Même gabarit (1m90-110kg), même poste (3e ligne), même physique musculeux, même chevelure, parfois retenue en catogan, même générosité dans l’engagement… Pierrick Gunther n’a plus qu’à découper, à l’occasion, un ou deux All Blacks, et l’affaire sera dans le sac. Le « nouveau » Chabal naîtra instantanément dans la fantasmagorie mediatico-populaire.

Le Toulonnais a encore du temps devant lui. Il a fêté ses 22 ans en octobre et le Drômois filait sur ses 30 lorsqu’à l’été 2007 il a franchi le mur du son en envoyant Chris Masoe au pays des songes puis en fissurant Ali Williams.

Philippe Saint-André, qui avait placé l’aîné sur orbite rugbystique, en 2005 à Sale, a lui aussi remarqué la similitude entre les deux joueurs lors de son passage sur la Rade (2009-2011). « Petit Chabal » avait-il baptisé l’espoir… Lequel, on le jurerait, prend un certain plaisir désormais à cultiver la ressemblance.

Lorsqu’il a pointé ses biscoteaux en équipe « première » à l’automne, bénéficiant de la suspension de Missoup, des blessures de Van Niekerk et Fernandez-Lobbe, tout le monde a cru qu’il s’agissait d’un nouveau Sud-africain dégoté par Bernard Laporte… Les assidus de Mayol, eux, savaient. Ils savaient que le « petit » sortait du sérail. Et les plus assidus se souvenaient l’avoir aperçu un soir de mai 2008, à Lyon, en début de seconde mi-temps, lorsque le RCT survolait le D2, puis qu’il était encore entré en jeu, un an et demi plus tard, face à Brive, en 2e ligne, pour jouer les cinq dernières minutes.

Un Ch’ti chez les cigales

Ainsi donc, une bonne fois pour toutes, Pierrick Gunther n’est pas Sud-africain… Il est né à Roubaix. Si fait ! Mais il n’a pas été ch’ti très longtemps… À six mois il suivait ses parents en Provence… Il y vait le ciel, le soleil et la mer… Les cigales aussi.

C’est au lycée qu’il a fait connaissance avec l’ovale, en UNSS, et c’est au Rugby Club de Grimaud/Sainte Maxime qu’il a signé sa première licence. Minime 2e année. Comme il manifestait déjà une belle santé et commençait à tracer quelques sillons intéressants, les Toulonnais l’ont rapidement attiré dans leurs filets. Il n’était que cadet.

La maturation a été plus lente même s’il a décroché des sélections en équipe de France universitaire… Un peu chien fou, un peu inconstant, un gabarit hybride… Mais Pierrick Gunther a fait ses classes, sans rechigner… Il faut bien être patient pour avoir sa part de lumière au sein de l’effectif interstellaire du RCT.

Il manque la barbe… et la «victime»

Le gaillard s’est accroché… Il est devenu encore plus gaillard, toujours plus gaillard, gagnant des kilos (une bonne dizaine) comme de la consistance sur un registre mieux maîtrisé de 3e ligne combattant. Et lorsque Laporte a fait appel à lui, mi-octobre face à Perpignan, il a tenu le cap… Mieux, dans la galère de Newcastle (3-6), en Challenge européen, mi-décembre, il a crevé l’anonymat… Il ne restait qu’un Toulonnais à se battre et c’était lui…

Depuis, sur 31 matches livrés par l’équipe, malgré les retours de Van Niekerk puis de Fernandez-Lobbe, l’«indomptable» a été « sélectionné » à 27 reprises dans le groupe, toutes compétitions confondues, dont 17 comme titulaire ! Autrement écrit, il n’a manqué que quatre rendez-vous ! Il a poussé le pourtant redoutable croque-mitaine, Joe El Abd, comme l’excellent Missoup sur le banc puis sur la liste des transferts (Le premier rejoint Aix, le second le Stade Français).

Aujourd’hui, avec les biceps de Vosloo, le torse de Schwarzeneger, les cheveux de Chabal, les indispensables tatouages et une place en finale, Pierrick Gunther est mûr pour affoler les internautes. Il n’a plus qu’à laisser pousser la barbe et trouver sa « grande victime»…

La Dépêche