Gabin Villière : « Je suis prêt à laisser un bras ou une jambe sur le terrain »
Gabin Villière : « Je suis prêt à laisser un bras ou une jambe sur le terrain »
Le jeudi 26 mai 2022 à 16:34 par David Demri
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L’ailier international Français du Rugby Club Toulonnais, Gabin Villière s’est longuement confié lors d’un entretien accordé au Midi Olympique.
Ce-dernier est revenu sur sa carrière, son envie de gagner, sa carrière internationale et son amour pour le rugby.
A lire ci-dessus.
C’est qui Gabin Villière ?
C’est un jeune Normand né dans le Calvados. Je suis quelqu’un de gentil, j’apporte beaucoup d’importance aux relations humaines et c’est pour cela que ce sport m’a attiré par ses valeurs et sa ferveur.
Quand, où et pourquoi as-tu commencé le rugby ?
A 6 ans j’étais très actif et mes parents avaient besoin de me canaliser. La ville proposait pas mal de pratiques et je suis tombé sur le rugby. Il y avait des entraineurs très simples et joyeux, j’ai trouvé une bande de potes incroyable et depuis je n’ai plus décroché.
Quelle est la définition d’un vestiaire de rugby pour toi ?
C’est une bande d’amis, ça ne sent pas très bon mais il y a beaucoup d’amitié et de liens entre les mecs.
Pourquoi y a-t-il ce besoin de se toucher et de se sentir dans un vestiaire ?
On a besoin de savoir qu’on a du monde avec nous car on aura 15 mecs en face qui vont être acharnés. On a besoin de se sentir épaulés et qu’il y aura les mecs à côté. C’est important avant le match de se sentir et de savoir qu’on ne sera pas seul, qu’on sera plusieurs et que tout le monde a envie d’y aller et de se faire mal.
Es-tu réceptif au discours du coach, du capitaine ?
Oui, je bascule pas longtemps avant le match. A partir du moment où je sors du vestiaire pour l’échaiffement et avec ce discours d’avant match, je suis à 400% dans la rencontre. Cela me transcende et ça me fait bien monter jusqu’au coup d’envoi. Même en Fédérale 2B, à partir du moment où il y a une bande de potes et un ballon de rugby, je bascule et j’ai envie de montrer qui je suis, j’ai envie de m’y filer tout simplement.
As-tu déjà eu peur sur un terrain de rugby ?
Je pense que j’ai peur avant d’entrer sur le terrain, souvent. Je sais pas si c’est de la peur ou du stress, mais c’est du stress ou de la peur positive. J’ai de l’appréhension, de savoir ce qu’il va se passer, savoir si on va se blesser car l’engagement est total et il n’y a pas de retour en arrière. A partir du moment où on rentre sur le terrain, c’est le feu pendant 80 minutes.
Les avants et les trois-quarts jouent-ils le même sport ?
Non. Derrière, si on avait des mêlées et des touches, ce serait impossible.
Chambres-tu un peu les avants ?
Non, je les respecte beaucoup car ils font un boulot exceptionnel et dans l’ombre. On ne les met pas souvent en lumière alors qu’ils fournissent un travail dans les mêlées, en touches et dans les zones de rucks. Chapeau à eux !
Aurais-tu aimé jouer pilier ou chez les avants ?
Un pilier je ne sais pas. Mais je pense que ça m’aurait plu de jouer devant. Mais je suis très bien derrière avec un profil un peu chiant à jouer et un peu différent. Cela me va très bien d’être derrière et d’avoir ce profil.
Penses-tu que tu es en train d’inventer un nouveau poste ?
Je ne sais pas si j’invente mais c’est quelque chose qui me ressemble et j’ai la chance d’avoir trouvé un poste qui me correspond car avec un gabarit un peu normal dans le rugby moderne, ça aurait été dur de trouver un poste.
Avoir été refusé pour les stages de détection a-t-il été une source de motivation ?
Oui. Ca n’a pas été un échec pour moi mais ça a été dur car quand on est jeune on rêve de cela et de toucher un gros club. Mais Rouen m’a appelé rapidement même si c’était pour de la Fédérale 1. A partir de là, je me suis lancé dans ce projet à 200% sans penser aux refus. Je voulais continuer ma route et prendre du plaisir. Je voulais progresser et avancer car j’avais ce besoin de faire du rugby mon métier.
Mais non, je ne leur en veux pas. Je les remercie car s’ils m’avaient pris je n’en serais pas là aujourd’hui. Donc je les remercie tous et je peux te dire qu’ils sont nombreux à ne pas m’avoir pris (rire).
La comparaison avec Christophe Dominici te flatte-t-elle ?
