Le RCT, un énorme vecteur économique pour la ville de Toulon

Le RCT, un énorme vecteur économique pour la ville de Toulon

Le jeudi 2 avril 2015 à 15:15 par David Demri

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2013-06-02-alb-0796

Avec ses titres et ses stars planétaires, le rugby club toulonnais a impulsé une dynamique touristique et économique sans précédent à la ville et sa région. En changeant l’image de Toulon, il a aussi redonné sa fierté à tout un peuple.

Le RCT est dans toutes les conversations ! Même celles… du Premier ministre néo-zélandais ! La première chose dont John Key aurait parlé à la présidente du FMI Christine Lagarde, lors de sa visite en Nouvelle-Zélande, fut de Tana Umaga lors de sa période toulonnaise. Le bouillonnant président du RCT Mourad Boudjellal apprécie. Cette anecdote démontre qu’il a réussi son pari : faire connaître la cité du Levant bien au-delà des frontières européennes, lui donner une nouvelle image, plus glamour.

Il faut bien le dire, quand Mourad Boudjellal reprend le club en 2006, le RCT n’était pas au mieux. Quant à la ville, elle tentait péniblement de remonter la pente après ses années Front national, destructrices pour son image. Coincée sur la rive de la Méditerranée par le mont Faron, Toulon, jusqu’à récemment, ne faisait pas vraiment rêver les touristes. Loin de là. Du séjour du célèbre amiral ottoman Barberousse au XVe siècle, au fameux épisode du sabordage au coeur de la Deuxième guerre mondiale, Toulon n’a jamais été une cité comme les autres. Sa réputation, pas toujours très reluisante. « Toulon était une ville d’hommes sans honneur et de femmes sans pudeur, rappelle le pédopsychiatre Marcel Rufo, Toulonnais de souche. « C’était une ville de bordels, une pute un peu moche. » Traîtresse à la République, elle s’est donnée aux Anglais en 1793. Simple capitaine d’artillerie, Bonaparte gagne alors ses galons de général en reprenant l’insoumise aux forces antirévolutionnaires alliées aux Anglais. Toulon échappe de peu à la démolition… et n’est que débaptisée pour s’appeler Port-La-Montagne. Ce port rebelle fut également le théâtre du triste épisode du sabordage de la flotte le 27 novembre 1942. Tous les grands bâtiments de combat sont coulés pour éviter leur saisie par les troupes du Troisième Reich. Après la guerre, le port détruit est reconstruit à grand renfort de béton, bien loin des petites maisons qui longeaient la rive autrefois.

Surtout, Toulon a pâti, ô combien, de sa situation géographique. Ni vraiment provençale, ni vraiment localité de cette Riviera si chère aux touristes anglo-saxons. Elle n’a pas de personnalité propre. « C’était une cité meurtrie : une cité qui n’était pas aimée, complètement oubliée entre la Provence et la Côte d’Azur. On ne savait plus trop quelle était l’identité à laquelle se raccrocher », souligne Nathalie Gerthoux, directrice de l’Office de tourisme de la ville. Marquée par sa rade et ses chantiers navals militaires, enlaidie par une reconstruction du port inesthétique, Toulon souffre également de la crise et du chômage. Elle ne peut rivaliser avec l’industrieuse et dynamique Marseille, pas plus qu’avec le bling-bling de Saint-Tropez ou Nice.

UNE VILLE TRAUMATISÉE
Mais Toulon devient véritablement une ville à part lors de l’élection d’une municipalité Front national en 1995. Un traumatisme pour beaucoup. Une tache qui aurait pu s’avérer indélébile. À l’époque, Marcel Rufo, enfant de la Rade, reconnaît avoir tu ses origines. Mourad Boudjellal aussi : « En 1995, j’avais tellement honte que je disais que j’étais de Cannes, de Nice ou Saint-Tropez. Cette honte fut une des raisons pour lesquelles j’ai repris le club. » Ainsi, en cette fin de XXe siècle, Toulon est définitivement reléguée au rang de bourgade de province méprisée, quasiment marquée du sceau de l’infamie, délaissée. Même le rugby, tradition solidement ancrée dans la vie locale malgré une belle embellie avec la conquête du Brennus en 1987 grâce à Daniel Herrero, puis de nouveau en 1992, ne gagne plus.

