Les superbes et touchantes confidences de Matthieu Lartot sur son amputation
Les superbes et touchantes confidences de Matthieu Lartot sur son amputation
Le mardi 8 août 2023 à 13:16 par David Demri
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Le commentateur rugby de France Télévisions, Matthieu Lartot s’est fait amputer la jambe droite en raison d’un cancer du genou.
Depuis quelques semaines désormais, le monsieur rugby de France Télévisions peut marcher avec une prothèse.
Il va de mieux en mieux à tel point qu’il pourra commenter les matches de la Coupe du monde.
Il s’est confié via Midi Olympique. Extrait:
« Je me sens bien. Je suis affûté comme une lame. Je n’ai jamais été aussi bien physiquement. Il faut dire que je bosse comme un chien, je n’ai jamais autant transpiré en trente ans que ces dernières semaines. J’en suis presque à galoper (rires). J’essaie surtout d’appréhender la prothèse. Je sais qu’il me faudra au moins une année pour bien maîtriser la chose, mais j’ai eu la chance de pouvoir passer rapidement sur un genou électronique. Et aujourd’hui, je ne marche qu’avec une seule béquille. »
Il indique bénéficier désormais d’un genou bionique et cela lui change la vie. Extrait:
« Au départ, j’avais un genou mécanique. Comme son nom l’indique, il me permettait d’avoir un axe de marche, de plier et déplier. Aujourd’hui, j’ai un genou « bionique ». Pour faire simple, c’est comme si vous passiez d’une voiture sans direction assistée à un véhicule avec direction assistée. C’est donc plus souple, plus intuitif. J’ai un mode marche active, un autre pour faire du vélo, etc. C’est plus facile à apprivoiser.
Maintenant, je sais que c’est provisoire car tout dépend de l’évolution du moignon. Pour ça, les prothésistes doivent constamment modifier l’emboîture. Ce n’est pas forcément agréable car au début cette emboîture est en résine, ça rentre un peu dans l’aine et provoque de l’inconfort. Mais à terme, d’ici un an j’aurai une emboîture en silicone double peau qui sera moins douloureuse. En attendant, mon corps s’adapte. Je ne veux pas crier victoire, je ne suis pas encore en rémission. Mais ce que je sais, c’est que je me suis donné 300 % de chance pour que le cancer ne revienne plus et que tous les examens réalisés à ce jour soient parfaits. Évidemment, j’aurai une surveillance étroite tous les trois mois pendant plusieurs années, mais je suis dans l’optique de m’en sortir et j’avance tous les jours dans cette direction. »
Matthieu Lartot précise s’être longtemps préparé à cette amputation. Extrait:
« Vous savez, je crois qu’inconsciemment je m’étais préparé psychologiquement à ça. Depuis mon premier cancer, je savais au fond de moi que ce moment-là arriverait un jour. Ça n’a donc pas été si difficile. Certainement moins difficile pour certains patients que j’ai croisés au centre de rééducation. Eux se sont parfois réveillés amputés après un accident de moto. Ils n’y étaient pas préparés. Je ne veux pas passer pour le gars qui se la joue « super héros » car des mecs comme moi il y en a dans tous les centres de rééducation de France, mais j’ai le sentiment d’avoir franchi ce cap plutôt facilement. »
Il explique ensuite comment il a trouvé tant de courage durant cette période délicate. Extrait:
« Quand je suis arrivé au centre de rééducation, il y avait déjà trois personnes présentes suite à une amputation. Parmi celles-ci, il y avait Adama, amputé un mois avant moi. Et comme durant les 10 premiers jours, j’étais encore en période de cicatrisation, je ne pouvais rien faire mais j’ai beaucoup observé Adama. C’était une machine de guerre, je l’ai vu travailler, transpirer, s’envoyer. Je me suis dit dès que je serai debout, je vais me mettre dans sa roue. Et c’est ce que j’ai fait. Par moments, les kinés nous disaient de nous calmer. Mais il m’a vraiment tiré vers le haut. Je n’avais plus fait de sport avec cette intensité depuis plus de 30 ans. J’ai eu l’impression de revivre. Ça peut paraître con mais à terme, je vais faire des choses que je n’ai jamais faites dans ma vie. Ma prothèse est connectée sur une application que j’ai sur mon téléphone et je peux changer les modes directement sur l’application. Et grâce à ça, hier (mercredi dernier), j’ai fait du vélo d’appartement pour la première fois depuis 30 ans. Aujourd’hui, il me tarde déjà aller faire des balades à vélo avec ma femme et mes enfants. »
Il ne le cache pas : il a reçu énormément de soutien sur les réseaux sociaux. Extrait:
« Après l’annonce de la récidive de mon cancer, j’ai reçu des milliers et des milliers de messages. Évidemment, il m’était impossible de répondre à tout le monde individuellement, même si j’ai entretenu des échanges réguliers avec différentes personnes m’ayant contacté. J’ai donc décidé de faire un « post » par mois pour donner de mes nouvelles. Ça me permet de répondre de façon collégiale. Mais évidemment, il y a des choses qui relèvent de l’intime que je ne mettrai jamais sur les réseaux sociaux.
J’ai reçu des dizaines de milliers de messages après l’annonce de ma rechute. J’ai reçu de nombreux courriers aussi à France télévisions. C’est complètement dingue. J’ai été très touché. Évidemment, je n’ai pas pu répondre à tout le monde. J’ai eu des messages d’encouragements, mais aussi des messages plus poignants, plus difficiles à lire. Beaucoup de gens dans la même situation que moi, de parents dont les enfants avaient aussi un sarcome. C’est parfois bouleversant. J’ai essentiellement répondu aux gens qui sont confrontés à la maladie et qui sont dans le combat.
