Les déclarations très élogieuses d’un technicien adjoint du XV de France sur les Bleus !
Les déclarations très élogieuses d’un technicien adjoint du XV de France sur les Bleus !
Le lundi 17 mars 2025 à 14:15 par David Demri
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Avec la fin du Tournoi des 6 Nations, ce sont huit semaines de travail qui viennent de s’achever pour le XV de France, non seulement sur le plan du jeu mais aussi sur celui de l’évolution physique des joueurs, primordiale dans ce rugby de très haut niveau. L’occasion de faire le bilan avec le directeur de la performance Nicolas Jeanjean, qui ne tarit pas d’éloges sur l’investissement de l’ensemble du groupe.
Ancien joueur du Stade Toulousain, du Stade Français et de Brive, Nicolas Jeanjean a intégré le staff du XV de France et sa préparation physique en 2018. Présent à la Coupe du monde au Japon en 2019 puis à celle en France en 2023, il a pris la suite de Thibault Giroud en tant que responsable de la performance, un secteur devenu incontournable pour rivaliser au niveau international. Joint ce dimanche soir au moment de prendre son avion et quitter Paris, il a accepté de faire le bilan de ce Tournoi des 6 Nations où les Bleus ont triomphé, en y associant aussi toute son équipe (les préparateurs physiques Gaëtan Boissard et Manu Plaza et les « sport scientists » Quentin Rinaldi et Nicolas Lopez).
Comment avez-vous géré ces huit longues semaines de compétition, entre le moment ou vous avez récupéré les joueurs à la mi-janvier, et la fin du Tournoi ce week-end?
C’est une compétition qui est longue, qu’on a l’habitude d’aborder désormais. Malgré tout, il y a toujours ce lot d’adaptation. Temporelle déjà, car le premier Tournoi post-Coupe du Monde l’an passé était particulier. D’où venaient les joueurs, leurs capacités de régénération qui avaient été faibles… Ce qui est très différent sur ce Tournoi-là, c’est qu’ils avaient la chance d’avoir fait un réel break entre les deux saisons, une réelle présaison également. Et un premier avant-goût de la mise en place d’un travail avait été fait sur la tournée de novembre. On a donc eu la continuité de ce travail-là sur les huit semaines, avec des semaines jouées, des semaines non-jouées, qu’on a abordées avec un peu d’acquis car on a un peu d’expérience désormais. Mais avec quand même beaucoup d’adaptations, parce que les Tournois se suivent et ne se ressemblent pas forcément.
Vous évoquez l’an passé… Partiez-vous d’une meilleure base par rapport à cette période, quand les joueurs étaient sortis de la Coupe du monde usés?
Oui, clairement. C’est deux saisons complètement différentes. Comme je le disais, les joueurs ont eu le temps de se régénérer de la saison précédente, de bien travailler une intersaison avec leur club, de poursuivre un début de travail, une méthodologie qu’on souhaitait mettre en place sur la tournée de novembre. Et le but, c’était de valider cette méthodologie sur ce Tournoi, en essayant de faire en sorte qu’il y ait une application terrain la plus performante possible.
L’après-Coupe du monde avait aussi été difficile mentalement. Cela avait joué?
Oui. Je crois que les joueurs avaient fait un tour du cadran et que c’était difficile en post-Coupe du monde, avec en plus une déception par rapport à la performance qui avait été la nôtre. De l’énergie à trouver pour retravailler, repartir sur une saison de club, puis internationale. Je pense que c’était difficile pour les joueurs. Ils avaient été très courageux, parce que la fin du Tournoi avait été meilleure que le début. Mais c’était un tout autre Tournoi cette année, avec une dimension de régénération, que ce soit physique ou psychologique, totalement différente.
« Au moment du Tournoi, on commence à s’éloigner de la fraîcheur du début de saison »
Mais, comme le précise souvent le sélectionneur Fabien Galthié, le Tournoi des 6 Nations est toujours un moment particulier de la saison, avec pas mal de minutes de jeu dans les jambes pour les joueurs?