J’étais fan de lui, c’était l’une de mes idoles avec Vincent Clerc. J’avais le même type de profil plus jeune car j’étais petit et maigre, on me disait que ce n’était pas possible et que je n’étais pas capable. Ca a donc été un peu plus dur pour moi que pour d’autres en raison de mon physique. Dominici m’a beaucoup inspiré et m’a montré que l’on pouvait réussir même en étant un peu différent. J’arrive à le montrer aujourd’hui.
Ton casque est là pour te protéger les oreilles ou c’est un ordre de ta mère ?
C’est un conseil de ma maman après un match où j’ai pris un KO. Elle m’avait apporté un casque et je me suis senti bien. Je me sentais plus protégé. C’était un conseil de maman.
L’oreille en chou-fleur c’est la légion d’honneur du rugby ?
Pour les avants oui, c’est une grande fierté pour eux. Des fois ça n’arrête pas de grossir et certains n’arrivent même plus à entendre tellement que ça grossit et qu’ils ont les oreilles en chou-fleur. C’est impressionnant.
C’est jouissif de mettre un tampon ?
Oui, c’est bien car ça reste un sport de combat collectif. C’est jouissif car ce n’est pas tout le temps. C’est assez compliqué dans le rugby moderne de mettre un tampon. C’est de plus en plus compliqué.
Comment on réagit quand on prend un tampon ?
On essaye de vite se relever, de montrer que ça va et qu’on n’a pas mal même si au fond on est brisé en deux. On se doit de ne pas le montrer et de ne pas montrer aux autres qu’on a mal car ça peut être un boost pour les adversaires qu’ils ont réussi leur coup. Il faut faire la poker face.
Quel est le plus beau geste au rugby ?
J’aime beaucoup le grattage. C’est très compliqué. Il y a toujours des situations qui peuvent être limites. Mais c’est quelque chose que je trouve stimulant, beau et dur à réaliser. On est dans le contact, dans le combat et on essaye de récupérer le ballon au milieu de tout cela. Ce n’est peut-être pas le plus beau geste pour tout le monde mais je trouve que c’est le geste le plus impressionnant.
Que préférés-tu : un bon grattage ou un essai ?
Un bon grattage. C’est dur à dire pour un ailier, certains ne vont pas être d’accord mais ça sert autant qu’un essai. Tout le monde est capable d’aplatir un essai, qu’on mette un ailier ou un pilier, il est capable d’aller au bout. Le grattage, c’est quelque chose qui me correspond même si j’adore plonger pour marquer un essai.
Travailles-tu tes plongeons lors de tes essais ?
Je saute pour éviter les cagades, je garde le ballon sous le bras. Je ne fais pas des plongeons à la Ashton mais j’essaye de sécuriser et de prendre du plaisir que ce sont des temps très courts. Il faut savoir savourer.
47 en pointure, est-ce compliqué quand on flirte avec la ligne de touche ?
C’est un peu compliqué parfois, il faut faire attention. Mais c’est assez rare. Je ne sais pas comment c’est arrivé. Quand j’étais jeune et alors que je faisais 1 mètres 65, j’avais déjà des grandes mains et des grands pieds. Je pesais 60 kilos. Heureusement ça a arrêté de grandir et le reste a pu grandir. Mais ce n’est pas une contrainte au quotidien. Je fais avec et je me suis habitué à cela. Je n’ai pas une course très élégante mais j’arrive quand même à courir vite et c’est le principal.
Tu as dit avant le match contre l’Irlande : « Je vais être là, la guerre je vais l’animer ». C’est ta manière de te motiver ?
Ca représente qui je suis et mon état d’esprit. C’est bien de pouvoir l’évacuer et de le faire ressentir aux gens. J’essaye de montrer cela par les actes et mon attitude. Mais c’est assez rare que je m’exprime comme ça. Ce sont des choses que je ressens.
Comment ont réagi les autres dans le vestiaire ?
Fabien Galthié m’a dit que j’allais tomber face à cet ailier Irlandais et que ça allait être un chien car c’est quelqu’un de très dur, j’ai donc répondu qu’on allait très bien s’entendre. C’était pour détendre ce moment solennel et pour montrer au groupe que j’allais être présent.
D’où vient cette détermination ?
Il a toujours fallu que je me batte pour avoir la moindre miette. Mon gabarit ne correspondait pas, que c’était toujours compliqué. Je me suis toujours accroché à cette envie d’en faire mon métier, de le vivre pleinement, de faire du rugby tous les jours, d’apprendre tous les joueurs, de m’améliorer. J’ai toujours voulu du rugby et du rugby.
La phrase « aller à la guerre » n’est-elle pas déplacée de nos jours ?
Si, surtout en cette période un peu plus compliquée. C’est un peu dur. Il faut parler davantage de la notion de combat dans les rucks et de combat collectif. La guerre, c’est peut-être un peu trop.
Es-tu un chambrer sur le terrain ?
