Les confidences à coeur ouvert d’un joueur ayant traversé une grosse dépression : « Les gens te voient dépérir… »

Les confidences à coeur ouvert d’un joueur ayant traversé une grosse dépression : « Les gens te voient dépérir… »

Le mardi 18 juillet 2023 à 10:59 par David Demri

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Le talonneur de l’US Dax, Maxime Delonca s’est longuement confié dans les colonnes du Midi Olympique pour évoquer un sujet encore trop tabou : la dépression chez les joueurs de rugby.

Il affirme avoir fait un gros burn-out d’octobre à mars. Extrait:

« Je suis content de rechausser les crampons pour une saison, car la fin d’année dernière a été très frustrante pour moi, étant donné que je me suis blessé à six journées de la fin. Je suis extrêmement fier de ce que les gars ont fait, de leur parcours et de tout ce qu’ils ont donné au club. De mon côté, j’ai traversé une période très compliquée, j’ai fait un gros burn-out avec une dépression d’octobre à mars. Je n’étais pas bien, mon corps a lâché et je me suis blessé. Je remercie tous les jours ma femme et mes enfants d’être restés à mes côtés, de m’avoir supporté et d’avoir encaissé tout ça. »

Il indique que tout a débuté par le décès de son grand-père dont il était très proche. Extrait:

« J’ai perdu mon grand-père en août dernier, c’était comme mon père, mon idole. Ça a été très dur. Dax me sollicitait beaucoup, les autres talonneurs étaient blessés, je jouais tous les matchs. Il faut s’investir sur le terrain, dans le vestiaire. J’ai enchaîné les rencontres, la fatigue mentale et nerveuse et ça a pété. J’ai vu un psychologue, j’ai pris des antidépresseurs. Là, je remonte la pente. Quand il t’arrive un truc comme ça, tu es tout seul, comme un con. »

Il ne cache pas non plus avoir été agacé par la fin de son aventure avec l’Aviron Bayonnais. Extrait:

« À l’Aviron bayonnais, ça s’est terminé sans un remerciement du président ou un appel de Grégory Patat pour me dire qu’il ne me gardait pas. Après, je ne voulais pas rester là-bas, car j’étais arrivé en bout de course avec Yannick Bru, mais le manque de communication m’a fait du mal. Je suis un mec qui garde tout pour lui et toutes ces émotions négatives me sont montées au cerveau, qui a fini par lâcher. Je ne pensais pas que ça pouvait m’arriver un jour. »

Il raconte le calvaire qu’il a traversé pendant quelques mois. Extrait:

« Ce qui est terrible, c’est que je ne voulais plus rester chez moi. J’avais complètement zappé ma femme, mes enfants. C’est très dur d’abandonner les gens que tu aimes. À côté de ça, Dax me demandait beaucoup, je ne voulais pas décevoir les gens qui comptaient sur moi. Sur le terrain, de janvier à mars, je parlais moins dans le vestiaire, j’étais moins présent. Arnaud Aletti est venu me voir pour me demander si ça allait. Jeff Dubois m’a convoqué dans son bureau pour savoir si quelque chose n’allait pas. Mais je niais tout et sur le terrain, je faisais des matchs de merde. Ce n’était pas moi. J’étais présent physiquement, mais mentalement et psychologiquement, je n’y étais pas. »

Il remercie sa femme d’être restée auprès de lui malgré tout. Extrait:

« J’étais dans le déni complet. J’ai fait n’importe quoi, j’ai craqué complet, j’ai tout lâché et j’ai la chance d’avoir la femme que j’ai, car elle est restée. J’aurais pu tout perdre. »

Il l’affirme : une dépression peut arriver à tout âge. Extrait:

« Après mon opération, en mars, ma femme m’a pris rendez-vous chez le docteur, qui m’a dit que j’avais fait un gros burn-out avec une dépression. Tu es obligé de sourire devant les gens, de faire croire des choses et quand tu rentres à la maison, tu es une merde, tu n’es pas bien, tu as des idées noires. Tu n’as pas envie de montrer aux gens que tu es faible. Nous, les joueurs de rugby, on se dit qu’on est très fort, dur, formatés au plus haut niveau, mais force est de constater que nous ne sommes que des hommes. Même à 35 ans, ça peut arriver.

J’étais dans un état second, fatigué mentalement, physiquement. Je n’étais pas moi. J’étais mort de l’intérieur, je n’avais plus d’émotions, plus rien. J’étais vide. C’est terrible, pour moi, d’en reparler, car ça me fait remonter des trucs. »

Il précise s’être confié aux membres du staff technique. Extrait:

« J’en ai parlé à Arnaud Aletti, Théo Trémeau, Etienne Loiret, Mattieu Bidau, des mecs avec qui je m’entends super bien. J’en ai parlé avec Jeff Dubois, ma femme l’a appelé, pour lui expliquer ce que j’avais traversé. Maintenant, le staff est sensibilisé là-dessus. D’ailleurs, les entraîneurs sont venus s’excuser de m’avoir trop fait jouer, ce à quoi je leur ai répondu que c’était ma volonté. Ce n’était pas de leur faute. Quand la dépression arrive, il faut en parler de suite, car c’est une maladie très grave. Moi, j’ai eu de la chance, mais il y en a qui font des choses bien pires.

Les gens te voient dépérir, mais ils n’osent pas venir te voir pour te dire que ça ne va pas. Toi, tu ne veux pas en parler, car tu préfères tout garder. Pendant cette période, j’étais très mal à l’intérieur, mais je me devais de motiver les mecs. J’avais besoin de ça pour leur montrer que je les aimais. Je n’ai pas fait ça avec mes enfants ou ma femme, c’est très dur, ça fait mal. C’est bizarre, mais j’ai eu envie de détruire tout ce que j’avais construit. Ma femme est exceptionnelle, mes enfants sont géniaux, mais je me sentais comme une merde par rapport à eux. J’avais envie d’être seul. »

Selon lui, le sujet de la dépression est encore tabou dans le rugby. Extrait:

« C’est un sujet tabou. Plein de joueurs en parlent, bien après. Je pense que quand ce genre de chose arrive, tu as besoin d’être seul et de ne pas en parler, alors qu’il faut faire tout le contraire. Il faut se forcer à aller voir des gens compétents au moindre signe, car ça part au quart de tour. Là, au CERS, je vois encore la psychologue, ça me fait du bien. »

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