La magnifique interview d’Eric Champ sur le Rugby Club Toulonnais

La magnifique interview d’Eric Champ sur le Rugby Club Toulonnais

Le lundi 10 juillet 2023 à 15:28 par David Demri

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Au cours d’une interview, l’ancien troisième ligne emblématique du Rugby Club Toulonnais, Eric Champ a tenu de très beaux propos via Midi Olympique.

A lire ci-dessous.

Il était comment Eric Champ petit ?

Petit ? Par l’âge oui, mais par la taille, pas sûr ! Il était sympathique pour ce qui est de la sympathie à Toulon ou à La Valette, à savoir la turbulence et les conneries. Il a commencé à jouer au rugby à la Coupiane. C’était un terrain prêté par La Valette. Mais j’étais turbulent, grand par la taille et je faisais des conneries mais c’est normal. Un minot de rugby fait des conneries.

Pourquoi le rugby ?

Le rugby était fait pour des gens comme moi. Le rugby car c’est un sport de combat, mon père y jouait, mon père l’entrainait. Parce que quand un jour tu vois le rugby à Toulon, au Stade Mayol, après il y a un seul chemin, c’est le rugby.

C’est possible de faire d’autres sports à Toulon ?

J’en ai fait plein de sports avec autant de passion comme de l’athlétisme et ça m’a beaucoup servi pour le rugby, j’ai fait de la voile qui reste une passion incroyable. Ce qui est merveilleux quand on est jeune, c’est de faire du sport. Si après on a la chance d’avoir une école de rugby, j’incite les parents que nous sommes à mettre leurs enfants au rugby car on l’a souvent dit : c’est une réelle école de la vie. L’éducation c’est de plus en plus compliqué et quand on mène nos enfants le mercredi au rugby, on ne sous-traite pas l’éducation mais on en apprend une. Je suis heureux que cette éducation perdure avec le respect de l’arbitre, de ses coéquipiers, des éducateurs. Sans les autres tu n’es rien ! Le rugby est collectif et c’est une belle éducation de savoir que nous avons besoin de tout le monde.

Vos premiers crampons et vos premiers maillots ?

Oui, je me souviens de mes premiers crampons. J’étais grand par la taille et donc par les pieds. Mon père était entraineur des cadets du RCT et il m’amenait avec lui à Mayol. Je voyais l’équipe première s’entrainait et à l’époque, les joueurs étaient chouchoutés. Il y avait un endroit magique et toutes les chaussures des maillots étaient cirées et les maillots bien rangés. Il y avait des odeurs énormes. Avant les ballons étaient en cuir et il y avait l’odeur de la graisse quand ils ciraient les ballons.

L’autre fois, on m’a montré une photo de l’école de rugby de Toulon. J’étais de La Valette et je pars jouer à Toulon car j’étais plus grand que les autres. Et sur une photo, on voit que l’on donne tous les maillots neufs aux Toulonnais, et moi qui venait de La Valette, on me donnait un maillot pourri. Je venais du petit club et ils m’avaient filé un maillot pourri (rire). J’étais fier de l’avoir ! Il n’était plus rouge mais rose et il n’était plus noir mais gris tellement il était usé. Mais ça reste un souvenir extraordinaire.

Le Stade Mayol représente quoi pour vous ?

J’ai été Toulonnais et je suis passionné par le Stade Mayol. Ca représente beaucoup, ça représente tout, même à 60 ans. Ca représente ma vie d’homme. On n’a pas très envie de regarder dans les rétroviseurs même si l’incinération est plutôt devant et pas derrière. Et qu’elle soit devant le plus longtemps possible. Mais oui, j’aimerais que symboliquement, avoir mes cendres dispersées un peu sur le Stade Mayol et un peu au large de Porquerolles. Je pense que c’est un bon choix.

Que dire du maillot Rouge et Noir sur vos épaules ?

C’est une belle histoire. C’est l’histoire formidable. Il y a peut-être, sûrement même, non pas de la poésie mais des choses qui se sont éloignées de la vérité. Je trouve que l’histoire est extraordinaire avec la création du club en 1908, les couleurs Rouge et Noir grâce à nos amis Toulousains. Est-ce que c’est vrai ou faux ? Certains m’ont dit que c’était faux car c’était Saint-Jean-du-Var qui était en noir, La Seyne était en rouge et bleu et donc on a fait un mixe des deux. Il avait peut-être raison. Mais l’histoire de ceux qui sont à la marine nationale, qui nous aident à démarrer ce club, qui rentrent chez eux car ils sont en permission et qui ramènent de Toulouse un maillot Rouge et Noir, je trouve que c’est une très belle histoire. Est-ce qu’elle est vrai ou pas ? Je ne sais pas mais j’ai envie d’y croire car elle me plait donc je continue dedans.

