L’ancien médecin du Rugby Club Toulonnais se confie sur la problématique des commotions
L’ancien médecin du Rugby Club Toulonnais se confie sur la problématique des commotions
Le samedi 20 novembre 2021 à 19:11 par David Demri
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Jamais le sujet des commotions cérébrales et de la santé des joueurs n’a été autant d’actualité qu’en ce moment.
Il y a quelques jours, l’ancien pilier droit international Néo-Zélandais, Carl Hayman annonçait publiquement être atteint de démence précoce en raison des nombreux chocs dont il a été victime tout au long de sa carrière sportive.
World Rugby a décidé de lancer « une initiative mondiale d’éducation visant à faire mieux comprendre l’importance de la santé cérébrale ».
Selon le communiqué publié par World Rugby, il s’agit de simplifier un domaine complexe et accroître la compréhension de la santé du cerveau tout en approfondissant « la connaissance des facteurs de risque modifiables de la démence, dont la commotion ».
Interrogé par le journal régional Var-matin sur l’épineux sujet des commotions cérébrales, l’ancien médecin du Rugby Club Toulonnais et désormais médecin de l’Olympique de Marseille, Jean-Baptiste Grisoli a accepté de s’exprimer.
Il est dans un premier temps revenu sur les révélations de Carl Hayman. Extrait:
« Je suis resté ami avec Carl, j’étais au courant de sa situation. Le fait qu’il ait rejoint le collectif de joueurs génère un effet de masse qui fait ressortir cette problématique. Depuis plus de 10 ans, le rugby a évolué et se situe en avance. Il sert de modèle aux autres sports dans la prise en charge et le suivi des joueurs. Aujourd’hui, comme dans toutes ces problématiques, la question est de savoir si le cas est rattachable seulement au rugby. »
L’ancien docteur du RCT aimerait savoir si ces symptômes proviennent réellement des chocs reçus lors de sa carrière de rugbyman. Extrait:
« Pour les cas post-carrière, est-ce que les maladies sont imputables seulement au rugby? Chaque cas doit être diagnostiqué et bilanté. Il y aura des cas de démence, de Parkinson, de Creutzfeldt-Jakob, d’Alzheimer, mais comme dans la population générale. Il faudra voir si les pourcentages sont plus significatifs chez les anciens rugbymen. Pour l’instant, les études montrent que non. Certains demandent de faire comme au football américain, une banque de cerveaux pour des analyses post-mortem. Reste qu’une détérioration du cerveau peut aussi être liée à du diabète, des conduites addictives d’alcool, de drogue, d’antécédents familiaux… »
L’actuel médecin de l’OM explique que le football a 10 ans de retard sur le rugby dans le domaine. Extrait:
« Aujourd’hui, je suis à l’OM, je me rends compte que le foot est beaucoup plus léger pour gérer les commotions. Cette année, ils ont instauré le carton bleu, mais ils ont dix ans de retard, même si forcément ils ont moins de cas que dans le rugby. On ne peut pas accuser le rugby d’avoir été négligent. Grâce à lui, on a sensibilisé, même en médecine générale, sur le fait qu’il faut du temps pour récupérer après un choc. »
Concernant les casques de protection, Jean-Baptiste Grisoli affirme qu’ils n’ont rien prouvé. Extrait:
« Avec la vitesse d’inertie à laquelle il y a l’impact, la mousse des casques n’a aucun intérêt de protection. Chez les jeunes, c’est même contre-productif, car les petits peuvent avoir tendance à se sentir en sécurité et à envoyer la tête en premier au contact. »
Pour conclure, Jean-Baptiste Grisoli explique comment est suivi un joueur victime d’une commotion. Extrait:
« Chaque commotion est tracée et documentée avec des protocoles de recherche. Cependant, à ce jour, il n’y a pas d’examen référent sur le sujet. La seule certitude reste qu’il faut des délais de reprise assez longs. Ça peut aller d’une semaine à six mois, selon les facteurs cognitifs et les tests de reprise, afin de savoir si le cerveau a pleinement repris ses fonctions. Nous essayons également de surveiller des marqueurs biologiques qui pourraient passer dans le sang. Nous sommes également sur de nouvelles IRM fonctionnelles de diffusion qui pourraient permettre de voir des images du cerveau. Mais pour que ce soit optimal, il faudrait faire ces images en début de saison quand les joueurs sont au repos, après un match normal et comparer cela quand il y a une commotion. Cela représente du temps et un certain coût, mais la recherche avance. »
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