Les vérités de Pierre-Henry Broncan sur l’immense échec des Wallabies dans le Mondial
Les vérités de Pierre-Henry Broncan sur l’immense échec des Wallabies dans le Mondial
Le vendredi 13 octobre 2023 à 11:51 par David Demri
5 Commentaires
Publicité
Le technicien Français Henry Broncan s’est confié dans les colonnes du journal L’équipe sur sa fin d’aventure avec l’Australie.
Il explique avoir vu le match entre le Portugal et les Fidji actant l’élimination des Wallabies dans cette Coupe du monde. Extrait:
On était ensemble, le staff et l’équipe, tout le monde. C’était sympa, une bonne ambiance. On était quand même lucides, on savait qu’on avait très peu de chances de se qualifier. Le tournant pour nous, c’est quand les Portugais mènent 10-3, ils ont tout de suite une occasion de marquer à nouveau. Malheureusement il y a un turnover et, dans la foulée, essai des Fidji. Il restait du temps, mais à 17-3, ça aurait été compliqué pour les Fidjiens qui avaient perdu le fil du match et qui avaient du mal à imposer leur jeu.
Il explique pourquoi les Wallabies n’ont pas performé durant ce Mondial. Extrait:
La jeunesse de l’équipe n’a pas fonctionné sur cette Coupe du monde. Elle n’a pas manqué d’expérience mais de vécu collectif. Je pense que, dans quatre ans, cette équipe sera très compétitive, à condition, dans les quatre ans, de travailler beaucoup plus que ne le font les joueurs australiens en Super Rugby. On s’aperçoit que les joueurs qui évoluent en France, Will Skelton et Richie Arnold, ont une éthique de travail beaucoup plus importante que les joueurs qui sont en Australie.
Pourquoi ? Parce que le Championnat est bon, qu’il y a la Coupe d’Europe, qu’il faut s’entraîner pour jouer tous les week-ends. En Super Rugby, c’est maximum une quinzaine de matches dans l’année. Il y a peu d’enchaînements. Les jeunes Australiens manquent de matches de haut niveau. Le Super Rugby a énormément perdu avec le départ des Sud-Africains et des Argentins. Ce Championnat s’est appauvri en qualité et en quantité.
Ce sera au rugby australien de donner à Eddie Jones la capacité d’entraîner une quarantaine de joueurs à l’année, ce qu’a fait l’équipe de France après une Coupe du monde catastrophique en 2015. Il y a eu l’instauration des JIFFs puis, avec Fabien Galthié, les quarante joueurs présents pour préparer les matches internationaux. 28 à 30 joueurs bloqués, interdits de jouer en club pendant le Six Nations, une préparation qui s’est intensifiée autour de l’équipe de France. Il faut que ce soit la même chose pour l’Australie s’ils veulent être performants.
Il peste également contre les blessures. Extrait:
la Coupe du monde on la perd la semaine où on perd (Taniela) Tupou et (Will) Skelton. Notre mêlée et notre paquet d’avants étaient bien moins bons sans eux. On avait dominé la mêlée française (en match de préparation le 27 août au Stade de France) parce qu’on avait Tupou et Skelton. Avant ça, on avait dominé la mêlée néo-zélandaise pour les mêmes raisons. Malheureusement, le réservoir australien n’est pas le réservoir français. Ces deux joueurs-là n’ont pas été remplacés par des joueurs du même profil. Au moins un des deux aurait été présent, je pense qu’on aurait battu les Fidji.
Deux blessures musculaires la même semaine sur deux entraînements différents, c’est un point très négatif de la préparation. Tupou et Skelton sont des joueurs lourds. Il leur faut une prépa physique personnalisée, c’est impossible de les préparer comme les autres. Ça a certainement été mal géré, mais c’est facile à dire après. Skelton était notre capitaine, le joueur expérimenté du groupe, celui qui devait faire l’équilibre avec la jeunesse. Et Tupou est une force de la nature. C’est dommage.
Il se confie ensuite sur la claque reçue contre le Pays-de-Galles (40-6). Extrait:
À la mi-temps (16-6), j’étais persuadé qu’on allait gagner ce match. Je trouvais qu’on était dedans, qu’on dominait cette équipe galloise sur la dimension physique. Malheureusement, j’en reviens à l’éducation australienne et au Super Rugby : dès le début de la seconde mi-temps, on prend une pénalité qui nous fait passer à -13. Et les joueurs ont lâché. Ils sont habitués à lâcher.
