Le coup de gueule de Romain Poite : « Mettez un robot qui a appris toutes les règles par cœur, en 5 minutes, il aura vidé le stade ! »
Le coup de gueule de Romain Poite : « Mettez un robot qui a appris toutes les règles par cœur, en 5 minutes, il aura vidé le stade ! »
Le mardi 31 octobre 2023 à 10:29 par David Demri
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L’ancien arbitre international Français et désormais technicien du Rugby Club Toulonnais, Romain Poite s’est confié dans les colonnes du Midi Olympique.
Ce-dernier est revenu sur l’arbitrage durant la Coupe du monde et les nombreuses polémiques.
Ce-dernier n’a pas manqué de tirer la sonnette d’alarme.
Il pointe du doigt les spectateurs à l’origine de ces critiques mais également les joueurs. Extrait:
« La Coupe du monde a démontré cette limite : à vouloir faire du détail dans le détail, notre arbitrage a rencontré des difficultés dans sa compréhension, sa lecture et son approbation. Il est presque devenu plus important que le jeu développé, trop souvent au cœur des commentaires et des réflexions. C’est comme si nous perdions de vu la beauté du jeu ou de l’adversité saine entre les deux équipes, en attendant la décision polémique qui ferait plus parler que la beauté du geste ou de l’action qui allait amener une marque pour l’une ou l’autre équipe.
Même les acteurs étaient dans l’attente de la décision avec une certaine schizophrénie. Cette atmosphère, ce contexte, le public les a ressentis. Cela a gâché les phases finales. Le public ne regardait que ça et n’attendait plus que ça, le coup de sifflet de l’arbitre qui allait provoquer la polémique car pas dans le sens attendu pour son équipe ou celle que l’on voulait voir gagner à n’importe quel prix. »
Selon lui, un climat délétère s’est installé entre les joueurs et les arbitres lors des matches des phases finales. Extrait:
« C’est ce qui m’a le plus choqué dans les phases finales de cette Coupe du monde : l’ambiance sur les terrains et le climat délétère qui s’est instauré entre les joueurs et l’arbitre. Nous n’étions plus dans la construction commune ou l’accompagnement mais dans la simple adversité. J’ai vu des comportements déviants qui n’existent habituellement pas dans notre sport. Il y avait beaucoup trop de discussions et de contestations, c’est quelque chose qu’on ne voyait plus depuis longtemps et c’est un relationnel dangereux pour notre sport.
Les arbitres se sont trouvés contraints d’être toujours dans la justification. Il fallait tout justifier, tout le temps, même les non-décisions pour éteindre les incendies. C’est un niveau de tension beaucoup trop important, qui pollue le déroulement des matchs. Nous sommes sortis du cadre. Jusque-là, seul le capitaine pouvait parler à l’arbitre, et pas à chaque action. Désormais, tous les joueurs parlent trop souvent à l’arbitre, pour mettre la pression ou pour réclamer des explications.
Mais ces justifications ne sont pas un dû ! Est-ce qu’un arbitre se permet de juger ou de porter des commentaires sur un joueur qui exécute mal une action ? Et ce climat a transpiré dans le public qui s’est mis à ne regarder que l’arbitrage, plus du tout le jeu et la technique, ou attendre la décision qui porterait la polémique. Je le déplore. Les commentaires sont devenus virulents : on n’attaque plus seulement la fonction, on attaque désormais l’homme. C’est grave. »
Dans la foulée, Romain Poite a dit le plus grand bien de l’arbitrage de Wayne Barnes, lors de la finale entre l’Afrique du Sud et les Blacks. Extrait:
« J’ai trouvé un arbitrage performant de Wayne Barnes mais aussi de ses assistants. C’était un véritable arbitrage à quatre, précis, équilibré et une excellente connexion de toute l’équipe et notamment avec le TMO, Tom Foley, que j’ai trouvé très à propos sur ses interventions. Sur l’essai d’Aaron Smith (finalement annulé), c’est lui qui interpelle Wayne Barnes sur l’en-avant initial, lors du maul constitué autour de Ardie Savea. Il fallait le voir, ce n’était pas simple… Dans l’ensemble, les décisions ont été très compréhensibles et bien expliquées, y compris sur les situations de carton. »
Il n’hésite pas à défendre Wayne Barnes même sur l’une de ses erreurs, expliquant que l’arbitre ne peut pas toujours tout voir. Il parle notamment du ballon gratté illicitement par le Sud-Africain Kwagga Smith en toute fin de match. Extrait:
« Effectivement, on voit qu’il pose la main gauche au sol pour garder son équilibre en se posant la question du maintien du poids de corps ou non. Mais cette intervention est hyper rapide, il ressort très vite avec le ballon. Sur ce coup, Wayne Barnes est placé de l’autre côté et ne peut pas le voir.
Bien sûr que cette action est contestable, qu’elle peut faire parler. Mais résumer l’arbitrage de cette finale à cette action serait malvenu. On ne peut pas demander à un arbitre la perfection pendant quatre-vingts minutes. Comme un joueur, il est sujet à la fatigue, à la tension de la fin de match. Il faut aussi comprendre que pour prendre une décision qui va faire basculer un match avec autant d’enjeux, la faute doit être grossière et évidente. L’arbitre doit être sûr de lui à 100 %, sinon il s’abstient. Placé où il est, Wayne Barnes ne pouvait pas être sûr à 100 %. Mais je le répète : la manière dont il a arbitré cette finale est remarquable. »
Il explique ensuite pourquoi l’arbitre vidéo n’est pas intervenu sur cette action. Extrait:
« C’est un fait technique et le TMO ne peut donc pas intervenir. Ce serait hors protocole. Dans la relation TMO-arbitre central, la recherche de la vérité est importante mais sur tous les aspects techniques, il faut qu’il y ait un détachement. Sinon, on se met tous dans un fauteuil et on laisse faire le TMO, mais cela ne servira pas le rugby.
Je prends souvent cet exemple : plutôt qu’un arbitre humain, mettez au milieu du terrain un robot qui a appris toutes les règles par cœur. En 5 minutes, il aura vidé le stade ! Le rugby est tellement légiféré que le robot sifflera tout, tout le temps. Des fautes, il y en a à chaque ruck ou presque. Le propre de l’arbitrage de haut niveau, en rugby, c’est de trier, de prendre la faute qui a une réelle incidence sur le jeu. On en vient au sujet de l’interprétation : l’arbitre doit donner de la cohérence dans sa conduite du match. Il ne peut pas tout siffler. »
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