Les incroyables et merveilleuses anecdotes de Mourad Boudjellal sur le doublé du RC Toulon, en 2014 !
Les incroyables et merveilleuses anecdotes de Mourad Boudjellal sur le doublé du RC Toulon, en 2014 !
Le samedi 1 juin 2024 à 0:14 par David Demri
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Il y a 10 ans, le Rugby Club Toulonnais effectuait le doublé Top 14 / Coupe d’Europe.
Un moment forcément inoubliable pour les supporters Varois.
Lors d’un entretien accordé au journal régional Var-matin, l’ancien président du Rugby Club Toulonnais, Mourad Boudjellal s’est remémoré les meilleurs moments de ce doublé.
Il se rappelle de l’arrivée en bateau du groupe Toulonnais, sur la Rade. Extrait:
« Ce qui m’a le plus marqué, c’est cette folie quand on est arrivé en bateau, tout ce monde [plus de 50.000 personnes estimées]. Je ne suis pas sûr qu’à la Libération il y en a eu autant. Je n’avais jamais vu ça, c’était hallucinant! Quand on est arrivé à l’aéroport d’Hyères, c’était magnifique. Les pompiers envoyaient des jets d’eau sur le tarmac, tout le personnel de l’aéroport et des centaines de supporters nous attendaient. C’était fou. Il y avait des klaxons de partout.
Lors du trajet en bus, toute l’école d’infirmières était dehors pour nous saluer, on a été escorté par des centaines de supporters jusqu’à Toulon. Quand on est arrivé sur le bateau, c’était un truc de malade. Je m’étais un peu chopé avec Giteau et Masoe car je voulais que le Bouclier et la coupe d’Europe soient présentés côte à côte à notre arrivée au port. Je voulais que ça soit la photo qui reste mais bon, il s’en foutaient. Il y avait des joueurs qui plongeaient dans l’eau. »
Il l’affirme : les joueurs étaient totalement imbibés d’alcool. Extrait:
« Ils étaient tellement imbibés que je me disais: ils vont mourir. Quand je suis entré avec Jonny Wilkinson et le Bouclier dans la mairie, même les mecs de la sécurité voulaient les toucher. Lors du titre de 1992, je regardais les joueurs sur le balcon de la mairie d’en bas [il avait 32 ans] et là j’étais dessus. Il y avait des supporters à perte de vue, jusqu’à la place de la Liberté. Je me disais: c’est pas possible… Le soir, on est allé dans un bar à vins avec Bernard Laporte et le staff. A un moment donné, je vais chez moi pour aller chercher des grands crus qu’il n’y avait pas et je me fais arrêter par la police. Heureusement, j’avais le Bouclier et la coupe d’Europe dans le coffre de la voiture.
On a fait une photo, et ils m’ont raccompagné! (rires) On a fini ensuite dans un bar du Mourillon, c’était la fin du doublé mais j’étais content de le vivre à Toulon. Quand j’ai repris le club en 2006, il redescendait du Top 14 car il prenait 60 pions tous les week-ends [trois victoires seulement], la ville avait été humiliée. On avait raté le visage du professionnalisme et on avait dix ans de retard sur les autres. Il n’y avait rien, un bureau de 3mètres carrés, pas un partenaire. Le RCT, c’était La Valette. C’est cette douleur là qui a généré les 50.000 personnes en ville. Et c’était magique. »
Il se souvient des titres Européens mais également du Bouclier de Brennus remporté en 2014 contre Castres, au Stade de France, pour la dernière de Jonny Wilkinson. Extrait:
« Moi je voulais être champion de France et les joueurs voulaient être champions d’Europe. Il y étaient très attachés. Bon, je m’y suis habitué du coup et c’est un sentiment agréable, mais j’étais prêt à abandonner la coupe d’Europe pour le titre de champion de France. Quand on a gagné la deuxième coupe d’Europe à Cardiff, j’avais dit qu’on était à la mi-temps de ce qu’on veut faire.
Le lendemain de la victoire, à 7 heures, il y avait tout le monde au petit déjeuner alors que l’année d’avant, personne ne s’était levé. Là, les joueurs n’étaient pas sortis, ils étaient frais. Un truc avait changé. On a appris de nos erreurs passées parce que l’année d’avant après la première victoire en coupe d’Europe à Dublin, Bernard avait dit aux joueurs: “faites ce que vous voulez, on se retrouve demain soir à 18h pour un footing, vous pouvez disparaître ». Il y en a un qui a même disparu jusqu’au jour suivant…
Eh puis après, il y a la dernière minute du match au Stade de France et tu te dis: « on a fait le doublé quoi ». Je n’aurais jamais osé rêver ça, ça aurait été prétentieux. Après t’es sur le téléphone, t’es loin de chez toi, t’es à Paris mais t’as envie de voir ce qu’il se passe à Toulon. Le soir, je n’ai pas bu une goutte d’alcool pour vivre la fête à Toulon à 100%. Il y avait une fête chez Jean Roch mais je suis resté à l’hôtel avec un cercle réduit, dont le Prince Albert qui buvait des bières avec nous! »
Il pensait pas possible de faire le doublé et ses joueurs l’ont fait. Extrait:
« A l’époque, le doublé était quelque chose d’impensable. D’ailleurs, Guy Novès, qui était de loin le meilleur entraîneur français avec un palmarès grand comme le port de Marseille disait que c’était impossible. Donc si Guy Novès le disait, c’est que c’était vrai. On a donc eu le plaisir de faire le doublé et de faire mentir le mec le plus en place du rugby. »
Selon lui, le fait que Jonny Wilkinson prenne sa retraite a surmotivé toute l’équipe afin d’offrir à l’ouvreur Anglais la plus belle des sorties. Extrait:
« On avait un camion de cryothérapie qui nous suivait de partout. Les joueurs y allaient beaucoup et on gagnait, alors je me suis dit que c’était la clé de notre réussite. Mais, en vrai, je crois que la clé, c’est Jonny. Tout le monde voulait se donner pour ne pas le laisser partir sur une défaite. Ce n’était pas possible. On était habité par sa retraite. En championnat, ça a été très fort. En demi-finale face au Racing à Lille, la première période est dure. On savait que si on était battu, c’était le dernier match de Jonny.