Sur le terrain non. Avant et après oui. Mais une fois que je commence l’échauffement, c’est terminé. J’ai besoin de sentir les relations avec les mecs de l’équipe. Mais je reste focus sur un état d’esprit un peu fermé et focus.
Et quand tu te fais chambrer, tu réagis comment ?
Je n’aime pas ça. Je déteste ça. Ce sont des choses qui m’énervent. J’ai l’impression, à tort sûrement, qu’on ne me respecte pas et j’ai du mal à supporter même si ce n’est pas méchant. Ca m’embête et ça me rappelle par où je suis passé.
As-tu des exemples ?
Il y a des joueurs qui aiment bien chambrer. Parfois c’est bon enfant et drôle mais parfois c’est très sérieux… Quand on touche à la famille… On sait qu’il ne faut pas répondre et ce genre de mecs attendent que l’on réponde physiquement pour faire basculer le match. Donc il faut garder ses esprits. Ce sont des choses qui énervent et qui agacent.
Qu’as-tu ressenti lors de ta première sélection au rugby à VII puis à XV ?
A VII déjà c’était incroyable car c’était un univers que je ne connaissais pas. J’avais du mal à comprendre que j’y étais, que je jouais pour l’équipe de France à VII. C’était une grande fierté, un moment incroyable et ça a alimenté mon envie d’aller chercher plus loin. C’était un Tournoi Européen et je voulais aller chercher des échéances mondiales, de gros tournois et l’envie c’était d’être le meilleur, d’apporter le plus possible à l’équipe de France et aller chercher des titres. Cet engrenage fait que tu as toujours envie d’aller chercher plus. C’était pareil avec l’équipe de France à XV. Rien que d’être dans le groupe c’est incroyable, tu as envie de basculer dans l’équipe puis ensuite de gagner et d’aller chercher des titres. Tu as toujours envie d’aller chercher plus.
Le VII a-t-il été déclencheur, une bénédiction ?
Ca a été un accélérateur par rapport à ma formation. J’avais beaucoup de retard par rapport à des mecs qui avaient suivi un parcours classique avec un centre de formation. J’avais un ou deux entraînements par semaine seulement. Donc ça a été un accélérateur technique, physique et mental.
Avais-tu la conviction que tu allais devenir un très bon joueur de rugby ?
La conviction non, le rêve oui. Je rêvais de cela et j’aurais tout fait pour y arriver et me donner les moyens. La conviction non, c’était plus un rêve. Ma vie est tournée autour de cela et j’ai envie de vivre pleinement les choses car le temps passe vite et après il est trop tard. Même si ça a été dur, je ne voulais pas lâcher.
Se sent-on investi d’une mission quand on porte le maillot de l’équipe de France ?
A partir du moment où je porte un maillot et que je représente une équipe, un groupe ou une nation, l’envie est toujours la même, j’ai toujours cette hargne et cette envie de sortir du match lessivé, savoir que j’ai tout donné, que je n’ai rien à regretter et je peux être fier de moi. Peut être encore plus avec l’équipe de France car on se sent encore plus soutenu. C’est quelque chose de grandiose à vivre qui te booste au quotidien. Peu importe le maillot, je suis prêt à laisser un bras ou une jambe sur le terrain.
C’est quoi le plus important : le respect ou gagner par tous les moyens ?
La gagne. En tant que compétiteur, j’ai besoin de gagner. Je joue au rugby pour gagner et pas juste pour être sur le terrain. L’objectif c’est d’aller chercher des titres et des phases finales, des sensations encore plus puissantes qui t’amènent à te découvrir, te dépasser, te surpasser. Les sensations sont incroyables.
Sais-tu que tu n’as plus le droit d’être un joueur moyen ?
Je sais que sur l’engagement, je ne mentirais jamais. C’est quelque chose qui est très importante. Ce n’est pas facile car le corps subit semaine après semaine. Parfois, ça nous arrive de jouer blessé. Malgré tout on va chercher des prestations et on donne tout pour l’équipe. C’est impossible d’être moyen. Je me remets en question toutes les semaines pour être meilleur.
Comment réagit-on quand un entraîneur est licencié ?
On se dit qu’on a manqué quelque chose. C’est dur car c’est un sport collectif donc ça ne dépend pas que de soit mais on se remet en question, on se demande ce que l’on a fait de mal. Il y a une remise en question dans le groupe car ce genre de chose, ça arrive rarement et je ne souhaite à personne que ça arrive. Patrice Collazo est un mec top et humainement, c’est dur de le voir partir. Derrière, on a la chance d’avoir Franck qui arrive et c’est un mec super. Mais humainement, c’est dur Pour l’aspect sportif, on a rien à dire, ce n’est pas notre choix.
As-tu ressenti une fierté des supporters Toulonnais à ton retour d’équipe de France ?
