Carl Hayman brise le silence : « L’alcool ? Je ne suis pas sobre à cent pour cent mais… »

Carl Hayman brise le silence : « L’alcool ? Je ne suis pas sobre à cent pour cent mais… »

Le mardi 31 décembre 2024 à 13:03 par David Demri

6 Commentaires

Publicité

L’ancien pilier droit international Néo-Zélandais, Carl Hayman s’est longuement confié via L’équipe.

Condamné à 4 mois de prison avec sursis pour des violences conjugales en 2019, l’ancien joueur du Rugby Club Toulonnais a une nouvelle fois dérapé.

En effet, le pilier droit a été condamné à 18 mois de prison avec sursis et à 3 000 dollars de dommage et intérêt pour avoir menacé une femme de publier ses photos dénudées sur internet.

Dans un entretien accordé à L’équipe, il raconte où il en est de sa vie. Extrait:

Je continue de regarder des matches mais pas toutes les semaines, pas religieusement. J’ai pensé à m’impliquer au niveau amateur, donner de mon temps au club de New Plymouth. On verra. Pendant plus de vingt ans, le rugby a été au coeur de ma vie, j’ai besoin de rétablir un équilibre.

Il explique ressentir de la gratitude pour le rugby malgré les moments très difficiles qu’il traverse désormais. Extrait:

La gratitude l’emporte. J’y ai vécu des expériences humaines fortes, de belles amitiés. Mais ce sport doit encore progresser pour préserver la santé des joueurs. Elle doit être au coeur des décisions. C’est préoccupant de voir l’accumulation de blessures à la tête et le nombre toujours accru des matches. Ce sport est devenu une industrie et des saisons de dix mois, ça tape sur les organismes. C’est beaucoup d’impacts cumulés. Les joueurs sont plus rapides et plus puissants que de mon temps. Il y a de quoi être inquiet.

Il indique avoir connu des gros problèmes liés à l’alcool. Extrait:

C’était un des moments les plus durs de ma vie. J’ai grandi dans une ferme et, chez les paysans, on ne montre jamais ses faiblesses. Ce n’est déjà pas simple de s’avouer qu’on a besoin d’aide, alors de le dire aux autres… Écrire un livre m’a aidé à poser les choses, me délivrer d’un poids. Le sport professionnel vous place sur un piédestal, la chute est d’autant plus violente. À l’époque où j’ai écrit cette lettre, mon monde implosait : je me débattais avec des pertes de mémoire soudaines, des crises d’anxiété, une grosse dépression.

Mon mariage s’effondrait, il me fallait gérer ma fin de carrière, tenter d’en démarrer une autre en tant que coach… J’essayais d’envoyer valser mes problèmes, ils me revenaient à la gueule. Je me sentais parfois dans la peau de l’Incroyable Hulk. Ma vie était en lambeaux.

Il explique comment son ex-femme a tenté d’expliquer la situation à leurs enfants. Extrait:

Lorsque nous vivions ensemble, mon ex-épouse (Nathalie Crook, ancienne présentatrice à la télévision néo-zélandaise) s’était chargée de leur expliquer « papa a mal à la tête, il souffre de vertiges, il a parfois des absences ». Tout être humain connaît des moments difficiles dans une vie. Nos enfants sont nés à Toulon. Ce sont un peu des petits français car ils ont été scolarisés cinq ans là-bas. Notre fils aîné Taylor adore le foot, il est fan du PSG. (Il rit.) Quand nous vivions à Pau, en 2018, il était venu vers moi en s’exclamant : « papa, on a gagné la Coupe du monde ! »

Il est ensuite revenu sur sa condamnation pour violences domestiques auprès de son ex-compagne. Extrait:

J’ai eu l’occasion de m’excuser auprès d’elle à plusieurs reprises. J’ai le sentiment qu’elle m’a pardonné. Avec Nathalie, nous avons traversé des moments durs mais nous avons conservé une bonne relation pour le bien de nos enfants. Elle sait ce que je traverse, manifeste beaucoup de bienveillance pour la garde des enfants. Elle comprend qu’avec mon état, avoir la garde des petits pendant une journée entière ça peut être difficile. On cherche des solutions pour que je puisse quand même partager des moments avec eux.

Concernant l’alcool, il fait un point. Extrait:

Je ne suis pas sobre à cent pour cent mais je fais de gros efforts au quotidien pour essayer de l’être. Ce n’est pas facile. Il y a tant de choses à déconstruire. J’ai grandi dans une culture rugby, un sport devenu pro mais qui avait des habitudes et des attitudes immatures de l’époque des amateurs. La mentalité a commencé à changer. Quand je jouais en club à la fin des années 1990, je me souviens d’un ancien qui m’avait dit : « train hard, drink hard, win hard games » (entraîne-toi dur, bois fort et gagne les gros matches). 

