Pour clôturer en beauté ce millésime 2014 à tout point de vue exceptionnel pour le Rugby Club toulonnais, Mourad Boudjellal n’avait pas ménagé ses effets. Feu d’artifice, show laser, inauguration de l’avenue des légendes, distribution de cadeaux tout droit sortis de l’atelier rouge et noir…

Le « Santa claus » du RCT n’avait lésiné sur les moyens pour récompenser la grande famille des tifosi rouge et noir de leur fidélité. Surtout, le Père Noël 2.0 maîtrise parfaitement toutes les ficelles de la communication. Il n’a pas manqué de susciter le désir et de mettre des étoiles plein les yeux chez les mordus du « Ercété » en dévoilant les grandes lignes de son recrutement pour la saison prochaine tout en oubliant certains (lire page 32).

À ce répertoire classique de fêtes de fin d’année sentant bon le houx et les marrons chauds, Boudjellal a aussi rajouté sa touche personnelle. Un esprit plus rock and roll et anticonformiste. Il a fait en sorte de soigneusement alimenter ce vent de fronde à grands coups de tubes de U2, Coldplay, Bruce Springsteen crachés à fond par la sono, mais aussi par la distribution avant le match à chaque supporter d’un poster géant à l’effigie de Delon Armitage. L’écorché vif. Le fils rebelle de la galaxie varoise, banni douze semaines par les autorités européennes. Dans un acte de défi, les 14 707 spectateurs de Mayol ont réclamé sa libération immédiate par l’EPCR en brandissant face aux caméras son portrait.

Dans ce bras de fer engagé avec Neuchâtel, le double champion d’Europe a peu de chances de connaître un dénouement aussi heureux que face au Lou. Hors sujet durant toute la première période, les Rouge et Noir ont eu besoin de l’intervention musclée du Père Fouettard, Bernard Laporte dans les vestiaires à la pause pour éviter de connaître une nouvelle « crise de foie » après celle éprouvée face au Stade français le 15 septembre dernier.

« IL ME RAPPELLE DOMINGUEZ »

C’est peu dire que Mayol a apprécié le cadeau de la 48e minute offert par Nicolas Sanchez à Chris Masoe. Le facétieux lutin argentin a débloqué une situation bien mal embarquée pour le RCT. Comment ? Par sa lecture de jeu optimale et son agilité de Puma. D’un crochet limpide puis d’un terrible raffut pommette, l’ouvreur s’est d’abord joué de la vigilance de ses deux gardes du corps rhodaniens pour prendre la poudre d’escampette à hauteur des 40 mètres du Lou. L’action s’est ensuite poursuivie. Resservi par Orioli à l’intérieur, il a en fin observateur sorti de son bonnet une merveille de chistera inversée pour démarquer Masoe. Les défenseurs lyonnais n’y ont vu que du feu ! Cette envolée féerique de Sanchez montre à quel point le joker varois est en confiance.

Depuis son premier match contre Grenoble le 2 novembre, son influence sur le jeu toulonnais est de plus en plus manifeste à chacune de ses sorties. Il compense son gabarit de poids plume (1,77 m, 83 kg) pour le haut niveau par son esprit d’initiative et la volonté acharnée de remporter chacun de ses duels. À l’instar d’un Matt Giteau, Sanchez est sans cesse appâté par la ligne d’avantage.

« C’est marrant car ce n’est pas un joueur très volumineux, sourit Laporte. Pourtant il adore jouer sur cette ligne. Il me rappelle dans ce sens Diego Dominguez car comme lui, c’est une petite souris qui aime vraiment manger le fromage. »

LE RCT OU LES PUMAS ?

Au-delà de son goût pour l’évasion, Sanchez par la qualité de son jeu de passes et la vitesse qu’il donne au ballon, constitue un formidable accélérateur de jeu.

« Nico m’a convaincu dès son premier match avec nous. acquiesce Mermoz. À chaque fois que le staff lui donne sa chance, il est super. Il a pris ses responsabilités en attaquant. Comme il a du gaz, il perce énormément. C’est un régal de jouer à ses côtés. Il nous trouve les yeux fermés. Il apporte énormément d’incertitudes et permet à ses coéquipiers de prendre les intervalles. »

Voilà pourquoi le RCT a décidé de prolonger son joker au-delà du retour de Frédéric Michalak en février prochain. Sanchez a donné son aval pour aller au bout de la saison en cours. Il espère revivre le même conte de fées qu’Alexandre Menini, débarqué l’hiver dernier sur la pointe des pieds.

« Je suis dans un environnement qui permet de m’exprimer pleinement, confie-t-il. Mes vingt-cinq matchs d’affilée pour les Pumas et la victoire contre la France m’ont mis en confiance. J’ai envie de profiter à fond de cette expérience en jouant le plus possible et en gagnant des trophées. »

Par contre, Sanchez n’a pas souhaité répondre à la question d’une éventuelle prolongation pour la saison du Mondial. Sujet très sensible en raison de l’intégration de la franchise argentine en Super Rugby à partir de février 2016. Un nouveau bail à Toulon le priverait automatiquement des Pumas. Flanqué de ses amigos argentins Lobbe, Castrogiovanni, Leguizamon avec lesquels il fêtera Noël autour d’un bon asado, il s’est excusé avant de s’évader par la porte arrière de Mayol.

Source: Midi Olympique