Les magnifiques confidences de Matt Giteau sur le doublé effectué avec Toulon
Les magnifiques confidences de Matt Giteau sur le doublé effectué avec Toulon
Le mardi 4 juin 2024 à 11:59 par David Demri
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La semaine dernière, le Rugby Club Toulonnais célébrait les 10 ans du doublé Top 14 / Coupe d’Europe effectué en 2014.
L’occasion pour le journal régional Var-matin d’obtenir une très belle interview de Matt Giteau.
Dans un premier temps, ce-dernier explique pourquoi il a repris sa carrière un an après avoir annoncé sa retraite sportive. Extrait:
« En fait, j’ai continué à m’entretenir. Pour me sentir bien dans ma tête, il faut que le corps suive. Et là, San Diego m’a appelé… Ça me permet de reformer une paire de centres avec Ma’a Nonu. En plus on joue en Rouge et Noir. On se croirait à Toulon. »
Questionné sur le doublé, il rappelle que le Bouclier de Brennus était devenu une obsession pour le RCT. Extrait:
« Depuis notre défaite en finale de Top 14 en 2013, ramener le « bout de bois » était devenu une obsession. Plus encore que le doublé. Nous voulions mener Toulon, notre petit village, sur le toit du monde. Et je ne le savais pas encore, mais ce 31 mai allait être le sommet de ma carrière. Et la fête qui a suivi… Je n’avais jamais rien vécu d’aussi fou. Dans toute la ville, on ne voyait pas un centimètre de bitume. Savoir que notre bande de copains a donné autant de joie à tout un peuple… Bon, avec le recul j’aurais aimé être un peu moins ivre, pour m’en rappeler avec plus de précision (rires). »
Il explique comment le groupe Toulonnais a réussi à faire ce doublé. Extrait:
Il suffisait de regarder le vestiaire à trois minutes d’un grand match pour comprendre. Chaque mec montait le curseur de plusieurs crans. Chacun connaissait ses qualités, savait ce qu’il avait à faire… Tout ça, en grande partie grâce à Bernard Laporte. Il nous manageait à la perfection, acceptait de reposer les anciens, savait challenger les jeunes. Il nous gardait frais et motivés. À ses côtés, Pierre Mignoni et Jacques Delmas étaient parfaits également. Tout était simple. Puis on vivait des choses difficiles à expliquer…
Qu’est-ce qu’il peut t’arriver quand tu as un manager capable de te hurler dessus à la mi-temps et de t’offrir une bouteille de vodka en boîte de nuit deux heures plus tard? Bernard était fou, mais il mettait un point d’honneur à séparer le terrain de la vie. C’est pour ça qu’on l’aimait tous. Moi le premier. Si tu jouais mal, il te le disait sans détour. Mais une fois les crampons enlevés, il te considérait pour l’homme que tu étais. C’est pour ça que tous les mecs donnaient leur vie pour lui. Donc nous avions une équipe spéciale, des coachs extraordinaires, des ambitions communes, une osmose collective, une ville qui nous aimait plus qu’elle n’aimait sa propre famille… Je crois qu’on jouait pour les bonnes raisons: donner du bonheur aux Toulonnais.
Il affirme que seul Jonny Wilkinson échappait aux gueulantes de Bernard Laporte. Extrait:
Il était toujours juste dans ses reproches, sauf avec Jonny (rires). Si Jonny faisait une mauvaise passe à l’entraînement, il disait « on se concentre sur la prochaine action ». Si un autre mec manquait un ballon anodin, il arrêtait le jeu et lui réglait son compte: « oh mec, qu’est-ce que tu fais, tu n’as pas envie de jouer aujourd’hui? » (rires). Bernard nous prenait à partie devant toute l’équipe, donc soit tu te braquais et tu n’avais rien à faire dans cette équipe, soit tu avançais. Bon, et pour revenir sur Jonny, la vérité, c’est qu’il n’avait pas besoin de Bernard pour se mettre une pression monstre sur les épaules. C’est pour ça qu’il le laissait tranquille. Jonny, mais Jonny… c’est Jonny (rires).
Avec d’autres joueurs, il s’est montré bien plus dur. Extrait:
En revanche, même si on est tous passés par des belles engueulades, certains étaient particulièrement dans son viseur… Je pense surtout à Drew Mitchell. « Oh Drew, qu’est-ce tu fais mec? » (en français). Heureusement, Drew ne comprenait rien au français, et Tom Whitford s’arrangeait avec la traduction (rires). Non, Drew était un joueur sensationnel, décisif dans les grands matchs, mais il aimait un peu trop la fête. Alors Bernard s’en prenait au joueur, mais il aimait tellement l’homme qu’il était toujours entre deux eaux.
Il a ensuite parlé de Pierre Mignoni et Jacques Delmas, les entraineurs adjoints de Bernard Laporte. Extrait:
Si je devais résumer, Pierre, c’était le tacticien. Pour parler jeu d’attaque, failles dans la défense adverse, on se tournait vers lui. Il dessinait le plan de jeu, savait tout des systèmes de chacun de nos adversaires. Jacques, lui, s’assurait chaque matin que tous les mecs aient leur café. Je schématise, mais ce que je veux dire c’est qu’il venait, parlait avec nous, prenait le temps de s’assurer qu’on allait bien, qu’on n’avait pas de problème à la maison. Bon, et évidemment, il s’occupait des avants, mais du coup lui et moi, on ne parlait quasi jamais de rugby (rires). Ce qui ne nous a pas empêchés d’avoir une relation particulière. Nous sommes proches. Encore aujourd’hui. Je lui envoie souvent des messages.
La force du groupe ? Aucun joueur ne plaçait sa personne au-dessus du groupe. Extrait:
Personne ne plaçait sa personne au-dessus du groupe. Quand Jonny arrive avec 90 capes, et qu’il croise les 80 capes de Bakkies Botha, qui va donner des leçons à l’autre? Personne. Nous n’étions pas là pour bomber le torse. Chaque mec laissait son CV à la maison. Tu n’entendais jamais « moi, je suis champion du monde », « moi, je suis le capitaine de mon pays », ou « moi, j’ai été élu meilleur joueur de tel championnat ». On n’avait pas besoin de se flatter. Au contraire, chacun voulait gagner le respect des légendes avec lesquelles il jouait. Pas pour ce qu’il avait accompli, mais pour ce qu’il allait accomplir à Toulon.
L’atmosphère de notre vestiaire était à part. Cependant, je ne crois pas qu’on puisse forcer l’amitié. Ce sont des choses qui arrivent naturellement. En revanche, ce qui est indispensable, c’est d’apprécier la compagnie de chacun. Et c’était le cas chez nous. Il y avait un équilibre naturel, on rigolait tout le temps. Entre les Sud-Afs, les Géorgiens, les Français, les Anglais, les Australiens, les Argentins… On était une famille. On a eu beaucoup de chance de vivre ces choses ensemble.
Il aurait aimé se retrouver à Toulon pour fêter les 10 ans du doublé. Extrait:
Je n’ai rien entendu. Personne n’a pris l’initiative (rires). À moins que Mourad Boudjellal nous invite chez lui? Non, le rêve, ce serait d’aller à La Plage, au Mourillon, comme à l’époque. Je sais que ça a fermé, mais Pierre Mignoni pourrait bien obtenir les clés pour un week-end, non? Sinon, il peut bien nous inviter dans son restaurant, tout le monde viendra. Je vais mettre un message sur la discussion d’équipe, mais bon, entre le décalage horaire, les mecs qui n’ont pas de réseau, ceux qui ont perdu leur téléphone, on n’arrivera jamais rien à organiser (rires).
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