Paul Costes : « A une époque, je rêvais plus de battre Toulouse que d’y jouer »

Paul Costes : « A une époque, je rêvais plus de battre Toulouse que d’y jouer »

Le dimanche 5 mai 2024 à 11:17 par David Demri

9 Commentaires

Publicité

La première fois qu’il a mis les pieds sur un terrain, Paul Costes avait quatre ans. Mais pas de licence. Il regardait son cousin jouer au rugby à XIII et est entré sans permission pour le plaquer. Dix-sept ans plus tard, après des passages au Toulouse Université Club et Colomiers, il porte le maillot du Stade Toulousain et s’apprête à disputer une demi-finale de Champions Cup en tant que titulaire au centre. Champion du monde U20 l’été dernier, il est en train de s’imposer cette saison en se fondant parfaitement dans l’équipe avec son style très créateur, différent de certains standards.

Que représente le rugby pour vous ?

Ça fait un peu un peu enfantin de dire ça, mais c’est la passion depuis tout petit. J’ai été mis là, j’avais 4 ans donc je n’ai aucun souvenir et je pense que je ne savais pas trop réfléchir à l’époque. Donc je faisais la chose qui me venait à l’esprit. C’était de jouer sur un quart de terrain avec mon cousin et le ballon et voilà. Se faire des passes en avant, sans connaître les règles, jouer en pantalon, se rouler dans la boue. Enfin c’est tous les trucs qu’on connait du rugby et qui en fait sa beauté et notre passion aujourd’hui elle vient de là. On a tous commencé par ces racines. Bon, même si maintenant c’est un peu un peu plus cadré, on vient tous de là et je pense qu’il y a cette partie de nous qui n’oubliera jamais ça. Le truc qui était très stimulant pendant nos jeunes années.

Votre vie ?

Oui c’est ma vie bien sûr. Ça a commencé comme un loisir, mais toujours avec cette idée en tête de vouloir aller loin, même si on prend tout à notre échelle. Donc forcément, quand on joue au rugby, on ne pense pas directement à vouloir disputer une demi-finale de Champions Cup ou des matchs de très haut niveau comme ça. On pense à gagner le tournoi du coin. Mais ça nous suffit et ça nous stimule. Bon, même si on ne gagnait pas trop à l’époque, on s’amusait quand même et on avait cette envie d’être bon, d’essayer de jouer le meilleur rugby que je connaissais. Et ça a commencé dès le plus jeune âge.

Vous avez reçu ce rugby en héritage, avec la carrière de votre papa (Arnaud, 13 sélections entre 1994 et 2000) ?

Ma famille a baigné dedans, mon père a baigné dedans et jusqu’à récemment, il avait toujours un pied dedans. Il connaît encore les anciens joueurs qui sont les coachs que je vois au bord du terrain aujourd’hui. Bon là, il est un peu trop vieux, il n’y a plus de mecs avec qui il a joué sur le terrain. Malheureusement. Mais il a toujours un pied dedans, il aura toujours un pied dedans parce que maintenant il le vit aussi à travers moi, ce qui est normal pour un papa quoi. Et en plus, j’habite juste à côté de chez mes parents, donc on a l’occasion de se voir souvent et de débriefer les matchs. Et c’est une analyse qui est toujours intéressante parce que c’est « paternel ». C’est moins professionnel et moins cadré que quand on a le retour des coachs. Et il y a l’affect du papa qui parle donc c’est quelque chose d’indispensable pour moi.

Vous n’avez finalement pas fini 3e ligne…

Et bien non mais j’ai failli ! J’étais multiposte quand j’étais jeune. Je jouais 3e ligne, j’ai basculé au centre quand on a vu que je n’allais pas être très costaud. On a préféré me mettre sur le chemin du centre que du 3e ligne. Bon à raison en l’occurrence, c’est tant mieux pour moi.

Jouer au Stade Toulousain était-il logique pour vous ?

Non, parce que du coup, je jouais dans le club rival, à Colomiers. A cette époque c’était un peu la grosse rivalité. Les matchs étaient souvent souvent « blindés » de monde, même plus que certains matchs Espoirs aujourd’hui. Il y a toujours eu ce côté où on était plus de supporters columérins quand même faut l’avouer. En fait, on gagnait beaucoup avec Colomiers contre Toulouse dans les équipes de jeunes et c’est le jour où on a commencé à perdre que j’ai commencé à vouloir partir. Je leur ai fait une petite trahison. Et ça, et c’est mon père, bizarrement, qui m’a dit que ce serait peut-être plus intéressant pour ma formation d’aller voir l’école toulousaine. Parce qu’à Colomiers, on avait quand même un jeu qui était assez restreint et le stade avait déjà cette volonté de jouer sur les extérieurs, de s’envoyer les ballons. Donc moi, je n’avais pas cette maturité et ce recul à l’époque pour me dire si c’était mieux pour moi. Mon père l’a fait à ma place et il a eu raison encore une fois. Voilà, on a développé la plupart des axes que le Stade Toulousain requiert aujourd’hui, donc c’est cool !