On se sent investi d’une mission à l’échelle internationale. On sent qu’il y a un peu plus d’attention sur nous et on attend toujours plus de nous. Ça rend fier les supporters et ça fait plaisir.
Comment gère-t-on la pression des résultats ?
On doit être animé par ça tous les weekends, on doit se remettre en question, vouloir gagner. On arrive sur les matches des phases finales et après des mecs se barrent. Il faut prendre du recul et se rendre compte qu’à la fin il peut y avoir quelque chose de grandiose à faire.
Comment as-tu vécu le geste de Jordan Michallet, ton ancien coéquipier de Rouen ?
On se pose beaucoup de questions, on se demande les raisons pour lesquelles ça a pu arriver, surtout quand on sait le mec que ça a été. C’est dur, tu te poses beaucoup de questions, tu prends davantage soin de ton entourage et tu regardes autour de toi pour détecter des signaux, de réfléchir à plein de choses pour éviter ce genre de situations. Mais c’est dur et on ne comprend pas.
Si toi tu pars dans cette spirale, en parleras-tu ?
Oui, j’espère que j’y arriverais car c’est important de pouvoir compter sur les gens qui nous entourent. Je pense que je le ferais oui car ça peut régler des choses.
Aurais-tu aimé connaître le rugby d’avant ?
Non. Ce n’était pas le même sport. Ca devait être plaisant mais ce n’était pas les mêmes règles donc non. Déjà aujourd’hui c’est très dur et les mecs sont plutôt costauds, mais il y a moins de gestes vaches. C’est bien que ce soit cadré par l’arbitre et la vidéo.
Pourrais-tu arbitrer ?
Ca me plairait et je pense que c’est très dur car il y’a tellement de choses à regarder. Je les félicite ceux qui arbitrent tous les weekends en Top 14. Il y a 30 mecs sur un terrain, il se passe des choses de partout. Je pense que c’est très dur et il faut respecter les arbitres.
Es-tu superstitieux ?
Non, je mets du temps à basculer avant un match, je bascule juste avant l’échauffement. Tout ce qu’il y a avant, ce sont des moments où je me détends un peu et me calmer. Je ne fais rien de superstitieux.
Qu’aimerais-tu qu’on dise de toi à la fin de ta carrière ?
Pas forcément que j’étais le meilleur mais que j’étais différent.
Est-ce usant et fatiguant de répondre aux jugements des journalistes ?
Non, tout le monde parle ! Si on fait un bon match tout le monde t’adule si tu fais un mauvais match tout le monde te tombe dessus. Il faut s’habituer à cela, connaître le contexte.
Les mauvais résultats du XV de France ces dix dernières années t’ont-ils impacté ?
C’était très dur car j’étais supporter de l’équipe de France. Gagner un match c’est bien mais l’objectif c’est de décrocher des titres. C’était une période compliquée et on se disait que ça allait être très compliqué avant les matches. Les mecs ont pourtant tout donné pour l’équipe de France et ça a dû être une période très compliquée à vivre pour eux. Je ne pense pas qu’on puisse leur cracher dessus ou leur casser du sucre dessus. Ils ont fait beaucoup de sacrifices sans rien avoir derrière. Nous, on sait la chance que l’on a d’être là aujourd’hui et de pouvoir rivaliser avec les meilleures nations.
As-tu une chose à nous confesser ?
C’est le seul sport de combat que je kiffe et c’est super de pouvoir se battre les uns pour les autres dans les règles. C’est quelque chose qui anime beaucoup de gens et il faut garder cela car ça fédère beaucoup de gens.
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9 Commentaires
Pépé le Moko..
Attention aux joueurs du Lou
( ivaldi par exemple) etc ils aiment bien défoncer les autres …
Pas de blessés demain soir (◠‿◕)
J’aurais aimé que tu connaisses Dany le rouge dans un vestiaire de Mayol. T’aurais été une météorite, sur le terrain. Tu est le 11 de Mayol, comme Christophe, Jehl, Bryan. Merci à toi
Non, Gabin ne laissera pas un bras ou une jambe au vélodrome, mais il laissera surement deux ou trois essais dans l’escarcelle du RCT.
Allez Toulon!
Quel etat d’esprit, quelle humilité et surtout il ne crache pas dans la soupe….. Certain sur ce site devrait en prendre exemple
Un gars bien tout simplement avec les valeurs de ce sport tellement beau. Merci Gabin de porter nos couleurs si fièrement. Tous derrière vous ce soir. Allez Toulon !!!
Un très très grand bonhomme !.. Chapeau bas , Mr Villières !.. RESPECT !..
Merci @David de lui avoir fait ce grand honneur , à notre Gabin !.. Je savais que tu n’oublierais pas non plus de l’effectuer !.. Il le mérite tellement .
il a laissé une cheville du coup