Acte fondateur contre l’Usap

Ce 17 avril 2010, c’est au coeur d’un stade Vélodrome en feu que le « Toulon version Boudjellal » a pris date. Sportivement et symboliquement. Ce jour-là, lors de l’avant-dernière journée de la phase régulière, le RCT dominait le champion de France perpignanais (33-23) et s’emparait de la première place du classement. Coup de force. « On a envoyé un signal fort au rugby français, assurait le président en conférence de presse d’après-match. Toulon est de retour parmi les grands. »

Seulement un an et demi après avoir retrouvé l’élite. Dès sa deuxième saison en Top 14, le RCT, alors dirigé par Philippe Saint- André, tutoyait déjà les sommets. In fine, les joueurs de la rade, deuxièmes de la phase qualificative, à égalité de points avec l’Usap mais devancés au point-average, et seront éliminés en demi-finale par Clermont, après prolongations (29-35) au terme d’une rencontre légendaire à SaintÉtienne. Mais l’histoire était en marche…

La désillusion européenne

Dimanche 23 mai 2010. C’est ce que l’on appelle une fête gâchée… Tous les ingrédients étaient réunis : Toulon en
finale du Challenge européen, face à Cardiff, et le rendez-vous programmé au stade Vélodrome, à soixante-dix kilomètres de Mayol. Le premier titre européen de l’histoire varoise était en vue, à domicile. Tout était si bien parti. Dans le sillage d’un Sonny Bill Williams exceptionnel, auteur d’un essai à la 36e minute, et d’un Jonny Wilkinson toujours aussi royal, qui offrait huit points au pied, le RCT menait 13-6 à la pause. Comment l’imaginer rater l’opportunité de marquer définitivement le retour du club au premier plan ?

Avec une blessure de l’ouvreur et maître à jouer anglais. Voilà ce qui est arrivé à la 46e minute, le contraignant à quitter le terrain. Puis tout s’est dramatiquement enchaîné… En raison des quotas de joueurs extracommunautaires à respecter sur la feuille de match, Felipe Contepomi, seul capable de prendre les responsabilités de Wilko, se trouvait en tribunes, Saint-André lui ayant préféré le troisième ligne Juan Martin Fernandez-Lobbe. Propulsé déposiatire du jeu par contrainte, l’Anglais Tom May a failli. Entraînant Toulon dans sa galère. Résultat : défaite 21-28 et un Vélodrome éteint. Le seul immense accroc du RCT dans ce stade. De quoi énerver passablement Mourad Boudjellal à l’époque :

« Je suis en colère car nous aurions pu tuer le match très tôt. […] Mais j’aime être en colère car cela me permet d’emmagasiner de l’énergie. Cette année, nous avons flirté, l’année prochaine, nous voulons coucher ! » Il aura dû attendre trois ans finalement mais pour remporter la grande Coupe d’Europe cette fois. Car le Challenge manquera au palmarès toulonnais.

L’exemple

En six ans de délocalisation à Marseille, Clermont-Ferrand est la seule équipe à avoir tenu la dragée haute au RCT au Vélodrome. Le 13 avril 2013, les troupes de Vern Cotter avaient obtenu le partage des points face à la bande à Laporte (26-26). L’exploit est d’autant plus marquant que l’ASCMA s’était déplacé dans la cité phocéenne avec une équipe de « coiffeurs ».

Ne voulant dévoiler ses cartes avant les grands rendez-vous européens, Cotter s’était livré à une véritable partie de poker menteur avec son acolyte varois. Cette rencontre avait marqué les grands débuts côté auvergnat de Mike Delany en Top 14. Fait rare. Jonny Wilkinson était dans un jour sans. Le buteur anglais avait laissé trop de points en route au pied (12) pour permettre à son équipe de prendre la mesure de valeureux clermontois. Auteur d’un doublé, Noa Nakaitaici avait éclaboussé la rencontre de sa classe. Présent ce jour-là dans les tribunes, Philippe Saint-André était tombé sous le charme du virevoltant Fidjien. Il apprenait également qu’il était sélectionnable pour les Bleus…

Les précédents

Cette affiche au Vélodrome fait désormais partie des rendez-vous incontournables de la saison. Depuis sa remontée
dans l’élite, le RCT a pris l’habitude de régulièrement inviter son club parrain du Stade toulousain dans l’enceinte phocéenne. Il s’agira du cinquième affrontement à Marseille entre les Rouge et Noir de la rade et leurs cousins du Capitole. Le bilan est largement en faveur des Toulonnais. Le RCT mène 5 victoires à 0.

Mais ces parties marseillaises ont toujours donné lieu à des empoignades accrochées. Des scénarios à suspense et à multiples rebondissements. Les Toulousains ont toujours donné leur part aux chiens, repartant deux fois du Vélodrome avec le précieux sésame du bonus défensif lors de la première confrontation en avril 2009 et celle de l’an dernier. La cuvée 2014 est sûrement la plus goûteuse et la plus spectaculaire du lot. Précis dans le jeu au pied, époustouflant sur ses prises d’intervalle, Frédéric Michalak avait été le grand bonhomme de cette rencontre. Auteur de 27 points et d’une inspiration géniale sur l’essai de Maxime Mermoz, il avait fait très mal à son club formateur. Le tournant du match était intervenu lors du carton jaune reçu par Akapusi Quera à la 65e minute de jeu.

Autre confrontation toute aussi irrespirable : le millésime du 18 avril 2009 ayant lancé la série des Toulon – Toulouse au Vélodrome. Le RCT emmené des Tana Umaga, Sonny Bill Williams et Joe Van Niekerk avait dû son salut grâce à son buteur… sudafricain. Pourtant critiqué pour son manque de constance, Conrad Barnard avait envoyé les supporters du « Ercété » au paradis en réussissant une pénalité de 55 mètres dans le money-time. Ce succès sur le fil face au géant toulousain (18-13) avait été fêté comme un titre par le peuple toulonnais. Cette opération maintien réussie s’était transformée en une formidable opération de séduction pour l’avenir. « Les rêves vont pouvoir devenir réalité », prédisait un Mourad Boudjellal extatique. Ce jour-là, il prit véritablement conscience de l’immense potentiel du RCT. L’opération reconquête était lancée.

Source: Midi Olympique