Après les rencontres, on avait cette tradition de la « court session » (le tribunal des joueurs où l’on débriefe le match en buvant des coups). Boire nous rassemblait. On bossait dur en début de semaine puis on basculait dans le « binge drinking » dans une ambiance festive. En Nouvelle-Zélande, beaucoup de joueurs de mon époque ont eu de gros soucis avec la boisson.

Il explique pourquoi il est tant dépendant à l’alcool. Extrait:

Boire est une échappatoire aux tourments de mon cerveau, au tumulte de mes pensées à cause de la dépression. Le hic, c’est que c’est un cercle vicieux qui me rend pire encore. J’ai le sentiment de résoudre mes soucis un moment en buvant mais les lendemains sont pires. Ça dure quelques heures et, au réveil, l’anxiété s’invite à la fête, ma dépression devient plus forte encore. La fatigue qui s’accumule détériore un peu plus mon état. Ce n’est pas facile de rompre cette dynamique.

Ça engendre aussi beaucoup de frustration en moi, un sentiment de dévalorisation. Une perte de confiance aussi car, physiquement, j’ai tellement baissé. C’est dur à accepter. Quand je regarde ce qu’est une belle journée pour moi aujourd’hui par rapport à ce que c’était il y a cinq ans, c’est dur à vivre. Il m’est très difficile de me confronter à l’image de moi dans le passé. J’ai besoin de me discipliner sur mon rapport à la boisson. C’est un combat permanent. Il commence par accepter la réalité qui est la mienne.

Pour conclure, il indique vouloir faire passer un message aux jeunes générations. Extrait:

On doit tous faire face à des conflits intérieurs, chaque petit pas accompli pour réintégrer nos vies est une victoire. On a tous besoin d’une petite tape dans le dos, d’une épaule sur laquelle s’appuyer. Orthez, c’est un lieu qui a été important dans mon existence. Là-bas, j’ai pu prendre du temps avec moi-même, ce que je n’avais jamais fait de ma vie. J’étais trop occupé à poursuivre le rêve de la performance. J’ai trop joué, j’étais prisonnier de mon esprit de compétition. Le rugby était devenu une obsession. J’ai été élevé dans cet esprit. Dans la famille de ma mère, mes tantes étaient d’énormes compétitrices.

J’aurais aimé que quelqu’un me dise de ne pas pousser mon corps autant, semaine après semaine. Même si je ne l’aurais probablement pas écouté. C’est un message que j’aimerais transmettre aux jeunes générations : c’est une bonne chose dans la vie d’avoir une passion, de s’impliquer à fond, d’être habité par cette envie de réussir, d’être capable de consentir à d’énormes sacrifices. Mais il y a une contrepartie : quand on se consacre corps et âme à l’entraînement, quand tout s’arrête que reste-t-il ? J’ai donné tellement de moi pour bâtir cet « homme machine ».

Après ma carrière, je me suis demandé « mais je suis qui en fait ? » C’est important de savoir que l’on n’est pas seulement ce que l’on fait. C’est pareil pour les salariés avec leur boulot : c’est capital de cultiver son identité profonde, son univers à soi. Pour ne pas se retrouver dans le vide quand tout s’arrête. 

Publicité

6 Commentaires

  1. P2683 31 décembre 2024 at 14h- Répondre

    Comme c’est Triste de voir un tel joueur sombré totalement une fois sa carrière terminé .

    J'aime 24
    J'aime pas 3
  2. jeanmark83 31 décembre 2024 at 14h- Répondre

    Pu…que c’est triste !!
    Il tordait tout le monde en mêlée ….
    Ça rigolait pas en face !

    J'aime 20
    J'aime pas 1
  3. Bubu 31 décembre 2024 at 14h- Répondre

    Bouleversant

    J'aime 14
    J'aime pas 2
  4. faffff83 31 décembre 2024 at 17h- Répondre

    ils savent qu’il est malade avec une pathologie plutôt rare à son ages et ils parlent toujours de prison désolant
    il méritait pas une fin de vie comme ça …… triste !

    J'aime 9
    J'aime pas 2
    • Rahan+83 1 janvier 2025 at 10h- Répondre

      Je pense qu’ils ont tenu compte de sa démence précoce en ne lui donnant pas de la prison ferme mais du sursis et obligation de soins

  5. ??? 31 décembre 2024 at 20h- Répondre

    Quelle confession , se mettre à nu de cette façon est courageux et fait office de thérapie .C’est dur d’apprendre ce qu’il est devenu et de connaître ce dans quoi il se débat …l’alcool terrible compagnon d’infortune entraîne toujours plus loin dans la dépendance et la dégradation du corps et du cerveau …sans un accompagnement permanent il faut être héroique . Lui tendre la main et quand la justice le menace de la prison , on mesure le décalage d’une justice injuste