Avec Mourad Boudjellal, les choses vont changer. L’homme originaire de la cité du Levant a un rêve et compte bien le réaliser. Si les canons de Toulon avaient été entendus par toute la France en 1942, selon les mots de De Gaulle, avec Boudjellal, c’est le Pilou-Pilou qui va résonner plus fort et plus loin que jamais. Il déniche les perles rares, des stars. De Tana Umaga à Jonny Wilkinson, en passant par Bryan Habana ou Bakkies Botha, les grands noms du rugby mondial foulent la pelouse du stade Mayol. Et donnent à Toulon une réputation internationale.

Et pour les Toulonnais, peuple fier mais meurtri, l’alliance Boudjellal-RCT va s’avérer détonante. « Comme les Toulonnais ne pouvaient pas gagner, ils préféraient être craints, analyse Marcel Rufo. Le stade Mayol a longtemps été un rite initiatique pour toute personne qui joue au rugby. Justement, Mourad n’y a jamais joué. Il ne pouvait comprendre ce que représentait le complexe toulonnais où, au moins, il fallait faire peur. Mourad a d’autres complexes qui vont s’associer à ce complexe toulonnais. De cette issue névrotique, de l’attitude de la peur de perdre des Toulonnais à l’obligation de gagner de Mourad, ce sont deux complexes qui s’associent, celui de la défaite et de la gloire. Ces deux attitudes névrotiques vont donner le jour à la splendide réussite du RCT qui est un modèle maintenant pour toutes les équipes de France. Toulon a perdu la notion de honte. »

Après vingt-et-un ans de disette, les losers de la Rade se sont enfin remis à gagner. Le vilain petit canard toulonnais a raflé en deux ans un Bouclier de Brennus et deux Coupes d’Europe pour le plus grand bonheur des supporters… mais pas seulement. Le RCT et ses stars sont devenus des sources d’inspiration. « Wilkinson est un modèle pour l’ensemble de la jeunesse pour sa rigueur et son sens du travail, se félicite Marcel Rufo. Si vous faisiez intervenir Wilkinson auprès des décrocheurs à l’école, ils seraient guéris. C’est une très bonne chose qu’il ait gardé un rôle d’ambassadeur du club. »

Car le RCT victorieux, c’est toute la ville qui renaît. Ses habitants qui, enfin, retrouvent l’envie d’entreprendre. Les succès du RCT n’y sont pas étrangers. « Beaucoup de gens m’ont écrit pour me dire que les lendemains de victoires ou de titres, ils avaient eux aussi décidé de se lancer dans leurs entreprises, confie Boudjellal. Le RCT leur avait donné l’envie et l’énergie nécessaires. Si nous avons pu véhiculer ça chez les Toulonnais, c’est magnifique. Moi c’est ce que j’ai donné quand j’étais éditeur. Je ne suis pas allé vivre à Paris alors que j’en avais l’opportunité. J’ai sciemment choisi de créer les éditions du Soleil à Toulon Je voulais prouver qu’on pouvait réussir dans cette ville. Si j’ai pu faire passer ce message aux Toulonnais, c’est le plus beau des salaires »

UNE AHURISSANTE MÉDIATISATION
Dans le sillage des Rouge et Noir, c’est toute l’économie d’une région qui est dynamisée. « Toulon Provence Méditerranée est le territoire qui, ces dernières années, a créé le plus d’activités de Menton à Marseille. Toulon demeure le premier port de défense en France mais s’est aussi énormément ouverte au tourisme », assure le sénateur-maire Hubert Falco (voir l’interview). Véritables VRP de luxe, les Wilkinson et consorts, engrangeant les titres, valent aux matchs du RCT d’être diffusés sur les télés de tous les continents. Les belles rencontres et une rade ensoleillée constituent le meilleur dépliant touristique. Mourad Boudjellal n’en revient pas de cette ahurissante médiatisation. « Quand l’an dernier, on nous a dit que le RCT était le deuxième club le plus médiatisé de France derrière le PSG, tous sports confondus, j’ai eu du mal à le croire. » Selon une étude Kanta Sports, pour une campagne de promotion équivalente, la municipalité aurait dû débourser… 26 millions d’euros ! Depuis le début de la saison, le RCT a bénéficié d’un nombre d’heures d’antenne sans pareil : près de 80 au total !