Vous ne rêviez donc pas forcément d’y jouer…

Bah, en fait je rêvais plus de les battre moi à l’époque que d’y jouer. On jouait avec le TUC (Toulouse Université Club, ndlr) et quand on était dans des petits tournois, avec des équipes du coin comme La Salvetat, Tournefeuille, quand on jouait le Stade Toulousain, même si on avait 11 ans, c’était le choc ! C’était le Stade Toulousain des pépinières, on avait forcément cette idée. C’est pour dire à quel point la culture du Stade Toulousain est irrémédiable dans le rugby, encore plus dans le Sud-Ouest. Et on n’a même pas le temps d’y réfléchir quand on est jeune. De réfléchir à ce statut, à ce côté médiatique. En fait, on est impressionné de jouer contre Toulouse alors qu’on a 11 ans et qu’on est de jeunes enfants. C’est dire l’influence de ce club dans cette ville. Et non, pour répondre à votre question, je n’y rêvais pas d’y jouer jusqu’à ce que j’y mette les pieds.

Que vous a appris la formation du Stade Toulousain ?

Elle m’a appris beaucoup de choses. J’ai eu la chance, dès que je suis arrivé, de côtoyer un entraîneur qui m’a fait beaucoup de bien. Un super mec, François Bordes, qui est un passionné, un mordu de rugby. Et qui, même dans ces catégories jeunes, voulait exploiter au maximum notre potentiel. On avait en plus une bonne génération, les 2003. On essayait de produire beaucoup de jeux, on discutait beaucoup et notre entraîneur était toujours partant, alors qu’il avait un métier à côté, pour bosser avec nous quand on le demandait. Ce sont de petites choses qui peuvent paraître futiles mais qu’on n’oublie pas avec le temps. Et cette passion a fait finalement que nous, jeunes joueurs, on a eu envie de se développer, de montrer ce qu’on savait faire, d’apprendre de nouvelles choses. On a essayé de développer un peu tous les axes du jeu pour être un trois quart très polyvalent à Toulouse.

Qu’est-ce qui vous donne le plus de plaisir sur un terrain ?

Toutes sortes de collisions, que ce soit en attaque ou en défense. J’essaie de bouger un maximum sur le terrain pour avoir des choses à faire, des taches à réaliser, que ce soit traverser le terrain en travers pour toucher un petit ballon dans un couloir ou pour attraper un mec. J’essaie de me rendre disponible partout parce que je suis endurant depuis pas mal de temps et comme je ne suis pas très costaud, il faut compenser un moment donné. Donc l’endurance, ça en fait partie. Et on n’a que 80 minutes à jouer, alors qu’on s’entraine toutes les semaines. On va dire que ce n’est pas très rentable, 80 minutes, donc j’essaye, moi, de le rentabiliser à ma manière quoi !

Vous passez pour un joueur créatif. Ça vous convient ?

Oui parce que je pense que, au début, je ne me posais pas trop la question. Mais à force de voir les retours, les médias, les commentaires sur les réseaux, on dit de moi que je suis créateur et je ne m’étais pas fait la réflexion jusque-là. Mais c’est comme je vous dis, ce côté de vouloir exécuter les tâches, en faire un maximum, forcément quand on essaie d’en faire beaucoup plus parce qu’on touche beaucoup plus de ballons, on est amené à avoir le pied dans plusieurs situations différentes et forcément, à devoir trouver des solutions. Donc c’est de là que ça vient je pense.

Vous ne vous en rendiez pas compte avant ?

J’essayais de ne pas trop me concentrer sur l’image que je donnais. Moi, je voulais juste jouer au rugby et essayer de bien jouer. Maintenant, forcément, quand on est amené dans un stade de 19000 personnes tous les weekends avec une grosse médiatisation autour, on est amené à être exposé à se faire commenter nos actions, nos attitudes, que ce soit futile ou pas. Voilà, ce sont des faits. Forcément, nous, on est jeune, on y passe. Donc non, moi je n’y prêtais pas grande importance mais…

(on le coupe) Ça fait bizarre ?

Ça me fait bizarre, oui. Comme tous les jeunes. Je pense qu’on n’a jamais été habitué à une certaine médiatisation. Comme je vous ai dit au début, nous, à la base, on veut jouer au rugby, se rouler dans la boue et gagner des matchs. Et voilà, c’est pour ça qu’on y joue. Donc être amené à être médiatisé, à être exposé à plein de remarques, ça peut faire drôle. Mais maintenant que c’est arrivé, il faut arriver à s’en détacher un maximum. Que ce soit positif ou négatif. Que ça n’agisse pas sur nous. Je pense que ce serait un peu néfaste si on s’y attache trop.