A la mi-temps il avait dit à ses coéquipiers qu’il voulait aller au Stade de France, en leur disant “s’il vous plaît ». Tout le monde avait presque les larmes aux yeux. On a fait une seconde période en béton. C’était pour lui. Quand il demandait quelque chose, il touchait tous les joueurs. A Cardiff, j’étais voisin de chambre de Jonny et le soir, veille de match, j’entends des « boum », « boum » qui résonnent. Il avait pris le matelas, l’avait collé contre la fenêtre, et il butait dans sa chambre. Je pense qu’il avait dû avoir un doute. Est-ce que je sais encore buter? (rires) »
Il se remémore ensuite la défaite concédée à domicile contre Grenoble, avant le doublé.
Il raconte d’incroyables anecdotes sur cet épisode qui avait fait trembler Mayol. Extrait:
« Dans le doublé, un homme a joué une rôle important, c’est l’arbitre Laurent Cardona. A la fin du match perdu face à Grenoble, Bernard défonce les joueurs, claque la porte et se casse. Je l’appelle mais il veut rester seul. Le lendemain, à Berg, il pourrit à nouveau un joueur qui avait fait la fête après la défaite. C’était d’une violence extrême. Pierrot Mignoni prend le relais, il gueule et ça part avec Delon Armitage qui lui manque de respect.
Pierrot ne s’enlève pas, moi je tombe la veste en me disant qu’on va tous se battre, mais Chris Masoe est intervenu, en papa, il a tempéré les gars. Ca a beaucoup parlé ensuite, il y avait un malaise. Le soir, je pensais avoir perdu la saison et le club. Je n’avais pas vu les tensions, c’était explosif. Le lundi à l’entraînement, la tribune était pleine de supporters, il y avait un silence de mort, on entendait que les cris de Bernard. Il hurlait, il était en folie. C’est l’entraînement le plus musclé que j’ai vu. C’était un point de bascule de la saison et le doublé, il se fait à ce moment-là. Derrière, on bat Cardiff à Nice en coupe d’Europe, Laporte traite Cardona de “pipasse » et ça repart. En fait, quand le Grenoblois Ratini marque l’essai, nous on marque le doublé. On ne le savait pas mais on avait besoin de ça. »
Il ne manque pas de dire le plus grand bien de Bernard Laporte et sa façon d’entraîner. Extrait:
« On était vraiment complémentaires. On ne s’est quasiment jamais disputé, allez peut-être une fois ou deux mais on n’arrêtait pas de faire des vannes et des plans. Avec les joueurs, il s’en passait toujours une. Il y avait une sacrée ambiance, c’est aussi pour ça que ça marchait. Eh puis surtout, Bernard, il réveillait les morts. Il avait des discours d’une force! C’est avant tout un grand meneur d’hommes, mais il ne faut pas croire qu’il était moins bon techniquement. Une fois, j’ai vu Giteau et Jonny venir le voir à la mi-temps parce qu’ils avaient un gros problème technique, et il a apporté une réponse immédiate.
Mais on en a fait des belles, ça ne s’arrêtait jamais. Un jour, l’arbitre de la rencontre prend sa retraite à Mayol, on décide de lui offrir un maillot signé et Bernard le choppe parce qu’il n’avait pas été très bon: “Je te le dis, tout le rugby français respire! » Et moi, j’avais l’air con avec mon cadeau! (rires). Et les soixante coups de bâton, vous vous en rappelez? Bernard avait pris une suspension et on avait fait une vidéo pour le 1er avril en disant que la commission de discipline avait mué la sanction en soixante coups de bâton donnés par Bakkies Botha à la mi-temps du match face à Castres [2012]. On avait fait des millions de vues! On gagnait sans se prendre au sérieux. »
Pour conclure, Mourad Boudjellal dit le plus grand bien d’un certain Juanne Smith. Extrait:
« Le joueur de la saison? Je ne dis pas Jonny car il est hors concours. Pour moi, c’est Juanne Smith parce que c’était inespéré de le retrouver à ce niveau. C’était un pari. Il sortait de trois ans sans jouer avec des interventions à répétition à la voûte plantaire. Il était payé au match mais rapidement, vu ses performances, j’ai changé son contrat, car par rapport à Habana, je faisais de l’Apartheid en ver-lan! (rires). C’était un sauvage.
On parle souvent de Botha, Gorgodze, mais je peux vous dire que Juanne Smith était le plus méchant. Je l’ai vu lors d’un match à Montpellier, choper un mec dans le couloir à la mi-temps et lui dire: “Le match est terminé, maintenant, c’est toi et moi dehors! » J’ai rarement vu une telle agressivité. Sur le terrain il faisait très, très mal, c’était un animal. Il était beau gosse avec un look d’acteur, on aurait dit Matt Damon. Mais alors, quelle assassin, quel boucher! Le vrai Afrikaaner qui avait grandi dans le dur. »
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