Attention cependant à ne pas tomber dans l’excès. Pour Marcel Rufo, le club doit demeurer populaire. « Je reste circonspect sur le fait qu’on ait la victoire modeste. Il ne faut pas garder ce côté mariol qui prouve nos fragilités d’antan. Nous, Toulonnais, avons un peu ça dans le sang. Nous avons ce côté un peu nareux, m’as-tu-vu et extraverti. Mais c’est le Sud. On n’est pas aussi chics que le Stade français ou le Racing. »

DES ANGLAIS, DES CHINOIS, DES INDIENS…
Pour Toulon, la renaissance triomphale des Rouge et Noir est du pain béni. Le doublé Championnat–Coupe d’Europe a donné un coup de fouet au tourisme local. Les chiffres en attestent : 222 806 visiteurs ont découvert la rade en 2013, contre 215 000 en 2012. Nathalie Gerthoux, directrice de l’Office du tourisme, en est certaine, « le club est un énorme vecteur de notoriété ». Il a redoré l’image de la cité. Les week-ends de matchs, les hôtels, restaurants et autres brasseries sont combles. Les rencontres européennes sont l’occasion pour les étrangers, principalement des Anglais, d’effectuer un court séjour. Restant plusieurs jours, ils profitent des activités de loisirs et s’adonnent volontiers au shopping.

« Les retombées en termes de fréquentation sont de + 10 % à l’Office de tourisme, soit environ 20 000 contacts directs amenés par le RCT. Ce sont par exemple 10 000 Anglais qui viennent désormais tous les ans chez nous. » C’est ainsi une nouvelle clientèle qui débarque à Toulon. Deuxième ville la plus ensoleillée de France en 2014, la cité varoise attire des voyageurs du monde entier : « En Afrique du Sud et Nouvelle Zélande, on ne nous connaissait pas. J’ai reçu des voyagistes à plusieurs reprises venant de destinations lointaines : Chinois, Indiens, Sud-africains, Australiens et Néo-Zélandais. Des professionnels qui comme première demande dans le cadre
de leur visite de la région Paca voulaient voir Toulon et parfois même visiter le stade. » Les joueurs attisent la curiosité des gens, locaux comme étrangers. L’office du tourisme reçoit ainsi des demandes souvent incongrues : où habitent les joueurs ? où leurs enfants vont-ils à l’école ? Des lignes aériennes ont même été ouvertes spécialement lors de rencontres du RCT entre l’Angleterre et Toulon ! Avec Wilkinson en figure de proue, le navire RCT embarque de nombreux fans. Des cortèges entiers d’Anglais qui découvrent régulièrement Toulon pour des week-ends entre amis ou encore enterrements de vie de garçon. La firme britannique Caterpillar a profité du match contre Leicester en Coupe d’Europe pour y offrir un séjour de motivations à ses cadres.

L’Office de tourisme propose ainsi des « packages » estampillés RCT : ils partent comme des petits pains. Sa directrice, Nathalie Gerthoux, en collaboration avec le club, planche actuellement sur la création d’un lieu dédié aux Rouge et Noir : « Il s’agirait d’un mini-musée avec de grandes photos historiques, confesse-t-elle. Ce serait un beau point d’orgue pour finir la visite du stade. » Grâce au rugby, ces touristes ont découvert la ville en hiver, et ils y retournent l’été venu pour leurs vacances. Ces dernières années, Toulon et sa région ont retrouvé une énergie qui séduit. Des politiques volontaristes ont permis d’en faire un lieu dynamique et attractif. La liaison ferroviaire entre l’aéroport de Marseille et Toulon est un exemple. Les croisiéristes ont bien compris l’attractivité de la cité, et le nombre d’escales est en constante augmentation. La ville connaît une embellie touristique qui ne se dément pas. Grâce aux Rouge et Noir, Toulon n’a plus vraiment de saison creuse.