Le cancer a trop longtemps été une maladie taboue. Je vous rappelle que pendant des années, pour annoncer un décès, il y avait cette petite phrase maudite : « Monsieur ou Madame machin est décédé d’une longue maladie ». Heureusement, ces dernières années, la parole s’est libérée. Évidemment que le cancer est une épreuve terrible, mais on peut la traverser avec optimisme et espoirs. Je suis dans cette démarche depuis le début.
En fait, pour ces gens, il était important que quelqu’un donne de la visibilité à cette maladie. Mais pas seulement. J’ai souvent été remercié de parler du cancer avec une espèce de positive attitude. Non, le cancer ce n’est pas forcément la mort. Personnellement, je n’avais pas d’objectif quand j’ai pris la parole pour annoncer la récidive de mon cancer. Je voulais juste éviter que des conneries soient racontées si j’avais simplement dit que je me retirais de l’antenne pour plusieurs mois sans explication. Seulement, face au tsunami de messages, j’ai pris conscience que j’avais peut-être un rôle à jouer dans ce combat. »
Malheureusement, il s’est également rendu compte qu’il existe de grands problèmes d’accessibilité pour les personnes handicapées. Extrait:
« D’abord, je dois dire que je prends en pleine gueule les problèmes d’accessibilité dans notre société. J’ai toujours été handicapé depuis mon premier cancer, mais aujourd’hui encore plus. À un an des Jeux Paralympiques de Paris, notre pays est à la traîne pour permettre de vivre correctement avec un handicap.
La France a beaucoup de retard dans ce domaine. Prenons l’exemple du métro : à ma connaissance, seule la ligne 14 à Paris est adaptée aux personnes à mobilité réduite. Il y a aussi quelques stations ici ou là, mais c’est tout. Et encore, moi je pourrai descendre les escaliers, mais je pense aux personnes en fauteuil roulant. Là, c’est une autre histoire. Rendre Paris accessible à tous a été une promesse de la candidature de Paris à l’organisation des Jeux. On en est très loin. »
Dans les stades, les problèmes d’accessibilité sont également courants. Extrait:
« Je pense que je vais me retrouver parfois en difficulté car de nombreux stades ne sont pas adaptés aux personnes à mobilité réduite. J’ai pris récemment l’exemple du stade Mayol à Toulon. C’est le stade qui m’a le plus marqué. Déjà avant d’être amputé, avec ma jambe raide, j’avais des difficultés pour monter toutes les marches. Lors de la prochaine Coupe d’Europe, France Télévisions doit diffuser une rencontre du RCT. En l’état, je sais que je ne pourrai pas accéder à la tribune de presse. Mais il y a tellement de stades où tout est à faire… Malheureusement, c’est une problématique qu’on n’aborde jamais, mais à un an des Jeux paralympiques à Paris, c’est un vrai sujet de société. »
Aussi, Matthieu Lartot a expliqué que le parcours d’un cancéreux est très anxiogène. Il s’explique. Extrait:
« Tout est jalonné d’examens, de « pet scan », de scanner, de prises de sang quotidiennes… Et à chaque examen, l’attente… L’attente pour savoir si ça va, si ça ne va pas… On passe sa vie dans les hôpitaux. Ce n’est pas une vie normale. J’ai eu la chance d’être très entouré par les miens, mes parents, ma femme et mes enfants. Et par tous ces gens qui m’ont témoigné de leur soutien. Or, nombreuses sont les personnes à affronter la maladie toute seule. C’est dur pour elles. À chaque fois, j’ai répondu à ces personnes, jusqu’à entretenir des échanges très forts.
Jusqu’au moment où mon oncologue m’a dit : « Monsieur Lartot, il faut aussi penser à vous et vous protéger. » Je lui avais raconté les échanges que j’entretenais avec deux malades du cancer, malheureusement condamnées. Deux femmes admirables qui m’avaient demandé de continuer à donner de l’espoir. Depuis, l’une d’elles est malheureusement décédée. Voilà pourquoi j’ai aussi continué à communiquer sur mes réseaux sociaux. Parce que j’avais envie de donner de l’espoir aux gens qui se battent tout seul dans leur coin. Même quand on a un cancer rare, un sarcome agressif comme le mien, sept fois plus gros que celui traité trente ans plus tôt et diagnostiqué grade 3, on peut s’en sortir. Et ce fut d’autant plus facile pour moi que je n’ai eu que de bonnes nouvelles à communiquer. »
Dans la foulée, il indique n’avoir aucune pudeur par rapport à sa prothèse. Extrait:
« Je n’ai rien à cacher. Je suis en short toute la journée au centre de rééducation. Et demain, quand j’irai à la plage, je serai en maillot de bain. Je n’ai aucune pudeur par rapport à ça. Et si ça peut aider des gens à mieux vivre leur handicap, encore une fois, pourquoi devrais-je m’en priver ou me cacher ? C’est hors de question. Certains comme Théo Curin ou Philippe Croizon ont déjà cette démarche. Ces gens-là offrent de la visibilité au handicap et c’est tant mieux. Et si je peux faire partie de cette liste, si je peux contribuer à aider de par mon statut ou ma position, pour que d’autres vivent mieux le handicap, je le ferai avec grand plaisir. »
Pour conclure, Matthieu Lartot évoque son retour à France Télévisions pour le Mondial. Extrait:
« D’abord, c’est assez inespéré que j’en sois là physiquement. Au centre de rééducation, le personnel est estomaqué de la rapidité avec laquelle j’ai appréhendé la marche avec prothèse. J’ai quand même été amputé assez haut, ce qui, normalement, complique la reprise de la marche. Au départ, les prothésistes, les kinés étaient très prudents. Et finalement, tout se passe bien. »
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