Des joueurs sans contrat attendent que le téléphone sonne
Des joueurs sans contrat attendent que le téléphone sonne
Le mercredi 22 août 2018 à 17:55 par David Demri
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Après deux mois de repos, la saison ovale reprend. Avec elle son lot de joie, d’essais, de caramels… et d’oubliés. Ceux que le rugby professionnel a laissé sur le bord de la route. Ils sont parfois champions de France, internationaux ou à peine sortis de l’adolescence. Et ils sont confrontés à une dure réalité: celle du chômage. Rencontre avec les oubliés de ce rugby pro.
C’est une longue liste d’aspirants que Provale, le syndicat des joueurs rugby, a établi. 46 noms, et autant de joueurs à la recherche d’un contrat. Parmi eux? Craig Burden, Akapusi Qera, Charles McLeod ou Paul Perez. Des joueurs étrangers et reconnus, victimes indirectes de la politique des JIFF (Joueurs Issus des Filières de Formation, NDLR). Côté tricolore? Des dizaines de joueurs dont Romain Martial, Charles Geli, ou encore Paul Couet-Lannes.
Romain Martial, champion avec Castres en 2014 et aux portes du XV de France il y a quelques saisons seulement résume ce sentiment délicat: « forcement, j’ai envie que le téléphone sonne et qu’on me dise «j’ai un truc pour toi». Mais ça n’arrive pas. » Il ajoute, sans nostalgie, « je ne sais pas trop ce qui me manque le plus. J’avais un peu de lassitude en fin de saison dernière. Pendant un mois, ça été dur: je voulais rester en forme, et j’étais encore dans le rugby. Aujourd’hui il me manque quelque chose. Tu te dis : «putain, j’y suis plus»… »
Et quand, parfois, ils ont annoncé une retraite prématurée, la reprise du championnat donne un relief un peu triste à cette nouvelle réalité… « Forcément, quand on a encore la forme et l’âge, on se pose la question de reprendre », explique Charles Geli. Déçu du rugby professionnel à seulement 31 ans, et après 6 saisons à Montpellier, le talonneur ne serait désormais plus contre un dernier défi. « Ça n’est plus un objectif… mais si l’opportunité se présente, ça serait vraiment bien ».
« Il n’y a pas qu’une histoire d’argent »
Pour comprendre comment ils en sont arrivés là, chacun y va de son explication. La faute à de nouvelles pratiques contractuelles, à une approche plus mercantile et libérale du rugby, aux blessures, aux incompréhensions, aux incompatibilités entre les hommes. « Le chômage, ça ne m’était jamais arrivé, explique Charles Geli. Mais sur les deux ou trois dernières années, ça arrive de plus en plus. Parce que même s’il reste des années de contrat aux joueurs, on ne sait jamais, maintenant« . L’ancien talonneur de Montpellier sait de quoi il parle: lui-même a quitté le MHR sans aller au bout de son engagement.
Autre explication apportée cette fois par un agent sportif: il faut parfois « dégraisser« . Salary Cap et objectifs élevés obligent. « On parle de virer des joueurs pour faire des économies. Mais il n’y a pas qu’une histoire d’argent. Regardez avec Charles McLeod au Stade Français. Le club a préféré se séparer d’un joueur jugé coûteux… mais pour derrière dépenser des sommes extravagantes sur des grands noms. »
Reste un point, parfois tabou. La faute des joueurs eux-mêmes. Un second agent sportif confie que « les joueurs préfèrent parfois toucher l’aide de pôle emploi après un gros contrat que de prendre le risque de perdre beaucoup d’argent avec une signature plus modeste« . Calcul simple. Et peut-être compréhensible au regard de la fugacité de la carrière.
Pôle emploi: « On ne connait pas tout ça, c’est pas très joyeux »
Reste ce retour à la réalité. Sans emploi, il faut se lancer dans les mêmes démarches que les autres salariés. Un nouvelle vie parfois dure à appréhender. « J’ai été soutenu par Provale, raconte Geli. Notamment pour m’inscrire à Pôle Emploi. Et heureusement parce qu’on connait pas tout cela. C’est pas très joyeux. Ça m’a fait un peu bizarre. C’est une sensation étrange. Après c’est le même lot pour tout le monde ».
Romain Martial, lui aussi, a vécu ce saut dans le vide: « je n’avais jamais connu ça. C’est ça le plus dur à gérer. Parce que tu ne connais rien à tout ça. Même l’inscription à Pôle Emploi. C’est tout un tas de question ». Comme si une partie de l’ancien ailier du CO avait déjà renoncé, il ajoute, « j’ai une famille: je suis obligé d’être à 200% dans ma reconversion ».
