Les confidences choquantes d’Alexandre Lapandry sur son mauvais traitement à Clermont

Les confidences choquantes d’Alexandre Lapandry sur son mauvais traitement à Clermont

Le mardi 6 décembre 2022 à 22:17 par David Demri

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Comme révélé en ce début de semaine, le troisième ligne international Français Alexandre Lapandry a été contraint de mettre un terme à sa carrière sportive en raison d’un trop grand nombre de commotions cérébrales.

Selon le joueur Auvergnat, son club n’a pas pris soin de sa santé comme il aurait dû le faire.

Et pour cause, Alexandre Lapandry a été victime d’un AVC du cervelet en décembre 2020, deux mois après avoir contracté une sérieuse commotion cérébrale.

Incapable d’effecteur son retour à la compétition, le joueur Clermontois a été poussé doucement mais sûrement vers la sortie par son club.

Ce-dernier a donc décidé de déposer quatre plaintes envers l’ASM.

Il s’est longuement confié via L’équipe. Extrait:

« Si je ne parle pas, qui d’autre va le faire ? L’ASM a voulu faire passer le financier avant ma santé.

Pendant ces longs mois, j’ai fait tout ce que j’ai pu pour me soigner et aujourd’hui, je sais que je ne jouerai plus au rugby, que ma carrière est terminée. Cela a été difficile et douloureux mais ma priorité est devenue ma santé. Je peux désormais partager la nature exacte de ma blessure, annoncer publiquement que j’ai été déclaré inapte puis licencié par mon club il y a quinze jours, et que j’ai décidé de porter plainte. Parler de tout ça n’est pas une chose facile pour moi qui suis de nature pudique, mais je tiens à le faire pour qu’il y ait une prise de conscience collective sur le sujet de la santé des joueurs. J’ai eu le sentiment de ne pas avoir été suffisamment suivi après ma blessure, que des personnes au club ont fait passer le financier avant la santé, et je veux le dire pour que les générations futures puissent mieux se protéger. C’est une évidence mais la santé n’a pas de prix. »

Il revient en détails sur les faits. Extrait:

« Après le choc à la tête subi contre le Stade Français, j’ai été arrêté trois semaines, selon le protocole, car c’était ma deuxième commotion en moins de douze mois. Après avoir validé les paliers d’entraînement sans contact, j’espérais être retenu contre Castres mais dès le premier choc, à l’entraînement, j’ai ressenti le même ébranlement qu’un mois plus tôt, une sensation de vertige. Je l’ai immédiatement signalé et j’ai arrêté l’entraînement. À partir de là, tous les symptômes qui avaient disparu sont réapparus : maux de tête, vertiges… Je n’étais vraiment pas bien.

J’ai repris le protocole de retour au jeu à zéro, et après validation par le staff médical de l’ASM, j’ai pu reprendre les contacts le 14 décembre (malgré un arrêt de travail qui courait jusqu’au lendemain), dans l’optique de jouer contre le Munster le week-end suivant. Le matin du 14, à l’annonce de l’équipe, je devais être capitaine mais l’après-midi, sur un plaquage lambda, comme j’en ai fait beaucoup, j’ai eu la sensation que ma tête heurtait un bloc de béton en touchant la cuisse d’un coéquipier. J’ai eu la tête qui tournait. Une sensation d’ébranlement anormale. J’ai arrêté immédiatement. Je suis allé voir le coach dans son bureau : « Je n’ai jamais triché Franck (Azéma) mais là, il y a quelque chose de pas normal dans ma tête. »

Il énumère alors les symptômes ressentis. Extrait:

« Beaucoup de pression dans le crâne, des maux de tête permanents, des vertiges, une hypersensibilité à la lumière. Et, surtout, un gros mal-être. Je ne maîtrisais plus du tout mon cerveau, ni mon comportement… J’en ai fait part au staff médical de l’ASM à plusieurs reprises mais j’ai eu l’impression qu’on ne me prenait pas au sérieux. Les médecins associaient mes symptômes à une dépression, liée à la récente disparition de mon papa. Cela m’a dévasté car, au contraire, après son décès (en juillet 2020), j’avais repris avec beaucoup d’envie, en pleine forme, heureux d’avoir été désigné capitaine. Aujourd’hui, deux ans après, je le dis : le deuil et les symptômes post-commotionnels, cela n’a rien à voir. Je peux comprendre qu’on cherche des explications mais j’ai quinze ans de club, je ne me suis jamais trop écouté et là, je leur disais : « Il m’arrive quelque chose de très grave. »

Une dizaine de jours après ce dernier entraînement, le 23 décembre en rentrant chez ma maman pour Noël, j’étais très mal. Désespéré et surtout esseulé. J’ai alors appelé amicalement Jean Chazal, un neurochirurgien retraité (qui a suivi les joueurs de l’ASM il y a quelques années), pour obtenir de l’aide. Je lui ai décrit mon état, le lien qui était fait avec le deuil. Il m’a dit : « Non, c’est grave, et ça n’a rien à voir avec ton papa. » J’ai passé une IRM en urgence. Les médecins du club ne me l’avaient jamais proposé. Je leur ai réclamée. »

Le verdict est alors tombé. Extrait:

« Quand la radiologue m’a dit que j’avais un caillot de sang dans le cerveau, que j’avais fait un AVC, cela ne m’a pas étonné. Pire, je me suis senti soulagé. J’avais enfin un diagnostic précis, en rapport avec le caractère anormal et persistant des troubles que je ressentais. À partir de là, mon problème vasculaire a été très bien pris en charge au CHU de Clermont-Ferrand ; c’était purement traumatique et pas dû à une cause congénitale ou une anomalie quelconque comme certains ont pu le laisser entendre. J’ai passé cinq mois sous anticoagulants, avec des prises de sang toutes les semaines. »