Vous avez été champion du monde U20 l’été dernier. Cela donne envie d’aller voir à l’étage au-dessus ?

Oui, même avant d’être champion du monde U20. Forcément, je pense qu’on est tous, enfin en tout cas, on doit être tous animés par cette envie de jouer au plus haut niveau une fois qu’on est en Top 14. Ce serait se planter de ne pas vouloir essayer d’aller chercher au-dessus. En étant conscient de ce qui reste à accomplir bien sûr, conscient de nos failles, de nos forces. Et je sais qu’il reste plein de choses à bosser, qu’il y en aura toujours. Moi j’essaie de donner le maximum, sans penser forcément à ça. Et ça ne dépend pas que de moi. Il y aura toujours plein de facteurs qu’on ne maitrisera pas et j’essaye au maximum de me concentrer sur les facteurs que moi je maîtrise.

On se dit qu’on peut rivaliser avec les Aki, De Allende ou Tuilagi ?

Oui, oui, quand on les voit, c’est sûr que c’est là que la différence se fait déjà physiquement. Donc eux, ils ont la vitesse internationale qu’on voit depuis pas mal de temps et en plus, ils ont ce côté très physique, très costaud, très rugueux. Donc c’est une avance énorme. Mais voilà, chaque moment à son échelle. Avant d’entrer en Top 14, je regardais les joueurs de Top 14. Maintenant je joue avec. Maintenant je regarde les Bundee Aki, les De Allende et peut être qu’un jour je serais amené à jouer contre. Mais oui, la différence est énorme. C’est la différence entre un jeune joueur comme moi de 21 ans et des internationaux à une cinquantaine de sélections. Donc il ne faut pas se mentir, il y a un fossé énorme.

On peut parfois amener quelque chose de différent ?

Non mais c’est clair que je ne ferai jamais 105 kilos et que je mettrai rarement trois personnes sur le cul dans la même action ! Donc voilà, il faut être conscient de ses qualités, que chacun est un joueur de rugby différent et je pense qu’arrivés à ce niveau-là, ils ont compris qu’il fallait maximiser leurs points forts. Ils savent très bien que quand tu es très costaud et bien tu ne vas peut être pas hyper vite quand tu vas hyper vite, tu n’es peut être pas très costaud (sourire). Il faut arriver à appuyer ses points forts et savoir contrer ceux qui ont des appétences que nous, on n’a pas. C’est toute la ruse du haut niveau.

Cette demi-finale face aux Harlequins et leur jeu, ça vous fait saliver ?

Oui, c’est un très gros défi. Non seulement pour le match que ça représente en lui-même, une demi-finale pour accéder à une nouvelle finale de champions Cup, ce qui serait énorme. Et en plus face à une équipe qu’on a déjà joué en poule, qui a une culture de jeu très développée, anglo-saxonne, avec des joueurs très hétérogènes mais qui marchent parce qu’ils se connaissent. Ça risque d’être un beau match de rugby. Au-delà d’être une victoire ou une défaite, on aime bien quand on joue au rugby. Donc que ce soit d’un côté ou de l’autre, on va essayer de jouer le meilleur rugby possible. On les connaît, ils nous connaissent. Ça risque d’être un match intéressant à regarder.

On a l’impression cette année que cette Champions Cup est une grande quête pour le Stade Toulousain…

C’est vrai qu’il y a toujours, et ce n’est pas explicable, une sorte d’osmose, d’enthousiasme inconscient quand on va jouer un match de champions Cup. Et ça se voit sur les scores. On ne va pas se mentir, sur le jeu produit aussi. Sur la saison entière, les matchs les plus beaux, où il y a le plus de points et le plus d’essais, ce sont les matchs de Champions Cup. Donc je ne saurais pas vous l’expliquer. Ce que je sais, c’est qu’on espère que ça se produise encore pendant deux matchs. Après, tout ce dont on a envie, c’est de les jouer ces matchs parce que c’est les meilleurs à jouer ! Comme lors du quart de finale contre Exeter, où on s’est régalé.

Le doublé est-il possible cette année ? Vous rendez-vous compte que vous impressionnez ?

On n’y prête pas plus attention parce qu’on est très exigeants envers nous-même. Parce qu’on sait le jeu qu’on est capable de produire et les écarts de niveau qu’il peut y avoir d’un match à l’autre. On essaie déjà de maintenir un niveau correct et régulier. Et je pense qu’on se posera la question quand on sera arrivé en finale et qu’on aura gagné. Avant, on va se concentrer sur la façon, comment le faire. Parce qu’il va falloir un grand Stade Toulousain pour rivaliser contre les « Quins », rivaliser en Top 14 et toujours être au rendez-vous. Ce n’est que 80 minutes, mais c’est sur toute une saison qu’on se prépare pour ce genre de match. Donc il ne faut pas manquer le rendez-vous.

Via RMC Sport

Publicité

9 Commentaires