Contrat déjà rempli pour Boudjellal

Contrat déjà rempli pour Boudjellal

Le mercredi 30 mai 2012 à 11:01 par David Demri

Publicité

A quelques jours d’une demi-finale passionnante face à Clermont, Mourad Boudjellal, le président de Toulon, nous a confié ses certitudes. Conscient d’affronter une montagne, l’emblématique président varois est déjà ravi du parcours accompli.

Comment résumeriez-vous ce match de barrages face au Racing-Métro 92 ?
Eliminés en première période, qualifiés en seconde. C’est le rugby, c’est très particulier. Je ne me suis toujours pas remis d’avoir gagné.

Pourquoi vous êtes vous mis autant de pression avant la rencontre ? Etait-ce un moyen de mettre vos joueurs face à leurs responsabilités ?
Il y a deux façons de concevoir les choses. Soit on estime que l’on est un président, même un président propriétaire comme moi, et que l’on est un dictateur, soit on est face à ses responsabilités vis-à-vis des gens et on fait des constats d’échecs. Cela me semble normal. On a mis une politique en place, et si avec les moyens déployés on n’arrive pas à se qualifier deux années de suite en phase finale, ce n’est pas excusable. Une année ça va, mais pas deux. Surtout lorsque l’on joue un quart à la maison.

Donc vous envisagiez vraiment de quitter le club en cas de défaite…
A la mi-temps, oui, j’avais totalement envisagé de quitter la présidence. Je suis parti parce que je pensais que l’on avait perdu. Bien sûr, j’allais rester actionnaire majoritaire du club, parce que contrairement à d’autres présidents, je suis propriétaire, mais j’allais désigner quelqu’un.

Vos joueurs étaient-ils au courant que vous étiez parti à la mi-temps ?
Non, ils ne le savaient pas. Personne ne le savait. Pour tout vous dire, je pensais que personne ne s’en rendrait compte. Cela a fait un tel ramdam ! On en a plus parlé que quand je suis là.

« Le contrat est rempli »

Comment abordez-vous la suite de la compétition ?
Je suis d’une sérénité absolue maintenant. Le contrat est rempli. Cela ne veut pas dire que l’on n’est pas ambitieux. Mais qui pourrait nous reprocher de perdre contre la multinationale qu’est l’ASM ? Personne. On ne vit pas avec les mêmes moyens. Ce n’est pas un combat Boudjellal-Fontès, mais un combat Boudjellal-Michelin ! Je suis inexistant face à eux.

Quel est votre sentiment sur cette équipe ?
Je trouve que c’est une équipe gérée de façon très intelligente depuis quelques années, aussi bien économiquement que sportivement. C’est la représentativité de la construction pyramidale d’un club qui veut concurrencer Toulouse. Et je crois qu’aujourd’hui, Clermont est quasiment au niveau de Toulouse. Et ce n’est pas fini. Ils ont de l’argent, mais il est plutôt bien utilisé.

Quel souvenir gardez-vous de la défaite à Geoffroy-Guichard en 2010 ?
Je ne me faisais pas beaucoup d’illusions, comme aujourd’hui. La seule question que je me posais, c’était de savoir si on allait se prendre une branlée ou pas. Pendant le match, il y a eu moment où on a cru que c’était possible. Mais j’en garde tout de même le souvenir d’un grand moment. Je ne regarde jamais les matchs que l’on a perdus. Mais ce match-là, je l’ai revu, je le revois, parce que j’étais fier du spectacle proposé aux gens, du scénario de ce match, de mes joueurs. Cela laissait beaucoup d’espérance pour la suite. La seule chose qui m’avait un peu désolé, même si Clermont était supérieur et méritait de gagner ce match, c’était la vidéo que l’on n’avait pas demandée.

Vous aviez fustigé l’arbitrage après la rencontre. Le regrettez-vous ?
J’en ai reparlé récemment, cela m’a coûté 130 jours.

On a le sentiment que, par rapport à d’autres, vous êtes plus vite sanctionné…
Il me semble, oui. On me dit que c’est parce que je suis très médiatique.

« On peut décider que le mot « bite » est plus poli que le mot calculatrice »

Pensez-vous qu’il vous arrive d’aller trop loin ?
Je ne sais pas. On me parle de langage, mais les mots que j’ai employés n’ont jamais été vulgaires. Ce sont les idées qui le sont. Je ne sais pas qui à la commission de discipline peut se lever et dire : « Moi, j’ai la capacité de te juger et de donner mon avis sur ce que tu as dit ». Pas grand monde il me semble. Sauf lorsque l’on se penche sur des théories sur les religions, etc… Là, on peut être outré. Mais les mots n’ont pas de sens, seules les idées ont un sens. Le langage, c’est un code. Demain, on peut décider que le mot « bite » est plus poli que le mot « calculatrice ». Si ces gens là étaient allés à l’école et avaient fait un peu de philo, ils verraient très bien que sur les mots, il y a des tas de concepts. Par contre, il y a des idées, qui dans le concept du langage sont polies, mais qui sont très vulgaires. Peut-être qu’ils ont une réflexion qui ne va pas jusque là.

Estimez-vous que, depuis deux saisons, votre équipe a évolué ?
Au niveau de la mentalité, c’est certain. Au niveau du jeu, comme dirait Souchon, on avance, c’est une évidence. Mais on n’est pas encore au niveau de Clermont. Quand je vois leur match face aux Saracens, je me dis que j’aimerais bien qu’un jour mon club joue à ce niveau.