« Je n’attends pas la blessure mais s’il y a un blessé, je peux être là »
S’ouvre alors l’inconnu. Le vide et l’attente. Celle d’un coup de téléphone, d’une rencontre, d’un rendez-vous qui ferait tout basculer. Le tout, sans vraiment y croire. Être prêt, juste au cas où. Et pour ça, continuer à s’entretenir, l’air de rien. À l’image de Charles Geli: « On sait jamais. Il faut garder une base physique et après on la peaufine. Inconsciemment, on s’entretient toujours. J’ai besoin de sport, tout le temps. Alors je fais un peu de tout. Du vélo, que ce soit du VTT, du vélo de route. Et un peu de musculation. Mais surtout du renforcement« . A-t-il peur d’un retour sans préparation? Pas vraiment. « Ça ne me fait pas peur de ne pas avoir fait de prépa. Parce que souvent à la fin de l’été, j’étais fatigué. Ils nous tiraient à bloc. C’est sur que ça ne sera pas la même chose. Mais si on se met 15 jours à fond, ça revient vite ».
Et si Provale se bat pour tenter de trouver un moyen plus simple d’intégrer ces joueurs aux effectifs, même de dehors des périodes de mutations, la solution pour retrouver un emploi est cruelle: attendre la blessure grave d’un joueur pour espérer être « joker médical ». Une situation dure à vivre: attendre la blessure sans pour autant la souhaiter… Romain Martial, tente d’expliquer, avec mesure: « je n’attends pas la blessure pour jouer. Quand je suis arrivé à Castres, j’ai profité d’une blessure pour pouvoir m’imposer. C’est le jeu. Mais ça n’est pas dans mon tempérament ou dans mon état d’esprit ».
Il ajoute, conscient de l’opportunité potentielle malgré tout, « mais s’il y a un blessé, je peux être là. Je sais que je peux apporter« . Une attente presque schizophrénique, partagée par Charles Geli: « le seul moyen de rentrer dans un effectif, c’est qui’l y ai un problème sur quelqu’un, on le sait. Je n’attends pas la blessure. Pas du tout. Mais c’est pas simple de le dire comme ça. J’ai déjà vu des clubs qui n’arrivent pas a trouver un joker et qui devait aller chercher des joueurs du bout du monde. Alors pourquoi pas moi ».
Reste désormais à Charles Geli, Romain Martial et les 44 autres joueurs de la liste Provale les questions existentielles et complexes: faut-il attendre ou renoncer? Peuvent-ils juste, en un été, tirer un trait sur une carrière professionnelle? Et comment revenir à la réalité d’une vie qu’ils n’ont parfois jamais connu en tant qu’adulte? En creux, ces joueurs doivent conduire à une réflexion sur le rugby lui-même. Et sur la capacité de ce sport à enfanter de plus en plus d’hommes et de femmes, qui devront exister en dehors de la passion qui les a vus grandir, et qui les a fait vivre.
Source: rmcsport.com
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meme cas avec marvin o connors,kui aussi proche de l edf,et lapeyre,de bons joueurs qui sont victimes de la montee en puissance des equipes ,qui toutes quasi se sont renforcées pour jouer le top 6,mis a part agen et grenoble,faute nbres de contrats pros,au salary cap,tout chomeur devraient pouvoir etre pris sans que son salaire rentre ds le SC ET LES contrats pros(c est peut etre le cas d ailleurs)
Dans le tas, on a des joueurs peu performante les dernières saisons, des mecs qui avaient dit arrêter, et d’autres qui ne doivent certainement pas négocier à bas prix.
De plus, faire jouer des jeunes en début de carrière signifie forcément mettre dehors d’autres joueurs: il y a plus de prétendants pour entrer dans le rugby pro, que de mecs qui sortent du circuit volontairement (retraite). Donc ce n’est que logique que certains joueurs se trouvent éjecter de ce circuit.
Au passage: un mec qui a le niveau et qui demande un salaire à hauteur de son niveau trouvera forcément un club. Ou alors c’est qu’il y a d’autres raisons externes (comportement, mauvais ressenti par exemple à cause d’une motivation qui semble peu présente, situation médicale etc)
Faudrait prendre Paul Perez! Il peut dépanner à l’aile et au centre même si c’est pas un grand joueur si on a de la casse ça pourrait le faire
Ces situations prouvent bien qu’il faut absolument aider (pour ne pas dire obliger) les joueurs à préparer très tôt à une reconversion.