En manque d’adresse depuis trois ans, les buteurs de l’équipe de France s’entraînent dans des états de fatigue avancée, histoire de s’habituer à être précis dans l’intensité d’un match international.

Sur le terrain Éric-Cantona de Tignes, Frédéric Michalak descend de son Wattbike, visage de souffrance, démarche de grand-père. À quelques mètres, Romain Teulet, entraîneur des buteurs tricolores, l’attend, un mini-ballon de foot dans la main. Les deux hommes se mettent face à face, et les voilà qui s’échangent des petits coups de pied, du droit, du gauche, pendant que les autres joueurs récupèrent du douloureux effort fourni sur leur vélo à forte résistance.

La scène illustre un des nouveaux rituels du travail des buteurs et botteurs du quinze de France : bosser quand la fatigue est forte, gorge les muscles d’acide lactique et entame la lucidité. « À Marcoussis, on a même buté juste après une séance de Wattbike, sourit François Trinh-Duc. J’avais les jambes flageolantes. Quand je tapais, le ballon décollait à peine, il passait juste au-dessus de la barre. »

À Tignes, on a aussi vu Trinh-Duc and Co. effectuer plusieurs renvois juste après une terrible séance de courses, ou taper des drops des 22 mètres en face, avec tous leurs coéquipiers autour, à l’issue de mini-matches de rugby à toucher très éprouvants physiquement. Ils retrouveront rarement un tel épuisement en match au moment de taper un coup de pied, mais Teulet a un but précis en tête : les habituer au pire pour que l’ordinaire d’un match international paraisse plus facile.

OBJECTIF 80 % DE RÉUSSITE AU MONDIAL

En mars, après les échecs lourds de conséquence de Jules Plisson dans des positions faciles en Angleterre (défaite 55-35), l’entraîneur des buteurs tricolores expliquait : « En Top 14, on est à trente ou trente-deux minutes de temps de jeu effectif. Un match international, c’est autour de quarante (…). Il va falloir aller plus loin, intensifier les séances, cibler des exercices bien précis pour les rapprocher le plus possible de ces situations de match où il y a beaucoup d’intensité, et où il faut pourtant garder une certaine froideur face aux perches. » Parole tenue, donc.

Pour les joueurs concernés, c’est une découverte. « C’est extrême, je ne l’avais jamais fait, mais c’est bien », dit Michalak. « Ça m’est déjà arrivé de bosser sous fatigue après des séances de physique à Clermont, mais jamais en étant autant dans le rouge qu’ici, à Tignes, avoue Morgan Parra. C’est important de savoir buter dans ces conditions, surtout au niveau international, où la différence se fait parfois après de longues séquences de jeu. »

Le chantier est majeur. La France est la moins adroite des nations majeures dans l’exercice du tir au but (*), ce qui explique largement certaines de ses défaites. Et, à moins de deux mois du coup d’envoi de la Coupe du monde (18 septembre-31 octobre), elle ne sait toujours pas qui aura la lourde tâcher d’enquiller : Parra, Michalak, Kockott, Trinh-Duc, voire Spedding pour les tirs à longue distance ? « Ils ont intégré que le but serait un critère de sélection, témoignait Teulet lors du stage à Marcoussis. Il n’y en pas un qui s’est dégagé sur les trois dernières années, mais je crois que le plus régulier au niveau international, c’est Fred Michalak. » Arrivé dans le staff tricolore il y a un an, l’ancien Castrais – aidé dans son travail par le préparateur mental Christian Ramos – essaie d’amener une progression par petites touches, sans bouleverser la routine de ses élèves. Pour la Coupe du monde, Philippe Saint-André a fixé un objectif clair : 80 % de réussite.

Source: lequipe.fr