A l’heure actuelle, pensez-vous que votre équipe ne peut pas jouer à ce niveau ?
Non, parce qu’on n’a pas les moyens de Clermont. L’ASM, c’est quasiment ce qui se fait de mieux à chaque poste. Avec un entraîneur hyper compétent. Tout est mis en œuvre pour en faire une machine de guerre. Ils ont aussi un historique. Il y a des tas de choses que nous, on n’a pas encore. On prend exemple sur eux plutôt qu’on ne les jalouse. On voudrait leur ressembler. A part que l’on n’aura jamais une entreprise de la taille de Michelin. Ce qui me dérange, c’est de jouer au pauvre quand on a plein d’argent. C’est un peu la différence entre le sud et le nord. A Toulon, on a tendance à jouer à plus riche que ce que l’on est. Là-bas, c’est l’inverse : On joue au plus pauvre que ce que l’on est. Ce sont des caractères différents.

Avez-vous regardé l’autre match de barrage entre Castres et Montpellier ?
Bien sûr. J’étais très déçu par Montpellier, parce que je me suis souvent régalé à les voir jouer. Je trouvais que cette équipe avait quelque chose, ce que je n’ai pas retrouvé sur ce quart de finale. Ce n’était pas le Montpellier que je connais. Ils doivent être déçus de ne pas avoir joué à leur niveau. Concernant Castres, je les ai trouvé mort de faim. Ils n’ont rien volé, ils méritent amplement leur victoire.

Les sentez-vous capables de créer une surprise contre Toulouse ?
Déjà, si j’étais entraîneur de Castres, je dirais à mes joueurs qu’on délocalise la rencontre Castres-Toulouse à Toulouse, comme ça ils auraient l’impression de jouer à domicile. Je pense que le plus difficile, ce sont les joueurs qui sont sur le terrain, que ce soit sur la pelouse de Toulouse ou ailleurs. Mais je trouve que Castres a une belle gueule de champion de France potentiel. Je pense qu’il y aura une surprise dans l’une des demi-finales. Je ne sais pas laquelle. Mais bon, ceci dit, je n’ai pas de certitude. Je crois en Castres s’ils récupèrent Tekori. Ils ont la puissance nécessaire pour embêter Toulouse devant, et puis j’aurais la faiblesse de penser qu’ils ont plus d’envie que Toulouse. Parce que les Toulousains sont gavés de bons résultats depuis des années. Le Bouclier, il est plus magique pour Castres que pour Toulouse, donc forcément l’envie sera plus grande.

On a l’impression que Toulouse est sur une phase stagnante, voire descendante, alors que Castres est en pleine progression…
Oui. Mais cela peut changer samedi. En tout cas, Castres a les armes qu’il faut pour ne pas être ridicule devant Toulouse.

Concernant Bernard Laporte, trouvez-vous qu’il a apporté sa touche d’expérience des phases finales ?
Tout le monde m’avait dit : « Tu verras, dans les phases finales, Bernard Laporte il transcende les joueurs ». C’est un peu l’exorciste, paraît-il. On a l’impression qu’il est possédé, que ce n’est plus le même. Il me rappelle la jeune fille qui a le démon en elle dans l’Exorciste, lorsque le démon qui est en elle la fait changer. Bernard, c’est pareil. Il est complètement dans son match, on a l’impression qu’il est possédé, mais en même temps il donne une envie et une énergie exceptionnelle. Je n’ai jamais vu quelqu’un donner autant d’énergie à ses joueurs. Si vous voulez mon avis, je pense que c’est un grand malade (rires). Parfois, je n’arrive même pas à rester avec lui là-haut, parce qu’il émet des ondes hallucinantes, il est à 3000.

« Laporte peut même dire d’un joueur champion du monde qu’il n’a pas le niveau »

C’est un homme qui respire rugby en somme…
Il ne fait pas semblant, ça c’est clair. Quand le match commence, on part complètement tous les deux. Mais lui, il part dans une espèce d’énervement hallucinant. A chaque match, je pense qu’il pourrait changer les 25 joueurs. Il n’y a pas un seul joueur du club qui, à un moment donné, n’a pas été comparé à un joueur de Fédérale 3. Pendant le match, il peut même dire d’un joueur champion du monde qu’il n’a pas le niveau.

Vous pensez que votre formation est assez mature pour aller au bout ?
Je n’ai pas la prétention de dire qu’on va aller au bout. On construit par étape, en sachant que l’on n’a pas beaucoup de chance parce que cela va être compliqué d’être les numéros un avec Toulouse et Clermont. Un petit peu à l’image des cyclistes qui sont arrivés pendant la génération Armstrong. Cela aurait sans doute été plus simple il y a quelques années. Mais aujourd’hui, être dans les quatre meilleurs clubs français, c’est déjà bien. Ensuite, on espère qu’une année, sur un malentendu, on pourra peut-être faire quelque chose.

Pensez-vous que ce qui s’est passé cette année avec Montpellier dans le football peut également se produire dans le rugby ?
Nous, on est le petit Toulon. Par rapport aux trois autres, on est les plus petits. Je n’ai pas les mêmes moyens, ni une économie aussi bien construite que celle de Toulouse. Mais je me fous complètement que des clubs aient plus de moyens que moi. Je leur dis bravo. Ce n’est vraiment pas une excuse.

Vous avez déjà nié l’arrivée de Christophe Dominici. Pouvez-vous confirmer qu’il ne s’agit que d’une rumeur ?
Malgré toutes les qualités de Christophe Dominici qui sont indéniables, il n’y aura absolument aucun changement dans le staff la saison prochaine. Cela marche bien, et on n’a pas pour habitude de changer un truc qui fonctionne. Ce serait dommage de perturber cet équilibre qui a été trouvé. Etre président d’un club, c’est aussi savoir gérer ce genre d’équilibre.

Source: rugby365.fr

Publicité