencé à en ouvrir un le lundi matin… (Sourire.)

Il y a des jours où vous vous leviez en vous disant : “ Je ne suis pas bon en ce moment, je n’y arrive pas… ” ?

Je sentais que j’étais un peu fatigué. Je le voyais sur certains matches où j’avais moins de fraîcheur physique pour me déplacer.

Vous avez même dit avoir marché sur le terrain…

Je marchais, oui. Des trucs comme ça montrent que tu n’es pas à ton meilleur niveau.

Là, on a l’impression de revoir le “ Fred ” d’octobre-novembre, rigolo, détendu, pas celui au visage fermé de mars…

Quand tu perds, tu ne vas pas sourire et taper dans la main de tout le monde. Je suis toujours de bonne humeur, en général, mais quand tu es enfermé à Marcoussis, pendant des moments difficiles… Il faut aussi se refermer sur nous-mêmes, arrêter de parler à droite et à gauche. Tu n’as pas toujours forcément envie de raconter… Si ç’avait été que de moi, je ne serais pas venu (en conférence de presse).

Jonny Wilkinson explique vous avoir consulté avant de décider de continuer à jouer ?

(Il rit.) Et il vous faut une confirmation ? Jonny se posait des questions, voulait savoir où il en était, mais lui seul pouvait savoir s’il avait envie de continuer. Il m’a demandé si c’était un frein pour moi, pour mon évolution. Je lui ai dit : “ Tu sais, j’ai joué à Toulouse demi de mêlée pendant dix ans et ça ne m’empêchait pas d’être sélectionné par Bernard (Laporte) en 10. J’ai progressé à côté de grands joueurs, dont tu fais partie. Ça ne me dérange pas si tu continues. ” Je pense à Toulon et je sais qu’un club, pour qu’il gagne des choses, il lui faut un, deux, trois ans…

Et pendant votre convalescence, Jonny, qui a été blessé un peu partout par le passé, est-il venu échanger avec vous ?

(Pince-sans-rire.) Oui, on a monté un club d’éclopés, avec Jean-Pierre (Darnaud, l’ostéopathe du RCT) comme président. On fait des réunions tous les lundis où on parle de nos blessures…

Vous n’étiez pas à Félix-Mayol pour la victoire face à Leicester en quarts de finale de Coupe d’Europe, 21-15 le 7 avril, mais avez-vous vu ce match ?

Je l’ai regardé, bien sûr, en famille. Tout le monde gueulait. C’était un super match. Ils sont à deux doigts de marquer à la fin… Quand Vincent (Martin) a sauvé un essai, j’ai embrassé la télé ! J’étais comme un supporter.

Ce jour-là, l’enthousiasme à la descente du bus avant le match a battu des records. (Il écoute sérieusement.) Vous arrive-t-il de penser que vos supporters sont “ jobards ” ?

Pas jobards, non, mais énormes. J’ai un ami sud-africain qui m’a parlé du “ piou piou ” (le Pilou Pilou). (Il rit.) C’est exceptionnel, cette haie d’avant match. Pour ces gens, pas obligés de venir là, ce serait génial de gagner un truc.

Philippe Saint-André parle de “ tournée d’une vie ” pour le voyage en Nouvelle-Zélande avec trois tests face aux All Blacks en juin. Vous y pensez ?

D’abord, il y a la semaine prochaine et la demi-finale de Coupe d’Europe… Avec Toulon, on est qualifiés sur deux tableaux, ça me rappelle des grosses fins de saison avec Toulouse. C’est excitant. Après, la Nouvelle-Zélande, ce serait magnifique d’en être, de pouvoir gagner un test… ou même trois.(Sourire.) Ce serait grandiose. Les joueurs qui ont gagné là-bas s’en souviennent encore. On parle toujours de l’essai du bout du monde (en 1994)… Ce sont des souvenirs qui restent gravés… Ce serait énorme d’y participer. »