À l’occasion du lancement de « L’Avenue des légendes », projet de financement participatif du futur centre de formation du RC Toulon, le président Mourad Boudjellal s’est confié sur le renouvellement des droits télé du Top 14.

Pour financer votre futur centre de formation, vous faites appel au financement participatif via la plateforme Sponsorise.me et « L’Avenue des Légendes ». Quel est l’objectif de ce projet ?
C’est d’abord de permettre aux supporters de s’offrir leur nom sur cette future « Avenue des Légendes » via un pavé nominatif. À partir de 50 euros, on peut entrer dans l’Histoire du Rugby Club Toulonnais et se retrouver à côté des plaques des légendes du RCT. Mais la finalité est évidemment de construire un centre de formation performant dont 35% du coût (environ 3 millions d’euros) seront financés par ce financement participatif.

Vous cherchez un nouveau mode de financement pour votre centre de formation, pourtant, en acceptant les modalités d’une Rugby Champions Cup et ses droits télé plus élevés, vous pourriez dégager de nouveaux fonds…
Oui mais pour quoi faire ? Aujourd’hui, dans le rugby on a tout limité ! Quelle est la stratégie de la Ligue ? Elle instaure un « salary cap » sans faire de distinctions entre les différentes façons d’atteindre ce « salary cap ». C’est à dire qu’on met dans le même panier les clubs qui développent une masse salariale en créant une économie et les gens qui développent leur masse salariale en faisant du mécénat, simplement en signant des chèques.
À Toulon, quand on développe une masse salariale, c’est qu’on génère une économie et qu’on développe de la richesse pour tout le monde. Ça veut dire quoi ? Si les droits télés augmentent, nous, à Toulon, nous n’aurons pas la possibilité de répercuter ces augmentations sur nos joueurs puisqu’on a atteint le « salary cap ».
Si les joueurs voient nos revenus augmenter via cette nouvelle Coupe d’Europe, ils vont avoir une revendication légitime, celle qu’on augmente leurs salaires.  Mais on devra leur répondre : « Non ». Et les clubs qui n’ont rien foutu pendant des années vont nous rejoindre. C’est pour ça que je me demande à quoi sert cette nouvelle formule avec des droits télé plus importants ? Chacun doit créer son économie, on n’est pas là pour créer des richesses pour tout le monde.

Les droits télé du Top 14 pourraient également être remis sur le marché prochainement. Votre position est la même concernant le championnat de France ?
Je suis à la commission des droits télé et je ne peux pas vraiment m’exprimer sur le sujet. La seule chose que je peux dire, c’est que si les droits télé du Top 14 n’augmentent pas, ça ne me dérangera pas. Toulon n’y a aucun intérêt. Et moi je ne suis pas dans le rugby pour me verser des dividendes. À part créer une concurrence qui serait amenée à nous rejoindre, je ne vois pas où est notre intérêt.
Ceux qui pensent que c’est moi qui fais les chèques se trompent. Nos recettes sont le fruit d’un travail qui ne doit pas bénéficier à nos concurrents. Pour faire simple, je me fous que les droits télé du Top 14, comme ceux de la Coupe d’Europe, augmentent.

Mais vous comprenez que certains clubs français aient besoin de cette augmentation ?
Quand on dit que le rugby est déficitaire, c’est un mensonge absolu ! S’il l’est c’est parce qu’en début de saison, des présidents de club ont décidé de faire des pertes. Parce qu’ils ont les moyens de faire des pertes. Ça fait partie de leur projet, budgétiser la saison à venir à moins 6 millions d’euros. On est parti sur ces constats faussés, sans analyses, pour instaurer un « salary cap ».
Certains clubs français pourraient s’acheter l’équipe des Blacks et des Springboks et prendre un deuxième café. J’ai lu récemment le classement des fortunes françaises dans un magazine économique, j’avais l’impression que c’était le classement du Top 14, sans Toulon et Toulouse ! On sait qu’il y a quelques clubs à qui il ne peut rien n’arriver. Il faut arrêter de dire que le bilan économique du rugby français est mauvais, c’est faux !

Quel est le danger de maintenir le statu quo ?
Si on ne m’écoute pas, on va tous crever ! Serge Blanco l’a dit, je le répète ! Quand on se ferme au monde extérieur comme le fait le rugby aujourd’hui, on dénigre tout esprit entrepreneurial. Et on est voué à mourir. Les dirigeants comme moi passent plus de temps à calculer leur « salary cap » et les différents chiffres, plutôt que de créer des richesses. Les dirigeants de la Ligue ne maîtrisent pas du tout l’économie. À la limite, aujourd’hui je suis prêt à refuser l’argent de la Ligue, je ne demande que mes droits télé et mon marketing. Les recettes de la Ligue ne suivent pas du tout l’évolution du rugby.

Source: lequipe.fr