L’ancien médecin du Rugby Club Toulonnais et du XV de France, Jean-Baptiste Grisoli s’est longuement confié dans les colonnes du journal L’équipe pour évoquer la blessure contractée par Antoine Dupont contre l’Irlande.

Ce-dernier rappelle que le demi-de-mêlée Français avait déjà été victime de la même blessure, au même genou, en 2018.

Il explique ce que cela engendre.

Il l’affirme : désormais, Antoine Dupont doit faire attention pour sa future vie. Extrait:

On redoute toujours la re-blessure. Le problème, c’est qu’au niveau technique de réparation, on n’a pas beaucoup de tendons à prélever sur un genou. Je ne sais pas quel type de tendons on lui a pris en premier lieu, devant le tendon rotulien ou plutôt derrière les ischios jambiers, ce qui est le plus courant. Il va falloir réopérer ce même genou. Dupont est déjà revenu, il est en forme, il reviendra. Mais dans sa vie future, il ne faudra pas qu’il y en ait d’autres.

Il y a plusieurs techniques pour l’opération. On peut prendre sur l’autre genou, mais on n’aime pas toucher un genou sain. On peut prendre aussi sur des donneurs, sur des cadavres. Ce ne sera pas le premier rugbyman, footballeur, skieur qui se fait opérer deux fois de son genou. La question, c’est comment est son genou dans l’ensemble. Est-ce qu’il a des ménisques sains ? Est-ce qu’il n’a pas de gros défauts au niveau du cartilage ? C’est surtout ça.

Il n’y a pas de feu vert de reprise de niveau sans un genou qui a récupéré quasiment l’identique de l’autre côté. Avant, on partait un peu à l’aveugle. Maintenant qu’il y a les techniques, on a des tests d’évaluation de retour de terrain codifiés avec des tests isocinétiques. Tant qu’on n’a pas récupéré la quasi-totalité, on ne reprend pas.

Il le confirme que le délai normal pour ce genre de blessure, c’est huit à neuf mois d’absence. Extrait:

Oui, huit à neuf mois, c’est un délai classique pour un sportif de haut niveau. C’est l’avantage d’avoir une cellule haut niveau qui s’occupe de vous tous les jours, qui est encadrée, avec un suivi performant. Pour un sportif lambda, c’est plutôt douze mois. Ce qui est important, c’est bien sûr l’état du genou, qu’il n’y ait pas de problème sous-jacent parce que, parfois, avec l’immobilisation, la perte du muscle, il peut arriver des gênes, des complications. À Toulon, on avait fait un truc de fou en 2010 avec Fabien Cibray (demi de mêlée et aujourd’hui manager d’Oyonnax). Il avait repris à cinq mois.

Le chirurgien (Bertrand) Sonnery-Cottet était comme un fou. Cibray était tellement en avance, ça allait tellement bien qu’on ne voyait pas pourquoi on le retenait. Ça arrive. Mais pour d’autres, il y a des douleurs, et ça va durer jusqu’à douze mois. Il se blesse contre Brive et cinq mois après il avait repris. Le chirurgien nous avait dit :  »Je vous suis, mais je n’ai pas le choix ». Cibray avait rejoué sans problème. C’est rare, bien sûr, normalement c’est plutôt huit ou neuf mois pour les sportifs de haut niveau. Parfois, ça se joue sur des détails avec plein de petits facteurs qui entrent en jeu.

Il précise que ce type de blessure est bien plus problématique pour un pilier, à savoir un joueur lourd, que pour un demi-de-mêlée. Extrait:

Non. Ça aurait été surtout plus embêtant sur un pilier en surpoids. Dupont est un bel athlète, propre sur lui. Il n’est pas à la fin de sa carrière à 28 ans, il est encore performant. Il est déjà passé par là. Il connaît le processus jusqu’à la lumière. C’est toujours anxiogène car le sportif de haut niveau n’aime pas être blessé. Il aime être avec les copains et avoir une vie organisée. Là, c’est une vie désorganisée où tu ne t’occupes que de toi. Mais son club de Toulouse sait faire et va bien l’accompagner.

Pour conclure, Jean-Baptiste Grisoli explique pourquoi Antoine Dupont ne pourra pas se faire opérer tout de suite. Extrait:

On aime bien faire dégonfler le genou et refroidir avant d’opérer. Les chirurgiens vont décider de la technique chirurgicale en fonction de l’état du genou, savoir ce qu’ils peuvent prélever de mieux comme tendons pour construire. Maintenant, tout est bien codifié. En gros, il y a six semaines un peu compliquées. Quand on a un genou, je dirais à peu près sain et qui a récupéré ses amplitudes, on commence un cycle de renforcement après ces six semaines.

Après un bloc de trois mois, on fait un premier test de force musculaire pour voir où on en est. Et à quatre mois, on peut entamer le travail explosif, le travail dans l’axe, sans pivot. Et à six mois, on peut commencer un peu à se désaxer le pivot. Là, on rentre à cheval dans la préparation physique et l’aptitude au rugby. C’est ce que l’on appelle des reprogrammations neuromusculaires pour reprendre des sensations et confiance dans le genou.