Selon lui, les dirigeants Clermontois ont alors tenté de mentir. Extrait:

« Quand ils se sont aperçus de la réalité et de la gravité de ma blessure, ils ont essayé de donner une version qui n’était pas exacte. Début janvier, ils ont voulu diffuser un communiqué que j’estime mensonger (Il montre un extrait, sur son téléphone) : « Bien au-delà du protocole (de prise en charge des commotions cérébrales), les médecins clermontois ont, à l’écoute du ressenti du joueur, cherché à pousser les investigations en pratiquant une IRM […]. De façon inattendue et sans lien avec le diagnostic initial, les images ont montré une anomalie d’un vaisseau sanguin du cou, dont les conséquences auraient pu être dramatiques si elle n’avait pas été diagnostiquée et prise en charge… » Je me suis opposé à cette publication, j’étais abasourdi. Franchement, j’aurais pu accepter que le staff médical se trompe sur la gravité de ma blessure et je pense que je n’aurais pas porté plainte pour ça. Mais qu’ils essaient de s’en sortir en racontant des choses fausses, c’est inacceptable. La façon dont les dirigeants ont agi par la suite aussi.

En janvier et en mars 2021, lors de deux rendez-vous, le président du club Jean-Michel Guillon, quand je lui avais dit que je ne pouvais pas décider d’arrêter ma carrière sans être allé au bout de mes soins, m’avait apporté sa confiance en me disant que le club ne me laisserait jamais tomber. J’étais content, je l’ai cru. En mai, à la fin de mon traitement à base d’anticoagulants, j’avais toujours des symptômes mais j’ai bien vu que les démarches administratives allaient bien trop vite alors que je n’avais eu aucune discussion collégiale avec les médecins du club. J’ai dit au président que je voulais les voir, avec le neurochirurgien de l’ASM, pour faire un point avec eux. Leur dire, aussi, qu’il me restait beaucoup de symptômes. »

Il regrette que personne n’ait voulu protéger sa santé. Il raconte surtout comment sa licence a été suspendue par la FFR.  Extrait:

« J’aurais vraiment aimé que l’on se mette tous autour d’une table afin de protéger ma santé, mes intérêts et ceux du club. Un accord aurait vite été trouvé… Le président a donc convenu d’un rendez-vous avec les médecins du club. Leur avis était de ne pas me laisser continuer le rugby. Pour eux, le risque était trop grand. Je l’entends et je comprends aussi qu’ils aient transmis mon dossier à la commission médicale de la FFR pour solliciter un avis supplémentaire, afin que je prenne la bonne décision. Avant de décider l’arrêt de ma carrière, j’avais besoin de mesurer tous les risques. Il me restait deux ans de contrat, il n’y avait aucune urgence. Sauf que le soir-même, j’ai reçu un e-mail de la FFR : « Votre licence est suspendue avec effet immédiat. » Sans consultation médicale de la Fédération. Dessous, il y avait un petit mot : « Merci pour ce que vous avez fait pour le rugby français. » »

Il affirme avoir été humilié. Extrait:

« J’étais vexé, humilié. Plus de licence et l’ASM qui n’a pas eu un mot. Aucune nouvelle pendant trois semaines. C’est le moment le plus indigne que j’ai eu à vivre. À la remise officielle des maillots pour les joueurs partants, je n’ai pas été convié. Je n’en faisais donc pas partie ? Je ne sais pas. Le premier contact avec le club fut un appel du directeur financier : « On a vu que ta licence est suspendue, on veut te voir pour un licenciement. » Il m’a dit qu’il n’y avait plus de poste pour moi dans le club. Qu’il allait m’envoyer ma simulation de chômage pour le mois de juillet alors qu’il me restait deux ans de contrat et que mon état n’était pas consolidé, loin de là. Tout ça pour des histoires de salary cap j’imagine. Cela m’a semblé incroyable. »

Dans la foulée, il a décidé de passer à l’offensive. Extrait:

« Ce n’était pas mon intention au départ. Je voulais juste continuer à me soigner et c’est ce que j’ai fait, à ma charge. À côté de ça, j’ai eu le sentiment à plusieurs reprises que l’ASM essayait de me piéger, pour casser mon contrat. En octobre 2021, ils ont mandaté un médecin-contrôleur chez moi pour vérifier que mon arrêt de travail était bien justifié… Ils m’ont aussi proposé un poste d’entraîneur de la touche alors que je n’étais pas capable de travailler ; mon licenciement pour inaptitude à tout poste l’a d’ailleurs confirmé. Le président Guillon a écrit à l’Ordre des médecins du Puy-de-Dôme pour remettre en cause mon arrêt pour accident du travail. J’ai vécu tout ça comme un acharnement et j’ai eu la conviction que l’aspect financier avait pris le dessus sur ma santé, alors que j’aurais pu mourir sur un terrain et que j’aurai des séquelles à vie.

Je me suis senti abandonné ; pendant deux ans, j’ai volontairement disparu des radars pour protéger ma santé, mon club, mes coéquipiers. Les supporters, les anciens avec qui je buvais une bière après les matches n’ont plus eu de nouvelles mais je ne les oublie pas. Même si je ne pourrai pas fêter mes adieux avec eux, mettre les crampons et fouler Michelin une dernière fois, je leur serai toujours fidèle. Le rugby est un sport magnifique. »

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