Joe Van Niekerk, figure de proue du RC Toulon ( Source Le Figaro )

Joe Van Niekerk, figure de proue du RC Toulon ( Source Le Figaro )

Le samedi 23 octobre 2010 à 9:57 par David Demri

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Une ovation salue à chaque fois son entrée dans l’arène du Stade Félix-Mayol. Le regard fiévreux, il se frappe vigoureusement la poitrine, exhortant sa troupe et le public à le suivre dans sa furia. À Toulon, le public voue un culte à Jonny Wilkinson, l’icône, le maître à jouer, la tête du RCT. Et à Joe Van Niekerk, le capitaine venu d’Afrique du Sud, le combattant infatigable de la troisième ligne qui fait don de son corps à ses couleurs, l’âme rouge et noire. Un amour réciproque pour ce plaqueur au grand cœur revenu de loin.

«J’avais entendu parler de cette folie avant d’arriver, mais je n’avais pas bien réalisé, avoue le Toulonnais d’adoption. Cela a dépassé toutes mes attentes. Comme en Afrique du Sud, le rugby est ici une religion. Les gens sont fous et nous transmettent des vibrations incroyables. Ils extériorisent leurs émotions…» Comme lui.

Un tempérament qui tranche avec celui des stars de l’Ovalie passées par la Rade, les Victor Matfield, George Gregan, Jerry Collins et autres Anton Oliver, qui n’ont jamais adhéré aux excès locaux. «Dans un passé récent, des joueurs sont venus à Toulon et n’ont pas accepté la culture de la ville, confirme le gaillard. Ils n’ont pas voulu se livrer à fond pour le club. Ici, ce qu’il faut, c’est se donner sans retenue, montrer qu’on en veut !»

Débarqué la même année que Collins le All Black, Van Niekerk était moins connu. Mais il a vite tout emporté sur son passage. «Je n’abandonne jamais. Je reste optimiste quel que soit le match et son issue. Et je ne suis pas du genre à aller pleurer dans un coin en cas de défaite. Je me relève et me fixe un nouvel objectif. C’est ce que les gens apprécient en moi. Je suis un battant sur un terrain comme dans la vie…» Et aussi un athlète accompli.

«JVN» a touché à tout dans sa jeunesse : athlétisme, water-polo et cricket, avant de se consacrer au ballon ovale. À 17 ans, il courait le 100 m en 10 » 9 et sautait 2,02 m à la hauteur. Éclat de rire : «Maintenant, je ne suis même pas sûr de faire le 100 m en 11 »50 !» Chose rare, le «phénomène» avait été appelé à 21  ans chez les Springboks sans avoir disputé le moindre match de Currie Cup (le championnat sud-africain), ni de Super 14. Las, il ne confirmera jamais les espoirs placés en lui, traînant une encombrante réputation de fêtard. D’où quelques interrogations : «J’ai eu de nombreuses blessures. Je pense que c’était en partie lié au fait de commencer jeune. Mon corps n’était pas prêt à encaisser de tels chocs…»

 

Privé de sacre mondial 

En juin dernier, il est rappelé en équipe nationale, aux côtés d’autres exilés en Europe comme François Steyn (Racing-Métro). Après le succès face aux Gallois (34-31), le sélectionneur, Peter de Villiers, brocarde le niveau du rugby européen, jugé trop faible. «C’est ridicule, s’emporte Van Niekerk. C’était juste un moyen de clore le débat sur les joueurs évoluant en Europe afin de garder les meilleurs Springboks au pays. J’avais parlé avec le coach après le match, il m’avait dit : “C’était bien, on se reverra pour la tournée d’automne.” Depuis, pas un mot… J’aurais aimé plus d’honnêteté. Il n’y a pas de différence entre nous, les Européens, et les Springboks du Super 14.»

Derrière son masque jovial, Johann Christiaan Van Niekerk – son nom complet – a traversé quelques vicissitudes avant de débarquer en France. Lors du premier rassemblement des Springboks avant la Coupe du monde 2007, il se blesse au dos en soulevant une charge trop lourde en salle de musculation. Le sacre mondial lui passe sous le nez. Dans la foulée, Northampton, qui lui avait proposé un contrat en or, est relégué en deuxième division et prétexte qu’après sa blessure le Sud-Africain est perdu pour le rugby. Début des ennuis. Retour alors chez les Lions de Johannesburg, la franchise de ses débuts. Sans contrat, il est payé au match. Ses performances lui valent d’être rappelé chez les Boks. Avant de s’engager dans le Var, où il a retrouvé la flamme. «Toulon m’a donné une deuxième chance dans la vie. Une part de mon cœur appartient désormais à cette ville.» Pour des ambitions partagées. Lors de sa première saison dans le Var, le club avait lutté pour le maintien. L’année dernière, Toulon a terminé deuxième de la première phase du Top 14. «Cette saison, il faut que nos résultats soient au moins aussi bons.» Objectif, dernier carré. La passion toulonnaise ne saurait tolérer un retour en arrière… Là, le programme s’annonce copieux avec le Stade Français, samedi après-midi au Stade de France, puis Toulouse et Perpignan. Un triptyque dantesque.

Contractuellement, l’idylle entre le club et son capitaine se terminera la saison prochaine, mais Van Niekerk, toujours affable, ne s’y projette pas encore. «Je ne sais pas de quoi l’avenir sera fait. Je veux juste continuer à prendre du plaisir.» Carpe diem, une formule qu’il a fait sienne. À 19 ans, il se l’est fait tatouer en lettres gothiques en bas du dos. «Un dernier mot pour les dirigeants de Northampton : depuis votre “diagnostic”, j’ai joué 70 matchs !» Pour le plus grand bonheur du RCT…

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