Dans son émission Direct Laporte sur RMC, l’ex-manager du Rugby Club Toulonnais, Bernard Laporte est revenu sur le début de saison catastrophique du RC Toulon.

Voici ses déclarations et son analyse de la situation après trois journées de championnat.

Le manque de préparation:

« La dernière finale du Top 14 a eu lieu le 24 juin et la reprise du championnat a eu lieu le 21 août. Les équipes qui sont arrivées en demi-finales et en finale, suite à la convention collective qui impose quatre semaines de vacances aux joueurs, tu as peu de préparation pour être prêt pour ce début de saison. C’est pour cela que des équipes patinent un peu, comme le Racing et surtout Toulon. Il y a aussi Montpellier sur les deux premiers matches. Il y a seulement Clermont qui cartonne et qui s’en sort bien. Les trois autres sont un peu dans la difficulté. Le Racing un peu moins. »

Le RCT manque de liant et de cohésion. Bernard Laporte comprend la colère folle de Mourad Boudjellal:

« L’équipe de Toulon est encore en rodage car elle a démarré très tard, de nouveaux joueurs sont arrivés, ils ont beaucoup de blessés aussi et certains reviennent comme Guilhem Guirado. On sent qu’il y a un manque de liant et de continuité. Je ne suis pas très très inquiet pour eux même si c’est toujours délicat de perdre à Bayonne, de perdre à la maison contre Brive et d’avoir gagné de peu à Pau. Je comprends la colère du président, même si cette colère aurait dû être entre joueurs et en interne. Je fais partie de ceux qui disent que ces choses-là doivent se dire en interne. Mais on connaît Mourad, on connaît sa colère et sa passion. Il a fait d’énormes choses pour le club, on connaît ses réactions et il a raison d’être en colère. Quand il fait ce genre de colère, il se demande si les joueurs sont réellement déçus. Est-ce que les joueurs ont pris conscience et est-ce qu’il y a de la déception ? Cela nous était arrivé de perdre à la maison, on avait perdu contre Grenoble. Mais on avait eu cette discussion-là dans les vestiaires entre nous. Mourad Boudjellal avait d’ailleurs participé et j’avais dit aux joueurs que j’allais partir car je ne supportais pas cela. C’était intolérable. »

Toulon est trop indiscipliné en ce début de saison:

« Il faut reconnaître la victoire de Brive. C’était un match où il y a eu 40 fautes de part et d’autre. Ce n’était pas un grand match de rugby. C’est l’équipe la plus disciplinée qui a gagné. Au rugby, l’indiscipline c’est quelque chose qui t’envoie dans le fossé. Toulon est trop indiscipliné aujourd’hui pour pouvoir mettre son jeu en place. Toulon fait trop de fautes. Quand tu es dans la difficulté dû à un retard de préparation, le but c’est de ne pas donner de points à l’adversaire. Quand j’ai vu tous les points qu’a marqué Germain, je me dis que ça fait chier ! Il ne faut pas faire de fautes individuellement face à un mec qui est l’un des meilleurs marqueurs français. »

Pour Bernard Laporte, la menace qui plane au-dessus de Diego Dominguez est ridicule:

« Je suis très attaché à Diego Dominguez et c’est quelqu’un de très compétant, personne ne me l’enlèvera de la tête. Mais la menace est ridicule. Ce serait débile. Ce n’est pas lui qui fait les fautes. Tout le monde doit se dire que c’est sa propre faute. On gagne et on perd ensemble. C’est trop facile sinon. C’est tout le monde, ce n’est pas Diego Dominguez qui perd, ni Guilhem Guirado. La remise en questions doit être individuelle et collective. Quand tu rentres chez toi et que tu te dis que tu as pénalisé ton équipe quatre fois, tu te regardes dans le miroir et tu te dis que tu n’as plus le droit de faire cela. Si personne ne réagit comme ça, alors les lendemains seront compliqués. »

Bernard Laporte pointe du doigt les performances individuelles:

« Toulon a perdu à domicile, mais il faut voir le match de Brive aussi. Ils ont gagné leurs duels, ils ont eu la possession. Ils ont mis les toulonnais à la faute. Le Briviste Koyamaibole a passé trois ou quatre fois le ballon et il est tout seul contre deux mecs de Toulon. Ce n’est pas possible ça ! L’équipe qui est à deux défenseurs perd le match, c’est aussi simple que cela le rugby. »

Le manque de chance du RCT sur les blessures et le manque de professionnalisme de certains joueurs Varois:

« Quand tu regardes les blessures, Juanne Smith s’est déchiré le biceps et ce n’est pas dû à la préparation physique. Duane Vermeulen s’est fait opérer du ménisque. Ce n’est pas lié à la préparation physique non plus. C’est simplement que Toulon n’a pas de chance. Matt Giteau se fracture la cheville avec l’Australie, là aussi ce n’est pas un pépin musculaire. Que certains joueurs ne soient pas en forme physique, je suis d’accord. Mais ce sont toujours les mêmes et je ne vais pas les citer. Certains manquent de professionnalisme dans leur tête et malheureusement il y en a quatre ou cinq. Ces quatre ou cinq joueurs, quand ils étaient derrière les titulaires, ça allait car ils rentraient juste une demie-heure. Mais le jour où il faut débuter les matches ça ne va plus. Je leur ai dit toute la saison dernière. A un moment, ils vont comprendre qu’ils ne sont ni devant, ni derrière mais plus nul part ! C’est malheureux, mais mon grand-père me disait: à laver les oreilles d’un âne, tu perds ton temps et ton savon. Par moment, j’ai l’impression que c’est cela. Je leur ai dit 20 fois que maintenant ils étaient titulaires et qu’ils n’allaient plus jouer seulement des bout de matches. Il faut assumer la fonction. Mais dans leur tête, ces trois ou quatre joueurs manquent de professionnalisme. »

L’absence de Juanne Smith est une bien mauvaise nouvelle pour Toulon:

« Malheureusement, Toulon a énormément de blessés depuis plusieurs mois mais ce n’est pas lié à la préparation physique. C’est le manque de chance. Le seul mec qui te tient la baraque c’est Juanne Smith et il a le biceps dans la boîte à gants. Tu n’y peux rien. C’est le seul joueur qui est au niveau physiquement, c’est le seul qui est costaud. Il y a certains joueurs qui sont bons quand les autres font le travail de l’ombre. Il faut gagner la bataille du combat et Juanne Smith gagne cette bataille. Quand il te prend un mec il te le fait reculer de trois mètres. Puis quand il joue, il joue pendant 80 minutes. C’est l’un des seuls avec Duane Vermeulen qui peut rivaliser avec tout le monde. Quand tu ne les as pas, tu baisses d’un niveau. »

Selon lui, l’intersaison du RCT n’a pas du tout été bonne, bien au contraire:

« Il faut être sérieux: un entraîneur qui fait jouer son équipe comme il le souhaite en deux mois, ça n’existe pas. On connaît le métier. Ce que j’apprécie dans le discours de Mourad Boudjellal, c’est qu’il se met dans le lot en disant qu’il manque de patience et que c’est peut-être lui qui va partir. Il faut savoir ce qu’il a fait quand même. Il a mis de son argent, il est caution sur beaucoup de choses dans le club. Je comprends qu’à un moment donné il ait du stress et que ça le pèse. Le problème est que ça a manqué de cohérence à l’intersaison. Tu ne peux pas commencer l’intersaison en disant que tu ne sais pas si Diego Dominguez va rester ou non. Ça ne donne pas un bon tempo à la saison. Je pense que Mourad Boudjellal assume ces erreurs-là. Tu fais signer Marc Dal Maso sans en parler à Diego Dominguez que tu as nommé entraîneur. Ce n’est pas possible que ça fonctionne ! Ça a manqué de clarté. Mais j’ai eu Jacques Delmas au téléphone et ça se passe bien. Jacques est quelqu’un d’intelligent et ils travaillent pour l’intérêt général du club. Ils veulent que ça marche. Mais c’est vrai que de l’extérieur, tout cela a manqué de sérénité. Un groupe entend ces choses-là et ça n’a pas donné de réelles convictions et de la sérénité pour le début de saison. Mais Mourad Boudjellal se met dans le lot et il assume. Il sait très bien qu’il a fait cette erreur-là. Maintenant, ce n’est pas la fin du monde et rien n’est perdu. Vous le savez très bien que le sixième peut-être champion de France. Il ne faut pas s’énerver. Le début de saison n’est pas bon mais il y a le temps si tout le monde remet les choses à l’endroit. Je pense qu’il y a le potentiel pour aller loin. »

Pour conclure, Bernard Laporte n’hésite pas à dire que le recrutement depuis trois ans n’a pas été bon:

« Un président fait ce qu’il veut, mais le mal ne vient pas de Diego Dominguez, c’est une certitude. Le recrutement n’a pas été de qualité. La saison dernière, c’est un exploit que d’être allé en finale. C’est un exploit ! Je le disais d’ailleurs à mes joueurs donc je peux le dire maintenant encore. Le recrutement depuis deux ans n’est pas à la hauteur de ce que nous avions depuis trois ou quatre ans. On n’a pas remplacé Jonny Wilkinson, on n’a pas remplacé Matt Giteau, on n’a pas remplacé Bakkies Botha, ni Carl Hayman. Le seul joueur que nous avons remplacé, c’est Chris Masoe par Duane Vermeulen et maintenant il s’est blessé. On était guerriers, on était durs devant, on cassait la bouche à tout le monde ! Aujourd’hui, Toulon ne fait plus peur à personne. Ces jeunes qui étaient chez nous et qui étaient de bons remplaçants à l’époque, lorsqu’il a fallu qu’ils remplacent des Carl Hayman et des Bakkies Botha, pour le moment, ils n’y arrivent pas. Est-ce qu’ils y arriveront un jour ? C’est la question qu’il faut se poser. »