Qualifié pour la finale européenne du 24 mai, Toulon, leader du Top 14, peut à nouveau entrevoir la possibilité d’un doublé historique.

Même lui, le seul à l’avoir vécu, et qui pourrait, avec le temps, mythifier l’événement, le nimber des allures de l’exploit historique, de l’épopée incroyable propre à sidérer les jeunes générations de rugbymen professionnels, le clame aujourd’hui : le doublé, « c’était plus facile avant ». Guy Novès, certifié européen et Brennus en 1996, puis trop court deux fois dans cette quête, ne ment pas, et Toulon, qui l’a expérimenté l’année dernière, le sait maintenant d’expérience. Tout gagner la même année semble relever, en 2014, de l’impossible. Car quoi de comparable entre cette aube du professionnalisme, où Toulouse avait soulevé le premier trophée continental de l’histoire, snobé par les Anglais, en remportant quatre matches, et ces saisons interminables, où le Top 14 mobilise sur 28 matches au minimum et où la Coupe d’Europe réclame huit week-ends d’excellence ? Mourad Boudjellal, le président du RCT, a résumé d’une formule très juste ce qu’il restait à faire à ses hommes pour réaliser ce fantasme moderne, en passe d’égaler le Grand Chelem avec son aura d’impossible : « jouer jusqu’à épuisement ». Mais les Varois ont bien d’autres armes pour réussir là où ils ont échoué la saison dernière. Ils peuvent toucher du doigt ce qui les a fait caler si près du sommet, déjà. Après avoir étouffé Clermont à Dublin, ils avaient su préserver leur dynamique jusqu’à la demi-finale de Top 14, notamment en restant en Irlande, et Toulouse avait subi la loi rouge et noir. Mais le retour à la maison, entre la demie et la finale, et le bain de foule sur la Rade pour célébrer le premier sacre européen avaient comme fait retomber la pression. Le calendrier est différent cette saison (les deux finales s’enchaînent), mais le RCT saura mieux le gérer. Boudjellal a ainsi déjà promis que, en cas de finale de Top 14, ses joueurs ne rentreraient pas à Toulon, quoi qu’il arrive contre les Saracens.

HABANA-MITCHELL, LES « MATCH WINNERS »

Avec son groupe qu’on jugera « aguerri » les jours de triomphe, à la limite de la « vieillesse »quand la machine grince, comme en janvier où des défaites contre Grenoble et Brive avaient secoué le club, Toulon a aussi appris à se mettre aux petits soins. Comme le prouve ce car équipé de cryothérapie qui suit ses hommes pour améliorer la récupération.

Le RCT a gagné en tranchant aussi, notamment sur les ailes, avec un Bryan Habana qu’on sent avide de ballons après une longue blessure, et un Drew Mitchell toujours plus constant. Et un grognard comme Bakkies Botha, s’il revient à temps et dans le rythme, sera toujours un atout. Ce groupe sait vivre et travailler pour gagner.

Mais même avec ces éléments rationnels, on en revient presque étourdi par l’immensité du défi : comment encaisser la charge émotionnelle et nerveuse de deux finales de très haut niveau en sept jours ? Comment réussir quelque chose qui, au fond, est inédit pour un club français dans le rugby moderne ? On retourne le problème dans tous les sens, et c’est là qu’enfin apparaît le sens secret d’un cri qui rythme la vie du RCT. Pourquoi plus que d’autres les joueurs de Bernard Laporte le réussiraient, ce doublé ? Mais parce que, Monsieur, « parce que Toulon » !

Source: lequipe.fr