Les confidences poignantes et touchantes de Pascal Papé sur sa tentative de suicide
Les confidences poignantes et touchantes de Pascal Papé sur sa tentative de suicide
Le mardi 19 novembre 2024 à 14:40 par David Demri
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Invité de l’émission RMC Sport Club sur Twitch, Pascal Papé, ancien capitaine du XV de France, s’est longuement confié sur son histoire de vie débutée par une adoption à l’âge de six mois jusqu’à une grave blessure alors qu’il était au sommet de sa carrière qui a fissuré sa carapace au point de le pousser jusqu’à une tentative de suicide.
C’est un témoignage puissant et poignant d’un ancien taulier du XV de France et vice-champion du monde 2011. Pascal Papé (44 ans), ancien deuxième ligne de Bourgoin, Castres et du Stade Français, s’est longuement confié dans l’émission RMC Sport Club sur Twitch sur son histoire personnelle hors du commun, qu’il a racontée dans le livre Double Jeu paru en 2016.
Né d’une mère qui se prostituait et se droguait, l’ancien international français (65 sélections entre 2004 et 2015) a évoqué les failles psychologiques qui l’ont escorté – depuis les traumatismes de son enfance causés par les visites imposées d’une mère biologique qu’il ne voulait pas voir – jusqu’à l’explosion de la « cocotte-minute » après une grave blessure avec le XV de France en 2013, au point de le pousser à tenter de mettre fin à ses jours.
De son abandon dans une chambre à son adoption
« J’ai été adopté, je suis arrivé dans la famille Papé – parce que ce n’est pas mon nom de naissance – à l’âge de 6 mois. Je suis issu d’une maman biologique que la vie avait abandonnée trop vite. Elle était prostituée, avait des problèmes d’addiction avec la drogue et l’alcool. Après ma naissance, elle m’a laissé beaucoup tout seul dans l’appartement. Quand les policiers ont enfoncé la porte et sont venus me chercher dans la chambre, ça faisait presque deux jours que j’étais seul parce que j’étais en train de mourir de faim. J’avais déjà développé une hernie abdominale à force de crier. J’avais déjà une grande gueule à l’époque (sourires) mais ça m’a sauvé la vie. Ma vie commence comme ça. Je ne suis certainement pas un enfant voulu et je n’en voudrai jamais à ma mère biologique parce sa vie n’était pas facile. »
Les visites non souhaitées de sa mère biologique
« Je me retrouve dans la famille Papé à l’âge de sept mois après un petit ‘stage’ à la DDASS, qui est l’ASE (aide sociale à l’enfance) aujourd’hui. Je tombe dans une famille formidable où, selon les souvenirs de ma plus tendre enfance, je suis un membre à part entière. Je reçois le même amour que mes trois grandes sœurs. J’ai commencé ma vie en étant choyé et aimé mais très vite, je comprends que je ne vais pas être un enfant comme les autres parce que tous les mercredis je dois aller voir quelqu’un que je ne connais pas mais qu’on me force à voir. Ce sera ma mère biologique mais je m’aperçois que cette dame n’a pas forcément envie de me voir, elle est mal à l’aise. Ma mère adoptive m’a dit que c’était ma mère biologique, mes parents m’ont tout de suite dit la vérité. Un jour, je suis dans la salle d’attente et j’entends ma mère adoptive parler avec l’assistance sociale et se faire engueuler en se faisant dire: « Madame Papé, vous ne pouvez pas l’aimer comme vos enfants, à tout moment, il peut repartir chez sa mère biologique. Il ne faut pas qu’il vous appelle papa ou maman ».
« Imaginez le choc que ça peut faire dans la tête d’un enfant de quatre ou cinq ans. A partir de là, je ne connais pas mon futur, j’ai une épée de Damoclès au-dessus de la tête et je ne sais pas si le lendemain je vais encore être dans la famille. On me dit: ‘ta maman va vouloir te reprendre, elle fait des efforts et tu vas pouvoir retourner vivre avec elle’. C’est terrible parce que ça vous déconstruit, vous ne savez pas de quoi est fait le lendemain. Derrière, il y a des symptômes d’insomnie, de pipi au lit jusqu’à 12-13 ans parce que tu es dans l’anxiété, dans le stress permanent, tu as une boule au ventre. J’ai passé ma petite adolescence comme ça. Je ne suis jamais retourné chez ma mère biologique mais j’ai grandi avec cette incertitude du lendemain. On n’écoutait pas le petit gars de 12 ans qui disait: ‘je ne veux plus la voir’. La vie avait fait que nos chemins s’étaient séparés très vite. La seule fois où on a commencé à m’écouter, c’est quand j’ai eu 16 ans, que je faisais 1,90m et 110kg et où j’ai dit: ‘on va arrêter parce que je n’ai plus envie’. Le juge des enfants s’est dit: ‘on a quelqu’un qui décide ce qu’il veut faire’. »