Oui, c’est un peu le « crossover » de la saison pour les joueurs. On commence à s’éloigner de la fraîcheur du début de saison. Les états de forme bougent aussi et sont différents par rapport à des joueurs qui ont plus ou moins « matché », d’autres qui ont eu une gestion différente, d’autres qui ont eu des blessures. Donc c’est vrai que c’est un peu un tournant de la saison, où il y a un peu plus d’états de forme différents, qu’il faut gérer différemment. Et qui plus est, avec certaines perturbations. Notamment la première semaine de jeu travaillé, qui arrive après une semaine de matchs de Coupe d’Europe, où il y a beaucoup de joueurs et de clubs qui jouaient le dimanche d’ailleurs. Tout ça fait qu’il y a beaucoup d’adaptations. Mais les états de forme étaient quand même bien plus performants que sur le Tournoi 2024.
Quelles capacités voulez-vous donner aux joueurs? Même si les profils sont bien différents…
L’objectif était clair et établi, c’était de faire monter en puissance cette équipe avec un premier match contre une équipe du pays de Galles qui était un peu plus « accessible » que les autres matches. Donc on a travaillé sur l’ensemble du Tournoi pour finir la compétition dans le meilleur état de forme possible sur les deux dernières semaines. C’était une stratégie établie. Au milieu de ces semaines jouées contre le pays de Galles, puis contre l’Angleterre, il y a eu des semaines non-jouées qu’on a utilisées aussi pour redonner de la fraîcheur aux joueurs, puis aussi augmenter certaines intensités de travail ciblées. Les joueurs, franchement, ils ont été parfaits. Très sérieux. Il y avait une réelle conscience que pour gagner le Tournoi, il fallait travailler. Dans ce sens-là, ils ont été exemplaires.
Le jeu des Bleus a évolué, avec plus de ballons portés. La préparation aussi en parallèle?
Il y a un jeu de possession qui est assumé. Nos essais et nos marques sont plus construits, même si on sait toujours marquer sur des fulgurances. Cela entraîne une possession plus importante, donc une capacité des joueurs à pouvoir assumer notre système offensif. Notre challenge premier sur la préparation physique, c’est d’assumer notre système défensif. Si on n’a pas le fitness pour pouvoir être en place en face des attaquants, on met en difficulté la défense. Assumer notre système offensif également, c’est-à-dire que si on décide d’utiliser certains principes comme les ballons portés, puis ensuite la capacité d’alimenter nos systèmes de jeu jusqu’à la marque avec un jeu de possession, cela demande une capacité des joueurs à assumer ces ensembles de tâches pour pouvoir être « top performant » collectivement et scorer. Tout cela demande des efforts. Donc on a poussé un peu les joueurs à aller chercher ces efforts-là pour pouvoir assumer notre projet d’équipe.
« On n’a pas le temps de développer les joueurs sur des gros blocs de séances physiques »
Avec une charge de travail supplémentaire?
En fait c’est assez simple, il y a deux grands principes sur notre méthodologie, c’est qu’on ne peut pas faire des gros blocs de préparation physique parce qu’on a une équipe à construire. On fait donc beaucoup de collectif. On a un manque d’acquis sur une chronicité de travail d’équipe sur le rugby, et donc du coup on priorise ce rugby-là. L’objectif est d’optimiser nos entraînements en utilisant beaucoup de repères collectifs. En fait, on n’a pas le temps de développer les joueurs sur des gros blocs de séances physiques, donc on a une stratégie que l’on peut appeler du « microdosing », c’est-à-dire qu’on applique des « microdoses » tout au long du Tournoi de quelques minutes par-ci, par-là avec des orientations bien ciblées, qui font que sur le cumul du Tournoi on arrive à avoir une charge globale de travail intéressante. Et qui permet aux joueurs de monter en gamme et de se développer. Donc la stratégie est là, clairement. Tout au long du Tournoi on vient par « microdoses » implémenter des intensités supérieures et qui font que dans la durée on espère que la tendance elle sera plus positive.
Le physique a pu faire la différence en Irlande, où la supériorité française s’est vue dans le jeu, mais peut-être aussi dans les jambes?
