«Bernard Laporte, la charnière du XV de France ne pèse toujours pas sur le jeu de l’équipe. Vous considérez que c’est une énigme, un mal profond ?
Ce n’est pas plus compliqué de mettre en place une charnière qu’une paire de centres complémentaires. Sauf qu’ils touchent plus de ballons et doivent être décisifs. On me parle de complémentarité entre le 9 et le 10 mais qu’est-ce que ça veut dire ? Ce sont des choses que je ne comprends pas. S’ils communiquent mieux parce qu’ils jouent en club effectivement, mais après.

«Ce n’est pas un problème qui date de maintenant»

Vous voulez dire qu’il n’y avait pas forcément de logique à associer Julien Dupuy et Lionel Beauxis ?
Quand j’entends qu’on a mis Beauxis parce qu’il jouait au Stade français avec Dupuy mais qu’est-ce qu’on en a à foutre (sic) ? Dupuy n’aurait pas été plus mauvais s’il avait joué avec Trinh-Duc. Pour moi, c’est n’importe quoi. Il peut y avoir plus de complicité parce que les hommes se connaissent mieux. Il y a le côté affectif qui peut rentrer en jeu. On s’encourage parce qu’on se connaît et qu’on s’apporte l’un l’autre. Ça, je veux bien l’admettre mais le reste ça n’a ni queue ni tête.

Pour vous, la complémentarité est donc un faux problème ?
Qu’est-ce qu’on veut ? Mettre un 10 non pas en fonction de l’adversaire mais en fonction de notre 9 ? C’est une fausse excuse. Ça m’a fait sourire. La vérité n’est pas là. La preuve, ça n’a pas marché. Ça n’existe pas. J’ai eu des grandes paires de demis avec Galthié-Michalak en 2003 et ils ne jouaient pas ensemble en club. Et Fred était meilleur avec Galthié que quand il jouait avec Elissalde (son coéquipier au Stade Toulousain, ndlr).

La difficulté à installer un ouvreur ne vous inquiète pas plus que ça ?
C’est plus facile de jouer à la mêlée que demi d’ouverture. J’ai joué aux deux quand j’étais jeune et c’est vrai que quand tu joues demi de mêlée, tu as plus de solutions, notamment au près avec tes avants. Le demi d’ouverture doit tout avoir. Demi de mêlée, si tu n’as pas un super jeu au pied, ça peut passer. Demi d’ouverture, il te faut un gros jeu au pied, une grosse défense, il faut être bon passeur, voir le jeu. C’est le poste qui demande le plus de qualité. Ce n’est pas un problème qui date de maintenant. Mais il n’y a pas que nous qui avons ce problème. Pour tous les pays, c’est le poste le plus compliqué à trouver.

Dans ce Tournoi, les Irlandais ont tout de même Jonathan Sexton, les Anglais Owen Farrell…
Le petit Farrell a des qualités, après on verra. Sexton ? Il ne casse pas trois pattes à un canard. Enlevez son jeu au pied, c’est quoi Sexton ? C’est sûr que Trinh-Duc ne butte pas. Même dans l’Hémisphère sud, je regarde les matches de Fred Michalak avec les Sharks. Un mec comme Patrick Lambie n’est pas meilleur que ce que l’on a. Lambie, jamais je ne le prends. On se branle (sic) toujours sur les autres. Mais je ne fais pas partie de ceux qui sont pessimistes. Alors oui, c’est une denrée rare. Mais c’est une denrée rare partout.

«Je ne veux pas non plus qu’on soit hyper pessimiste»

La charnière française ne doit pas être incriminée ?
Le mal ne vient pas que de la charnière. Si on ne prend pas les deux essais assassins d’entrée face à l’Angleterre (22-24), personne ne tire sur la charnière. C’est facile. Que l’on ne soit pas meilleur que les autres, oui. Que l’on n’ait pas pléthore de joueurs à ce poste, oui. Mais il y a longtemps que c’est comme ça.

Vous pensez que le XV de France peut trouver une solution rapidement ?
Il y a Parra qui est jeune, Dupuy n’est pas très vieux et d’autres vont arriver certainement. Il faut espérer que ça sorte un peu. Mais le rugby aujourd’hui, c’est un grand demi d’ouverture. C’est la perle rare. Les clubs du Top 14 ne sont pas cons, ils vont les chercher à l’étranger. Et je me rappelle, pour composer la charnière et choisir le 10 en équipe de France, on se grattait la tête. Mais je ne veux pas non plus qu’on soit hyper pessimiste. C’est malheureusement souvent le cas en France.»

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