Les terribles confidences de Capuozzo sur sa dépression : « Le positif ne me rendait plus heureux, je ne profitais plus de la vie »

Les terribles confidences de Capuozzo sur sa dépression : « Le positif ne me rendait plus heureux, je ne profitais plus de la vie »

Le dimanche 15 décembre 2024 à 10:46 par David Demri

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L’arrière ou ailier du Stade-Toulousain effectue un début de saison XXL avec son club.

Interrogé via L’équipe, ce-dernier est cependant revenu sur une période très délicate qu’il a traversée, la saison dernière.

Il explique que tout a débuté avec son retour à Toulouse, à l’issue de la Coupe du monde de 2023. Extrait:

J’étais parti de la maison depuis trois mois, quasi non-stop avec mes partenaires de la sélection italienne durant lesquels vous donnez tout pour cet objectif. Du jour au lendemain, tout s’arrête. Il a été très difficile de retrouver un quotidien. Il a été également difficile d’en parler, de l’extérioriser. Parce qu’il y a plus grave. Se plaindre de ça pourrait être assimilé à un problème de riche…

Il n’a pas tout de suite compris qu’il traversait une période difficile sur le plan psychologique. Extrait:

Pas tout de suite. Au fond de moi, je le savais, mais je n’ai rien dit. Je ne m’autorisais pas à vivre ce genre de chose. Je n’avais pas le droit. Le rugby n’impose pas cette notion de virilité. C’était une forme d’humilité vis-à-vis de ceux qui galèrent plus que moi, qui ont des problèmes de santé, d’argent. Je ne voulais pas me plaindre alors que je venais de vivre une Coupe du monde et que je joue dans le meilleur club du monde.

Nous sommes le reflet de la société. Comme dans d’autres secteurs d’activité, d’autres métiers, les problématiques rencontrées sont les mêmes dans un club : les liens humains, la pression du résultat. Tous ces sujets sensibles, présents dans les entreprises, sont transposables à une équipe de rugby. Il y a en plus l’exposition médiatique, qu’elle soit positive ou négative, l’impact est très important. Ça engendre des émotions. Les réseaux sociaux amènent beaucoup de positif, mais aussi des dangers. Notre santé mentale est mise à rude épreuve.

Il explique qu’il n’était plus heureux de rien. Extrait:

Plus rien ne me procurait d’émotions. Même le positif ne me rendait plus heureux. Je ne profitais plus de la vie. Je n’étais pas très agréable et ça ne se passait pas bien dans la vie de tous les jours. Je m’en suis beaucoup voulu.

Les tâches devenaient de plus en plus difficiles à effectuer. J’avais du mal à me motiver pour aller m’entraîner. Les sacrifices, comme louper des fêtes familiales ou se priver d’un restaurant avec ma chérie, me pesaient de plus en plus. C’est dur à encaisser. Ça engendre de la tristesse, parfois de la culpabilité. Jouer les matches, j’en avais envie. Mais pour 95 % du boulot, j’avais moins de volonté. Certains matins, même quand tout va bien, vous n’avez pas envie d’y aller non plus. Vous préféreriez rester au lit plutôt que prendre des tampons de Manny Meafou dans la boue ! (Il sourit.)

Il explique comment il a réussi à surmonter cette période compliquée. Extrait:

Ma chance a été d’être entouré : ma chérie (Emma, présente lors de l’entretien), mes parents, mes proches. Ils m’ont proposé de parler, ils ont tenté de me rassurer. Ils ont été présents, tout simplement. L’entourage permet aussi de prendre un peu de recul. Leur regard extérieur est capital. Leurs remarques sont toujours pertinentes.

Le petit déclic, qui m’a sorti de cet engrenage négatif, a été ma convocation pour le Tournoi avec l’Italie. Je suis sorti de mon quotidien dans lequel je m’enfermais. Je ne parle pas de celui au Stade Toulousain, mais celui plus personnel. Ma chance a aussi été d’avoir de bons résultats (2 victoires, 1 nul, 2 défaites). Changer d’air m’a donné un coup de boost ! Je me suis remis sur le droit chemin.

Il l’affirme : une dépression ne prévient jamais. Extrait:

On a beau dire qu’on est blindé, que ça n’arrivera plus, c’est le propre de ces périodes. Une dépression ne prévient pas. On a du mal à mettre des mots dessus. Raison pour laquelle elles sont difficiles à appréhender. Cependant, la connaissance de ces périodes permet de savoir qu’il y a une porte de sortie. C’est très important. Même si j’étais mal, je savais que j’avais des leviers pour ne pas plonger, pour m’en sortir à un moment ou à un autre. Il faut faire passer ce message : la porte de sortie existe ! Même si tu as cette sensation que tout est terminé, que peu importe ce que tu feras, tu ne t’en sortiras pas, que ça ne s’arrêtera jamais. Mais si, ça s’arrête ! Il faut trouver la bonne porte.

J’y ai pensé très tôt, vers 16-17 ans, par rapport à mon chemin de vie. Je me suis intéressé à la santé mentale en assistant à des conférences, en lisant des ouvrages. Ça m’a plu car j’ai constaté des résultats rapides sur mon état psychologique. Il y a plein de petites choses à faire au quotidien pour se mettre dans de bonnes dispositions, éviter les sources de stress. Au début de ma carrière, j’étais très impliqué là-dedans. Quand je démarre ma carrière internationale, tout va bien. Je lâche un peu. Ce que j’ai appris avec le temps c’est que quand tout va bien, tu en as encore plus besoin pour désamorcer en amont les périodes plus compliquées qui vont suivre. J’ai compris que je devais m’entourer de professionnels. La prof de yoga de ma mère me suit sur la partie psychologique, la préparation mentale. Elle m’apporte beaucoup. La méditation m’aide aussi à être plus heureux.

Il précise que les joueurs n’osent pas parler entre eux de leur dépression. Extrait:

Non, c’est difficile. Au sein d’un groupe, il y a une pression sociale de résultats, de performances. Ne pas être bien et le dire, c’est mettre en péril le groupe, l’équipe. On ne le dit pas. Mais le plus important est ce qui se passe hors du stade, quand tu rentres à la maison. Est-ce que tu te retrouves seul ?

D’autres joueurs souffrent. Je ne veux forcer personne à en parler. C’est très personnel. Mon message est : on fait un métier fantastique, mais nous ne sommes pas des surhommes. Tout ce que les gens voient comme extraordinaire dans notre vie, ne l’est pas forcément. Nous avons tous nos faiblesses. Nous ne sommes pas différents des autres. Les maux de la société existent aussi chez les sportifs.

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