UN TAUX DE CRÉATIONS D’ENTREPRISES RECORD
La spirale vertueuse ne se limite cependant pas au tourisme. Grâce à son fer de lance toulonnais, le Var jouit en effet du taux de créations d’entreprises le plus élevé du pays après l’Île de France. Toulon a fait le pari du numérique. Le secteur compte quelque 1 300 entreprises dont la moitié créée ces trois dernières années. Un nouveau campus de 1 200 étudiants s’est implanté à la rentrée dans le centre-ville. La municipalité a même déposé une demande pour obtenir le label « French Tech ». Toulon affiche aujourd’hui le taux de chômage le plus faible du département (11 %). Puissante locomotive, les Rouge et Noir ont contribué à profondément changer l’image de la cité varoise. Mourad Boudjellal se sent reconnaissant vis-à-vis de cette ville qui l’a fait roi. Voilà pourquoi il ne se voyait pas jouer le quart de finale européen face aux Wasps ailleurs que dans le temple de Mayol. « Vis-à-vis des miens, les Toulonnais, il ne pouvait en être autrement. Je suis redevable à ma ville. Un quart de finale, c’est quand même une ambiance exceptionnelle. » Peu importe la perte financière de près d’un million d’euros pour le club. « Ce genre de match a une dimension européenne voire mondiale. Il est diffusé dans 120, 130 pays. J’ai envie que sur les matchs à grande diffusion planétaire, on voit Toulon. C’est important. Il est même indispensable que ce match se déroule à Toulon. Lorsque les Ospreys sont venus les premiers chez nous, ils ont dû se dire qu’ils débarquaient chez les fous. »

C’est cela Toulon. Une ville de fous, de fadas. Une ville qui a retrouvé sa fierté, et qui prouve que les rêves sont réalisables. Même pour les vilains petits canards.

Source: Midi Olympique

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6 Commentaires

  1. Béotien 2 avril 2015 at 17h- Répondre

    « Selon une étude Kanta Sports, pour une campagne de promotion équivalente, la municipalité aurait dû débourser… 26 millions d’euros… »
    Voilà qui devrait fermer la bouche de tous ceux qui déplorent ou nous jettent au visage les 3 malheureux millions de subventions publiques (ville + agglo + département) ou même la mise à disposition gratuite du stade…
    Certainement un des investissements les plus rentables de la région.

    • Doyle 2 avril 2016 at 00h- Répondre

      C’est sur qu’une étude menée par Kanta Sports ça doit donner des chiffres totalement exacts.Permets moi d’attendre que le département statistiques de chez Saupiquet ou Panzani corroborent ces résultats.

  2. Moccot ardènt 2 avril 2015 at 18h- Répondre

    Merci Mourad (Je te tutoie mais c’est de l’amour). Pour tout ça. Quand on y pense…..
    Sinon Toulon n’a JAMAIS été une ville de « merde », c’est juste que nous étions méconnus et que ça nous arrangeait bien. Par contre c’est une ville de combats empreinte de latinité. Et moi je l’aime, c’est ma patrie, la terre de mes pères vrais ou symboliques. Putain que je l’aime mon pays où poussent les cailloux….

  3. fan's du rct 2 avril 2015 at 18h- Répondre

    on va leur montré au anglais dimanche c’est quoi mayol!!!

  4. Pesci 2 avril 2015 at 21h- Répondre

    Moi ca me rend dingue la vision qu on les journalistes de notre ville … c est tellement condescendant, est ce que le mec qui a écrit ca dirait la même chose de Perpignan, Pau, Agen, évidemment non .. Toulon n a jamais été la poubelle qu ils décrivent, ok oui il y avait « Chicago » a l époque et alors ? Marseille était clean peut être ? Oui dans les années 90-2000 il ne se passait pas grand chose dans notre ville, mais les endroits a la mode d’aujourd’hui comme le Mourillon, Carqueiranne n’existaient pas aussi ?? On a un peu l’impression en lisant l’article qu on était des singes et un ramassis de fachos avant que le RCT reprenne le haut de l’affiche ! Oui c est clair le RCT et Mourad on fait énormément de bien a la ville mais la vision que le journaliste du merdol decrit me parait fausse et insultante

  5. pierre83690 2 avril 2015 at 22h- Répondre

    le Var seule département de France avec un taux de croissance! Et bien sur Toulon en est la locomotive. Ma femme vis à paris et moi je suis revenu dans mon var natale depuis deux ans. Pour me rejoindre elle a cherchée du travail dans toute la région et elle n’a pas eu l’ombre d’un entretien à Nice ou à Marseille, alors qu’à Toulon elle à eu le choix entre deux boulots. Je ne pense pas que ce soit uniquement grâce au RCT, mais ce club contribue forcement au dynamisme de notre ville et de notre département. Pour moi le var est une terre d’opportunités et je laisse la crise au reste de la France. Après tout on a toujours été à contre sens par rapport aux autres 🙂