Bernard Laporte a-t-il feint sa nouvelle colère contre l’arbitre Laurent Cardona ou bien est-il vraiment incapable de se contrôler ?

La première couche était encore fraîche quand Bernard Laporte a passé la deuxième samedi soir à Nice (voir par ailleurs) et, forcément, ça fait tache !

Non content d’avoir traité neuf fois monsieur Cardona, l’arbitre du Toulon-Grenoble de la semaine précédente, de « nul » en trois minutes sur les antennes de RMC jeudi, ainsi que de « pipasse » et « d’incompétent notoire », il l’a en effet invité à froid à se « carrer » ses textos dans le cul au sortir de la victoire des Varois sur Cardiff en Coupe d’Europe.

Enfin à froid… Toute la question est là. Pour les tenants de la théorie du complot, Bernard Laporte, lassé de vivre loin de son épouse, avocate à Paris, rêverait d’une sortie en martyr de la cause de l’arbitrage à deux vitesses. Et, logiquement suspendu de terrain par les instances dirigeantes contraintes de faire un exemple, d’en profiter pour quitter Toulon avant le terme d’un contrat qui court jusqu’en 2015, afin de pouvoir prendre tranquillement en main les destinées de l’équipe d’Argentine. Ce serait d’ailleurs pour ne pas lui faire ce plaisir que la FFR et la Ligue auraient tardé à l’appeler à comparaître devant la commission de discipline pour « atteinte à l’image du rugby » (les instances dirigeantes du rugby français réfléchissent toujours à convoquer Laporte devant une commission de discipline).

Pas impossible, mais bien tordu dans la mesure où Mourad Boudjellal, volant au soutien de son entraîneur, n’a pas manqué de rappeler qu’il ne chercherait pas à retenir Bernard Laporte contre son gré. Sans compter que ce dernier n’a pas l’air vraiment impressionné par la perspective d’une nouvelle suspension de terrain (*) « Ils vont me faire quoi ? Je suis déjà dans la tribune, ils veulent que j’aille voir le match sur le toit ? », a-t-il même ironisé.

HABITUÉ AUX SORTIES DE PISTES

Reste la thèse de la « mèche courte ». Tous ceux qui ont vu jouer l’ex-numéro 9 béglais, champion de France en 1991, savent qu’il a toujours été plus prompt à prendre de grosses colères que les trous au ras des mêlées. Et Serge Simon, qui affirme aujourd’hui qu’il n’est pas médicalement fou, avait dressé de lui dans les colonnes d’Attitude rugby un excellent portrait qui le montrait au bord de l’apoplexie, éructant au milieu de ses avants dans les vestiaires. Même si, bien entendu, même les colériques peuvent feindre la colère, Bernard Laporte, qui répète volontiers qu’il n’a pas besoin du rugby pour vivre, semble juste avoir retrouvé à Nice le fil des fameuses éruptions verbales qui balisent sa carrière. Souvenez-vous : les « Pas de faute, pas de faute, pas de faute » hurlés dans les vestiaires du Stade de France à la mi-temps d’un France-Italie mal embouché en 2002, ou la sortie sur « les bourgeois de merde » qui avaient sifflé Frédéric Michalak au Stade de France lors d’un match du Tournoi contre l’Irlande en 2006.

Pour avoir vu trembler la porte du vestiaire du stade de Velez Sarsfield de Buenos Aires sous ses hurlements un soir de défaite face à l’Argentine, qui allait coûter à David Auradou sa place à la Coupe du monde 2003, pour avoir vu l’oeil rond d’un confrère de province, alors que le jeune sélectionneur tricolore expliquait hors conférence de presse le sort funeste qu’il rêvait de réserver à Pierre Villepreux qui avait émis des doutes sur la pertinence de ses plans de jeu, on peut avancer que Bernard Laporte a rarement mis de filtre à ses coups de gueule. Et que cette communication pour le moins abrasive lui a souvent joué des tours, en particulier lorsqu’il s’est aventuré en politique. Dans un milieu du rugby pro tristement aseptisé, on peut trouver cela franchement rafraîchissant. Sauf quand on s’en prend au sacro-saint arbitrage, bien sûr.

Source: lequipe.fr