Retour en extrait sur l’interview que Mourad Boudjellal a accordé au quotidien L’Equipe hier. 

Le président Toulonnais explique tout d’abord qu’il n’a pas à être fier du succès face à Clermont en finale de H Cup (16-15). C’est un autre sentiment qui le domine aujourd’hui  : « Je n’étais pas sur le terrain, les joueurs, eux, peuvent être fiers de ce qu’ils ont fait. La seule fierté que je pourrais avoir est celle d’avoir créé une économie autour du club avec deux, trois bouts de ficelle. Et d’avoir démontré que face à de grands groupes industriels, l’envie pouvait être plus forte que l’argent. Non, le sentiment qui domine aujourd’hui me fait remonter en arrière dans le temps, quand on a monté le projet de reprise de ce club. On avait plein de rêve. Et les rêves qui se réalisent ne sont jamais aussi bien lorsqu’ils deviennent réalité. »

Le patron du club Varois reconnait toutefois une petite déception : « Je suis presque déçu. Dans la concrétisation de ce rêve, il n’y a pas autant de magie que je l’avais imaginé. Mais c’est certainement parce que tout est allé très vite. Lorsque nous étions en bas, je regardais les finales de coupe d’Europe à la télévision et je me disais : là, on change de dimension. Depuis sept ans, je me pose la question : et nous, ça va se passer quand ? Comment ? J’imaginais une grosse fête après le titre. Samedi soir, j’étais certainement trop tendu. Depuis sept ans, je suis à fond dans ce projet. J’avais envie de ce moment là, et puis… »

Il revient ensuite sur ce qui a changé depuis samedi : « Marcher dans Toulon. Je ne suis pas beaucoup sorti. Juste pour acheter le pain et les journaux, mais tout ces gens qui vous arrêtent pour parler du titre… Comme si on venait de rapporter l’épée d’Excalibur. Un truc m’a frappé. A la sortie de l’aéroport, dimanche après-midi, quand j’ai entendu les cris des supporters venus nous attendre, lorsque la coupe est sortie de l’avion… C’était un mélange de joie et de souffrance. Je n’avais jamais envisagé pareille réaction. Vingt et un an de disette, c’est long. Il existe une telle proximité entre le club et la ville. Sur de nombreux visages, des larmes coulaient. Mon bonheur il est là : de faire rêver les gens. »

Mourad Boudjellal évoque également la demi-finale de Top 14 face à Toulouse : « Vendredi, c’est la première sortie du RCT premier dans une ville de son royaume. Ce sera peut-être aussi la première défaite du champion d’Europe. Aujourd’hui, ai-je le droit, en tant que président, de demander aux gars de remporter ce match ? Non ! Quand je vois ce qu’ils ont réussi samedi. Certains se sont cramés physiquement. Je ne peux pas leur en demander plus. La suite appartient aux joueurs et aux entraîneurs. C’est eux qui vont décider. Et si on perd contre Toulouse, on rentrera à Toulon faire la fête. Parce que la frustration est grande de ne pas avoir pu fêter le titre ici, sur les bords de la rade. Mais ça ne veut pas dire qu’ils ne vont pas gagner car ce groupe est très lié. »

Le patron Toulonnais est aussi très fier d’avoir réuni sous le maillot du RCT, des joueurs venus d’un peu partout dans le monde : « On a réuni sous le maillot du RCT, des joueurs venus des quatre coins de la planète. Ces mecs partagent les mêmes émotions. L’équipe est un brassage ethnique. Toulon est un port du bassin méditeranéen ouvert sur la mer, sur le monde. Quoi de plus beau que de partager ces émotions avec des gens qui ne vous ressemblent pas ? Le RCT donne la même couleur aux hommes. »

La question du doublé lui a également été posée : « Aujourd’hui, je ne me pose pas la question. Ce qui me préoccupe davantage, c’est de savoir comment je vais prouver que je suis un grand président. Il n’existe pas de différence entre mes rêves et mes ambitions. Et il existe pleins de bon projet à mener dans le rugby. Je veux jouer avec les forces et les faiblesses du club, sans tout bousculer car je n’en ai pas le droit. Le RCT est centenaire et sans les quatre-vingt-dix-huit années qui ont précédé ma venue, nous ne serions pas champion d’Europe aujourd’hui. »

Tout en faisant remarquer que les anciens du club ont adoubé ce groupe, l’ancien patron des Editions Soleil sont les « réincarnations » des grands noms du club : « Les anciens ont adoubé l’équipe et les joueurs. C’est un groupe qui a des valeurs dans lesquelles les anciens du club se reconnaissent. Certains joueurs, comme Botha, Van Niekerk et d’autres, sont les réincarnations des grands noms du RCT. Parce que les anciens qui ont fait l’histoire Toulonnaise voient que les mecs d’aujourd’hui s’envoient , se donnent à fond pour le maillot Rouge et Noir. »