Je trouve qu’on a été dominant face à cette équipe d’Irlande sur l’énergie globale, dans notre capacité à avancer. Déjà parce qu’au rugby il faut avancer, donc on a dominé les collisions, sur le déplacement on a su assumer notre projet offensif. C’est clairement le but, ce match représente très bien ce qu’on recherchait, c’est-à-dire dominer l’adversaire physiquement, donner la pleine puissance à notre projet de jeu et également aux joueurs la possibilité d’exploiter les espaces qu’ils ont devant eux pour qu’ils prennent du plaisir sur le terrain, qu’ils soient performants. Dans ce sens-là, on a une stratégie aussi. Collectivement, sur un terrain, un joueur de rugby utilise 80-85% de son potentiel, que ce soit en accélération ou en vitesse maximale. Et donc avec ce « microdosing » de travail un peu ciblé que l’on répartit tout au long du Tournoi, notre but c’est d’aller au-delà de ces 80-85%. Donc on cherche plus de 90-92% d’accélération maximale, de vitesse maximale, pour que nos joueurs puissent exploiter les espaces, ce qui permet à notre équipe d’utiliser ses fulgurances pour venir contrer sur ce jeu de contre-attaques notamment.
L’impression a été plus laborieuse lors du dernier match… Est-ce le cas?
À l’inverse du match en Irlande, l’énergie était écossaise, moi c’est ce que j’ai trouvé sur ce dernier match. Du coup, ce n’était pas facile pour venir contrecarrer ce momentum qui était clairement écossais pendant une longue partie de la première mi-temps. La seconde mi-temps aussi, il y a eu de longs moments de domination sur l’énergie. En définir les causes est un peu complexe, je ne pense pas que d’une semaine à l’autre, on perde une qualité physique globale ou individuelle. Malgré tout, c’est un peu plus subtil, mais clairement je trouve que l’énergie était plus écossaise que je pensais sur ce dernier match.
« La victoire sur ce Tournoi est le reflet de l’implication des joueurs »
Et maintenant que les joueurs rentrent dans leurs clubs, quels vont être les échanges avec eux, les liens avec les préparateurs physiques de Top 14 d’ici à la tournée en Nouvelle-Zélande?
Oui c’est toujours particulier, ça fait partie de la relation entre les joueurs et la préparation physique de la sélection, les préparateurs physiques de clubs, ces « va-et-vient », on commence à les maîtriser. Ce que je souhaitais vraiment souligner c’est qu’on a des adversaires en sélection qui sont les autres équipes nationales, puis on a des partenaires qui sont les clubs. Et au milieu, on a des joueurs, je tiens vraiment à le souligner, qui ont été très courageux tout au long du Tournoi, qui n’ont pas du tout rechigné à la tâche, qui ont beaucoup travaillé. Moi, je tenais vraiment à les féliciter parce que j’étais très content pour eux, parce que la victoire sur ce Tournoi est le reflet de leur implication. Et après, effectivement, ils repartent en club, le but est de les accompagner aussi, et d’accompagner les clubs en leur donnant des informations sur tout ce qu’ils ont vécu pendant ce Tournoi, pour qu’ils continuent à viser juste, sur l’accompagnement de ces joueurs sur cette fin d’année et cette fin de championnat. Donc on est dans cette relation qu’on a l’habitude de gérer désormais.
Avez-vous un plan jusqu’à la prochaine Coupe du monde, ou fonctionnez-vous saison par saison?
À l’heure actuelle on a quand même des blocs de compétition qui sont assez identifiés sur du court terme. Malgré tout, il y a une méthodologie qui tend à s’appliquer sur le long terme et sur laquelle on souhaite échanger avec les clubs pour construire tout ça. Parce qu’on n’attend pas de construire uniquement quand on a la maîtrise sur les joueurs, de leur entraînement et qu’ils sont en rassemblement. Ça passe par une saison entière, c’est sur une accumulation de saisons que les progressions se font, notamment chez les jeunes joueurs. Mais il va falloir continuer à travailler avec les clubs, avoir une vision similaire, pour que tranquillement nos joueurs montent en puissance pour optimiser leur potentiel en vue de la prochaine Coupe du monde.
Via RMC Sport
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