« Avec cet apprentissage de la vie, j’ai développé un dédoublement de personnalité dans le sens où j’ai caché à tout le monde qui j’étais réellement. J’ai caché que j’étais adopté, que mes sœurs n’étaient pas mes vraies sœurs aux copains du rugby, à l’école. J’ai toujours trouvé des subterfuges pour montrer que j’étais comme les autres. Le fait de cacher sa vie a créé une faille, quelque chose de sensible chez moi. J’ai grandi, je me suis métamorphosé physiquement, j’étais bon au rugby, je suis parti à Bourgoin, je suis devenu international très jeune. C’est allé très vite mais je cachais ma vie aux journalistes. Un jour, un journaliste m’a dit: ‘je te suivais quand tu étais jeune mais tu n’avais pas le même nom’. L’effroi que j’ai eu. Là, j’ai eu ce sentiment qu’on découvrait ma vérité mais j’ai rebondi en disant que je n’avais pas été reconnu par mon père parce qu’il n’avait pas fait les papiers. »
Une faille enfouie avec le rugby… jusqu’à l’explosion en 2013
« Ma carrière étant partie, je le cache à tout le monde. Ce sujet est moins dans ma tête, je suis capitaine de l’équipe de France. Un jour, je me blesse lors d’Italie-France (le 3 février 2013), je suis capitaine, je suis fier de ça. Je prends un coup de genou au niveau de mes vertèbres et je ne sens plus ma jambe droite. Les chirurgiens me disent: ‘on ne sait pas si la sensibilité de ton nerf va revenir’. La cocotte-minute que j’avais en moi depuis tout petit a explosé. Je me suis dit: ‘c’est ça ma vie? On ne veut pas de moi’. J’ai remis en question mon existence. Elle n’était pas approuvée, désirée. Je me retrouvais comme à la base de ma vie, un moins que rien, qui n’allait servir à rien alors que quelques heures avant, j’étais peut-être au sommet de ma carrière. Explosion complète au niveau du rugby et familial. Mon ménage a explosé parce que ça a été un tout, je me suis rendu compte de plein de choses, j’avais déjà trois enfants. J’ai mis mon existence et ma vie en doute: ‘est-ce que tu mérites d’être là?’ Les insomnies reviennent, les cachets pour le dos parce que la douleur était terrible, les cachets pour dormir, ceux parce que tu commences à être dans la déprime, le cocktail molotov. Et un jour, je me vois en dehors de mon corps en train de me dire: « La seule chose dont tu as envie, c’est de dormir. Donc tu vas dormir pour toujours ».
« J’ai pris tout ce qu’il fallait pour essayer de dormir, j’ai tenté (de se suicider) à ce moment-là. J’ai fait ma thérapie, c’est facile d’en parler pour moi aujourd’hui. Je me suis vraiment vu en dehors de moi comme si j’étais en train de regarder la scène, de prendre des cachets, de m’endormir jusqu’à ce que mon père arrive et voit que j’étais en train de partir. Il m’a frappé pour que je revienne à moi. Vous imaginez en l’espace de trois mois… »
« A ce moment-là, je n’étais pas du tout suivi. Dans ma vie, j’ai vu 45 psychologues, des assistantes sociales, je ne voulais plus être le centre d’intérêt de ces personnes parce qu’elles me rapprochaient de mon passé et de ma vérité. J’avais construit un mur vis-à-vis de ces personnes-là parce que j’étais derrière le mur. »
Le premier jour du reste de sa vie après la tentative de suicide
« Une fois que tu prends les cachets et que tu as fait la connerie, c’est le premier jour du reste de ta vie. J’ai eu la chance d’avoir le docteur Savigny, actuellement avec le XV de France, qui avait déjà eu cette expérience avec un joueur ultra-connu avant moi. Il m’a tout de suite envoyé dans une maison de repos où on traite ce genre de pathologie. J’ai adoré parce que cet endroit m’a sauvé la vie, il n’y avait rien dans la chambre à part, un lit, un bureau, une feuille blanche et un crayon à papier. Ça m’a permis de me confronter avec moi-même et de faire le point avec moi-même. Je me suis dit: ‘il faudrait peut-être que tu t’acceptes. Tu as trois enfants, il va falloir leur expliquer ton histoire’. J’ai adoré ce séjour de trois semaines. Je me suis dit que j’allais écrire ma vie à mes enfants et c’est le départ de mon livre. Ma thérapie a été des mots pour des maux. J’ai fait un pas en avant pour me soigner en cassant le mur. J’ai travaillé avec Meriem Salmi, qui suit Teddy Riner depuis ses débuts, pour tout le reste de ma carrière. J’ai trouvé la sérénité dans la parole et l’écriture. »
Ses coéquipiers n’étaient pas au courant
« Je me rappelle du message de Julien Bonnaire, une fois que le livre était sorti: ‘elle est incroyable cette histoire, je n’ai jamais rien vu’. C’était dangereux d’avoir ce secret trop enfoui. Le jour où j’ai craqué, ça a été puissance 10 mais je n’étais pas prêt à accepter mon histoire. (…) Si les jeunes extériorisent ce qu’ils ont à dire, ça va les rendre heureux sur le terrain. »
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Belle leçon de vie! bravo mr papé
Bien trop souvent , sans avoir la moindre connaissance de ce qu’a été la vie d’un quidam , » on » se permet de porter des » jugements » avec un aplomb digne d’une imbécilité crasse ..
.La vie de Papé en est un parfait exemple …tout au long d’une partie importante de sa vie il n’a pas pu comme » tout un chacun » se sentir comme tout le monde au point de développer de graves troubles et des instincts suicidaires …
Son ouverture chez les psys a été la bonne démarche pour exorciser son passé et en tirer parti . Bravo à lui et qu’il sache profiter de ce que lui offre la vie maintenant