Je dois être le seul président qui est né dans sa ville. Quand je la vois comme ça, c’est particulier. Je suis un enfant du pays. Je fais ça pour Toulon. Ce sont des moments de joie que je n’aurais jamais imaginé. Il y a quelques années, on jouait une demi-finale de Pro D2 à La Rochelle. Et là, on va jouer une demi-finale de H Cup, une compétition que je regardais à la télé. On y a goûté il y a deux ans à Barcelone. Mais ce quart de finale avait un goût particulier. On jouait une équipe française (Perpignan, ndlr) en face. On a nourri beaucoup de regrets sur ce match. On n’était pas encore prêt. Cette année, l’équipe a mûri.La ville aussi. Je disais qu’il n’y avait pas la culture H Cup à Toulon. On ne pourra plus le dire. Je ne sais pas si quand je m’en irai, j’aurai gagné quelque chose pour les Toulonnais, mais j’aurai au moins amené la H Cup à Toulon.

Oui. Avant, on parlait comme ça en France. Mais le club n’avait pas encore franchi les frontières françaises. En Angleterre, je sais qu’ils m’appellent « MoneyBag ». Ils pensent que c’est aussi facile que ça. L’Europe, ce soir, a découvert que le RCT, avec ses forces et ses faiblesses, était tout sauf un club de mercenaires. Des mercenaires n’auraient pas gagné. Des mercenaires ne seraient pas en tête du Top 14 depuis la 8^e journée. On n’aura pas ce genre de problèmes avec les Saracens. Ils ont un milliardaire sud-africain à leur tête. Leicester est une grande équipe. Mais j’ai trouvé ça malvenu de nous attaquer là-dessus. Il y a un paquet d’internationaux chez eux et j’espère qu’ils ne les recompteront pas dans l’avion, pensant qu’on allait en garder deux ou trois.

Ce n’était pas un match mais un cauchemar. Un truc terrible. Au départ, je pensais à la branlée. J’étais sûr de perdre. Après, j’étais sûr de perdre mais pas sur un gros score. Ensuite, je me dis : « il reste 30 minutes. On a 3 points d’avance. Comment ne pas faire de fautes en 30 minutes ? » Ce n’était pas possible. Une fois ou deux, j’ai cru à la délivrance parce que l’essai ne passe pas loin. Je me dis que c’est un match où on va se faire éliminer, que ça ne va pas passer… En plus, on fait une connerie sur le drop de Jonny. L’arbitre, je crois, laisse l’avantage. Il reste 40 secondes à jouer. Si on prend la pénalité, on a gagné. Si le drop ne passe pas, on donne l’opportunité aux Anglais de venir chez nous. Imaginons sur la mêlée qu’on prenne une pénalité, qu’ils la jouent à la main et qu’ils marquent un essai…En tout cas, c’est passé. On a gagné. Bien sûr, on n’a pas gagné quelque chose d’essentiel. Pour nous, c’est important. C’est le vécu de ce groupe, qui prend des coups, qui les rend des fois mais qui a envie de montrer que même si on vient de mondes différents, on peut avoir un objectif commun.

Jonny, les mecs diront quand il arrêtera le rugby « moi, j’ai connu Jonny Wilkinson » et les autres le regarderont avec de grands yeux en se disant « ce n’est pas possible », parce qu’il paraîtra anormal. Il paraîtra comme un mec qui n’a jamais existé, comme les très, très grands. C’est comme si aujourd’hui un mec te dit « j’ai connu James Dean », tu vas te dire que ce n’est pas vrai. Jonny, ce sera un petit peu ça. Moi je pourrai dire quand je serai vieux, ce qui arrivera plus vite que Jonny, « j’ai été le président et j’ai recruté Jonny Wilkinson ». Qu’est-ce que tu veux que je dise sur un mec qui fait 100%, qui enquille tout ? Les années n’ont pas d’emprise sur lui, il est parfait à l’entraînement. J’avais encore quelques doutes pour le resigner (sic), ce soir, je pense que je vais le resigner.

Tout le monde s’était dit que ce serait amusant de ramener Jonny à Twickenham. C’est son stade. On dit « les assassins reviennent toujours sur le lieu de leur crime ». Jonny va revenir sur le lieu de nombreux crimes qu’il a commis avec l’équipe d’Angleterre et il essaiera d’en commettre un avec l’équipe de Toulon. L’année dernière, lors de la finale du Challenge (perdue face à Biarritz, ndlr), on était dans un hôtel qui était à Twickenham. Je n’avais pas réalisé.

Le matin, j’ouvre deux portes, je tombe sur un couloir, j’ouvre une autre porte et là, je tombe sur le stade de Twickenham, vide. Que pour moi. Je regardais ce putain de stade et je me disais « quand tu joues dans un truc comme ça, c’est que tu es vraiment une grande équipe quoi ». Il y avait la finale de H Cup qui se préparait. Le maire de la ville m’a rejoint. On a essayé de faire parler la mémoire de cette pelouse, de s’imaginer ce stade plein ainsi que les joies et les peines qu’il y a eu sur cette pelouse. C’est un stade mythique. Pour des raisons plus rock and roll, j’aurais préféré jouer à Wembley. Ça a été le théâtre d’un concert célèbre. Cela aurait été un très beau lieu pour dire après « We are the champions ». Le RCT va jouer à Twickenham. Qui l’aurait cru ? J’espère que les Toulonnais vont suivre ce déplacement.

Source: bfmtv.com