On a rencontré deux fois Toulouse en finale du Top 14 et on les a laissé gagner. C’est bien connu ! On ne pouvait pas battre les gens qui nous avaient donné nos couleurs. Puis le brin du muguet est aussi magique et celle-ci est complètement vraie avec Félix Mayol. C’était un mécène avant tous les autres. Il achète le Stade Mayol et il en fait cadeau au club de Toulon. Il portait en permanence ce brin de muguet sur sa veste et je trouve cela extraordinaire d’avoir ça sur le maillot. J’aime les histoires et pas seulement pour m’endormir (rire). Les deux histoires des couleurs et du muguet, elles me plaisent beaucoup.

Jouer ailleurs qu’à Toulon ?

Je ne me suis jamais posé la question. J’ai failli, j’ai beaucoup d’amis dans le monde du rugby. A un moment donné, avec mon amitié avec Serge Blanco, j’aurais peut-être pu aller à Biarritz. J’aurais aussi pu aller à Clermont. J’étais allé voir comment ça se passait, c’était au mois d’août. Mais quand j’ai débarqué à Clermont au mois d’août, ça m’a filé la migraine. Ici, il y avait le soleil et les cigales, là-bas, il y avait les murs noirs, les nuages, la pluie, le froid. Donc par politesse j’ai dit que c’était gentil mais que je voulais rester à Toulon. Je suis fait pour Toulon moi !

On dit qu’on en veut à Toulon ?

Ce sont des conneries énormes ! Quand il fallait qu’il y ait la castagne, ils étaient bien content qu’on soit là. On ne nous en veut pas mais on est les insulaires du rugby Français. On n’est pas très loin de l’Italie donc Latins. Et s’il n’y a pas de drame il n’y a pas d’histoire. Chez nous, il faut que ça gueule, que ça crie, que ce soit dramatique. De partout ailleurs en France ça se passerait normalement. Nous, on règle nos affaires en famille mais il faut qu’il y ait le drame en parallèle, le drame bonnard, comme on le voit à l’opéra. Mais degun ne nous en veut !

On craint degun à Toulon ?

On craint degun ! On a morflé peut-être plus que les autres. On a morflé beaucoup, mais on ne va pas porter plainte. Que nos anciens adversaires se rassurent, on ne va pas porter plainte. Il nous reste encore des neurones et on craint degun. Mais il faut leur expliquer qui est degun (rire). Degun c’est personne ! Mais on a morflé même si on craint dégun. Ceux contre qui on jouait étaient aussi très fort et ils ne craignaient degun aussi ! »

Faut-il un certain état d’esprit pour jouer à Toulon ?

Il faut le même que partout ailleurs. L’état d’esprit que nous avons à Toulon, il est poussé un peu plus dans un sens que dans un autre, mais c’est un sport de combat et c’est vrai que nous, on a peut-être un peu plus appuyé historiquement sur la notion de combat et de mêlée. Un mec qui fait un en-avant, ce n’est pas une belle action mais pas loin car derrière il y a une mêlée. Par contre si tu n’avances pas en mêlée, ça devient une faute grave. Il n’y a pas d’esprit particulier car Toulon a aussi été fait par des gens qui ne sont pas nés à Toulon. Tout le monde se met dans le moule et la castagne ça plait à tout le monde.

Avez-vous eu peur que l’âme Toulonnaise disparaisse sous l’ère Boudjellal ?

La peur, c’est pour les faibles. Moi, je n’avais pas peur. A un moment donné, moi le premier, on a pu se dire que les mecs qui venaient jouer à Toulon étaient des mercenaires et qu’ils venaient car il y avait du pognon. Mais quand tu vois ce qu’ils ont fait, la façon dont ils l’ont fait et l’état d’esprit qu’ils avaient, l’amour qu’ils ont reçu… Ils ont beaucoup donné donc ils ont reçu. Je ne parle pas du pognon mais de la relation avec le public. C’est quand même, avec du recul, de sacrés mecs ! Dans le lot, il y en aura toujours 10 ou 15% qui sont venus pour passer des vacances au soleil. Mais globalement, quand tu vois ce qu’ont fait les Wilkinson, Giteau, Botha, Van Niekerk et autres… Ils ont fortement contribué à l’image positive et différente de ce club.

Et de voir Bernard Laporte entraineur de Toulon ? 

Je pense que c’était son rêve ! C’est à lui qu’il faut lui demander. Il n’avait jamais gagné à Mayol et il devait se demander pourquoi on ne peut pas gagner à Mayol. Son apogée rugbystique, c’était sur un style de jeu qui ressemblait beaucoup à celui de développer le club de Toulon. C’était son rêve et je pense que le club lui a donné les moyens d’assouvir son rêve, à savoir avoir un paquet d’avant qui concasse tout le monde et des superstars qui mettent des essais magnifiques. Tu ne peux pas refuser l’évolution des choses. J’espère simplement, et ça n’a rien à voir à Bernard Laporte, que le rugby tiendra conscience des règles du football et qu’il ne faut pas aller trop loin. Mais pour l’état d’esprit, Laporte était très bien et je pense qu’il aurait dû rester là plutôt que de se faire casser la tronche à la Fédération (rire) !

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