En Top 14, il y a le bonus défensif. Tu t’accroches pour revenir à cinq points. Ça n’existe pas chez eux. Ils ne sont pas habitués à rester dans le match. Alors que 13 points d’écart, c’est rien ! Ces joueurs ont la mauvaise habitude de lâcher. C’est inconscient. Il faut que cet état d’esprit change. Et pour ça, il faut être habitué à s’entraîner plus dur, à être en situation de pression et, tactiquement, avoir des scénarios à jouer plus souvent.
Il explique pourquoi les joueurs sont moins performant dans le Super Rugby. Extrait:
Ils ne sont pas habitués à travailler sous pression, à être constants dans la précision et la concentration. On le sent bien. Ils sont habitués à travailler à haute intensité, ce n’est pas le souci, mais c’est la précision qui manque. Le sens tactique, aussi. Il y a très peu de tacticiens parmi les joueurs. Ça vient de la jeunesse de cette équipe, du manque de vécu collectif et de l’absence de pression dans leur Championnat.
Selon lui, cet échec reste une très bonne expérience pour l’Australie. Extrait:
C’est au contraire une très bonne expérience. C’est là-dessus qu’ils doivent bâtir, Carter Gordon le premier. Il a quatre ans pour travailler son jeu au pied, le tir au but. Des choses qu’il ne fait pas, ou en tout cas qu’il a peu faites jusqu’à maintenant. Quand tu veux être un numéro 10 de niveau international d’une grosse nation, le tir au but ce n’est pas « quand je veux », c’est tout le temps. C’est un exercice qu’il doit pratiquer. Il doit s’imposer en club comme buteur numéro 1 et s’entraîner pour avoir un pied de niveau international.
Ces joueurs ont un potentiel énorme. S’ils s’entraînent vraiment dur, ils deviendront de grands joueurs. De la qualité, il y en a. Il y a aussi quelques moins de 20 ans qui vont vite franchir le cap. Un bilan va être fait jusqu’en novembre en Australie. Le nerf de la guerre sera le côté financier. Ils ont la tournée des Lions Britanniques en 2025, la Coupe du monde en 2027. Il y a un projet sur quatre ans vraiment intéressant. Il faut qu’ils surfent là-dessus.
Il a ensuite porté son soutien à Eddie Jones, vivement critiqué. Extrait:
Je l’ai trouvé très bon à l’intérieur du groupe. Il a toujours mis les joueurs et le staff en confiance, il a toujours été positif en parlant d’amélioration, de travail, même la dernière semaine alors qu’on n’avait pas de match à jouer. Même au niveau des coaches, avec beaucoup qui venaient du XIII ou du foot australien, il n’a jamais été critique envers eux. Il les a soutenus. Je ne dis pas qu’il les gardera, certainement qu’il ne les gardera pas parce qu’il a bien vu que ça ne fonctionnait pas, ce n’est pas le même sport. Mais il a toujours été là. Si Eddie reste, il fera de cette équipe australienne une grosse équipe en 2027.
Concernant les rumeurs de départ d’Eddie Jones vers le Japon, Pierre-Henry Broncan se confie. Extrait:
Ça n’a pas du tout perturbé le groupe. Eddie, on connaît sa relation avec le Japon. Sa mère est Japonaise et vit au Japon, sa femme aussi. Il est consultant ou directeur sportif de Suntory, un des plus gros clubs japonais, il a entraîné l’équipe nationale. Les Japonais aimeraient vraiment faire revenir Eddie Jones à la tête de la sélection, on le sait. Mais il a toujours été engagé avec nous à 100 %. Il travaille tout le temps, très tôt le matin. Il n’a jamais lâché. Il a toujours parlé d’avenir aux joueurs. Ça dépendra de ce qui va se mettre en place. Il n’y a pas de temps à perdre. Les Français, ils ont eu quatre ans pour construire un groupe. Ils préparent cette Coupe du monde depuis quatre ans. L’Australie doit prendre exemple là-dessus.
Pour conclure, le technicien Français évoque son avenir. Extrait:
Je vais prendre une décision fin octobre, début novembre. J’ai des propositions différentes : retourner en club, une sélection nationale, continuer avec Eddie Jones. Je vais en discuter chez moi. Tant mieux, je ne me plains pas, j’ai le choix. »
Publicité
5 Commentaires