Et vous, vous êtes plutôt « Wilko » ou plutôt « Michoko » ? En clair et en toutes lettres, vous voyez plutôt Jonny Wilkinson débuter la rencontre à l’ouverture au Stade-Vélodrome face au Munster, dimanche, ou bien Frédéric Michalak ? Ne répondez pas à la légère. Si la formulation de la question a pu vous sembler triviale, elle vous engage plus que vous ne l’imaginez.

Si votre coeur penche pour ­Mi­chalak, vous êtes plutôt homme – ou femme – du présent, forme du moment, inspiration, petites failles, amour du risque, attaquons le Munster sabre au clair et peut-être même un poil « vive la France ». Si votre raison exige Wilkinson, vous êtes d’évidence homme d’expérience, icône vivante, exigence, obsession du détail, assurance tous risques, alternance du jeu bien sentie et un rien anglophile.

Si vous tenez de la première école, le choix de Frédéric Michalak, animateur inspiré face à ­Perpignan, à Barcelone (31-46), est clair et vous en êtes même à vous demander pourquoi Wilkinson n’a pas déjà annoncé sa ­retraite définitive. Si vous défendez la seconde chapelle, l’icône Wilko, même de retour d’une blessure à une cuisse, s’impose comme une évidence, et les plus féroces d’entre vous en sont même à insinuer que si Michalak a resigné pour un an à Toulon c’est qu’il était trop cher pour trouver preneur ailleurs.

Trancher entre deux risques

Mais il s’agit d’une demi-finale de Coupe d’Europe. Toulon, tenant du titre, accueille au Vélodrome les puissantes phalanges du Munster, retoquées favorites de l’épreuve depuis leur écrasante victoire sur Toulouse en quarts (47-23) et il faut garder la tête froide. Si l’on s’en tient aux chiffres seuls et à l’histoire récente du RCT, le choix de Jonny Wilkinson est évident. Jonny Wilkinson, avec 28 matches (24 titularisations) et 336 points au compteur en H Cup à Newcastle et Toulon, contre 59 matches (45 titularisations) et 207 points à Michalak à Toulouse et Toulon, emporte haut la main la bataille des stats (12 points par match en moyenne contre 3,5). Quant à l’histoire récente du RCT en Coupe d’Europe, elle se confond tout entière avec la légende de sir Wilko : Jonny terrassant à lui seul (6 buts, 1 drop) Leicester à Mayol en quarts en 2013 ; Jonny passant le drop du break dans le plaquage de l’insolent Owen Farell face aux Saracens en demies ; Jonny froid comme un concombre – comme on dit outre-Manche – sous les vagues d’assaut clermontoises en finale : la vox populi toulonnaise sait tellement ce qu’elle doit à l’ange de Frimley qu’elle le ferait jouer avec une jambe de bois.

Le problème, c’est que ça n’est peut-être pas loin d’être le cas. Sorti à la 28e minute face au Leinster, le 7 avril, touché à l’ischio-jambier droit, Jonny Wil­kinson n’a plus rejoué depuis. Dans le même temps, Frédéric Michalak, qui n’était même pas remplaçant lors de ce quart de ­finale, a été titularisé à Bordeaux (12 points) et face à Perpignan (21 points) pour autant de vic­toires. Et même si on peut avoir des doutes sur l’état de fraîcheur de ces deux adversaires et sur la fermeté de sa défense du côté de son épaule, opérée l’été dernier, il a apporté un timing et une part d’incertitude qui font défaut aux Varois quand sir Jonny est à la ­baguette. En somme, choisir entre Wilkinson et Michalak, c’est trancher entre deux risques. Et c’est même à se demander si la seule option raisonnable pour Bernard Laporte ne serait pas de titulariser Matt Giteau, impérial en toute circonstance, en ­numéro 10 ?

Source: lequipe.fr