Lors d’un entretien accordé au Midi Olympique, le président Toulonnais Mourad Boudjellal a évoqué sa stratégie de recrutement.  Il explique notamment avoir besoin de recruter des stars étrangères, c’est sa marque de fabrique.

Voici les confidences de Mourad Boudjellal concernant le recrutement:

D’où vous est venue l’idée, dès votre première année de présidence, de recruter des stars étrangères avec l’arrivée de Tana Umaga ?

Selon moi, il fallait que le RCT, même en Pro D2, possède une existence médiatique. Tana Umaga apportait cette garantie et accessoirement sportivement c’était une vraie plus-value. En réussissant à faire venir Tana Umaga à Toulon, je voulais relancer l’engouement autour du club. Et cela a dépassé toutes mes espérances. Pour sa première année, et sa pige de sept matchs à 350 000 euros, l’impact a été phénoménal. Malgré le fait que nous étions en Pro D2, la campagne d’abonnement qui a suivi, fut exceptionnelle. On avait rempli le stade en juillet alors qu’il n’arrivait qu’en novembre et ne restait que trois mois. Le produit Umaga a tout emporté. J’ai alors construit toute une stratégie sportive et économique autour des stars étrangères. Le défi était de maintenir et développer le phénomène de curiosité, le partenariat. Alors il fallait prendre des risques. Or avec le Mondial en France en 2007, les meilleurs joueurs étaient physiquement tout proches géographiquement. Il fallait juste parvenir à les convaincre. Une fois que nous avons eu l’accord de Gregan, Matfield a suivi puis Anton Oliver et tous les autres. À l’intersaison, avec toutes ces signatures, tout le monde avait oublié la non remontée en Top 14.

Utilisez-vous aussi le moment de l’annonce de la signature d’une star dans votre stratégie ?

Bien évidemment. Je souhaite que mes futurs abonnés sachent ce qu’ils achètent. En général, j’essaye d’annoncer une star avant les fêtes de Noël et une autre au moment du début de la campagne d’abonnement. Et cette communication de Noël est devenue une tradition, car on arrive à mi-saison et l’on peut commencer à faire rêver sur la saison d’après. Cela redonne de l’engouement à celle en cours. Et après, oui j’essaye de garder un effet d’annonce sous le coude pour lancer ma campagne. L’abonnement est primordial sur le poste billetterie au RCT. On se doit de le réussir chaque année.

Quand vous recrutez Wilkinson, c’est quand même la star qui vous intéresse puisqu’à son poste vous avez déjà recruté votre ouvreur, Contepomi ?

Oui, c’était un pari. Jonny était déjà entré dans l’histoire de ce sport. C’était celui qui avait offert le titre de champion du monde à l’Angleterre, en 2003. Je me dis alors que c’est un formidable pari à tenter. À l’époque, beaucoup l’annonçaient fini pour ce sport, mais je perçois qu’il y a un intérêt énorme autour de son retour sportif, car personne n’y croit. Au niveau merchandising, je cherchais quelqu’un pour remplacer Tana Umaga. C’était la fin du «produit» Tana. Il fallait passer d’un Black à un blond (sourires). Avec Jonny, on a su créer une marque, et rentrer assez facilement dans les frais engagés sur son salaire. Mais ce qui n’était pas quantifiable, c’est tous les apports indirects ! Par exemple, Mayol était devenu un endroit à la mode pour les Anglais ; ils y venaient enterrer leur vie de garçon lors d’un match avec Jonny. Et lors des rencontres à l’extérieur, combien de spectateurs se sont déplacés pour venir le voir. Jonny m’a marqué à vie, comme Sonny Bill Williams. Lui, quand il vient en France, et c’est paradoxal, c’est déjà une immense star mais un inconnu en France. Pour le sortir du XIII australien ce fut très difficile. Il y avait un réel danger juridique car on ne savait pas si son contrat à XIII était reconnu à XV. Les médias australiens et néo-zélandais nous présentaient presque comme le grand Satan qui venait dépouiller leur sport. Tout ça a contribué à créer SBW qui, deux ans après, quitte Toulon en étant une véritable star planétaire.

Avez-vous connu un ou des échecs dans votre politique de starisation ? Jerry Collins et ses frasques ?

Pour moi, Collins ce n’était pas une star. Un bon joueur de rugby, mais il n’avait aucun charisme. Non, le vrai échec, c’est le Gallois Gavin Henson. Lui était déjà une vraie bombe médiatique et la greffe n’a pas du tout pris. Il n’est pas resté longtemps mais son attitude était celle d’une star dans ses mauvais côtés. Lui a voulu nous imposer ses caprices. Sur ce coup, je me suis trompé.

Avez-vous des demandes particulières sur les contrats de ces joueurs ?

Non, et pourtant j’aime bien mettre des clauses décalées. Ainsi, sur ma proposition à Tana Umaga, il y avait une prime supplémentaire s’il marquait un essai lors d’une finale de Top 14. Mais de leurs côtés, ils n’ont pas de demandes ahurissantes. La plupart demandent un deuxième véhicule pour leur épouse.

Rêvez-vous toujours de recruter LA star du rugby dans tous ses aspects ?

C’est dans mon ADN. J’en ai fait ma marque de fabrique et oui, si j’aime les transferts, c’est pour réussir le coup impossible. Je sais que même si sportivement je n’en ai pas besoin, s’il y a quelqu’un qui possède un potentiel de star, je vais essayer de le faire.

Comment situez-vous l’apport économique de votre politique dans le budget du RCT ?

Il est très important. C’est avec cette politique que le budget de la SASP est passé de 6 à 36 millions d’euros, que le chiffre d’affaires des produits dérivés est passé de 200 000 euros à 5,5 millions d’euros, que le partenariat a été multiplié par quatre. Et ça, ce n’est que pour Toulon. Au niveau du Top 14, les droits TV ont atteint 72 millions d’euros parce que les meilleurs joueurs du monde sont pour l’instant dans ce championnat.

Avez-vous eu peur d’un effet négatif avec la retraite de Wilkinson ?

J’étais même très inquiet. Je ne suis pas dupe. Nous avions et avons toujours cette année une double problématique. Démontrer que le doublé n’est pas une finalité mais une étape, et gérer le départ de Wilkinson. Le soufflé pouvait retomber et c’est aussi pour cela qu’avec Bernard Laporte nous avons anticipé le recrutement de la saison prochaine.

Et obtenu la venue de Ma’a Nonu, nouvelle étoile dans la constellation ?

Je ne démens pas… Tout ce que je peux dire, c’est qu’en raison des règles du Jiff, du salary cap et de la double concurrence de l’Angleterre et du Japon, cela va devenir un exploit de recruter ce genre de joueur. Faire revenir Daniel Carter en France, c’est 1,5 million d’euros par an. Voilà ce que cela coûte. Comment fait-on avec un salary cap à 10,5 millions d’euros ? Sachant qu’aujourd’hui ce qu’il y a de plus cher c’est l’international français.

Et chez les joueurs français, lequel possède ce potentiel ?

Teddy Thomas est une sorte d’Umaga français. Il a une vraie gueule. Il faudra qu’il arrive à créer une histoire. Elle a très bien commencé avec le XV de France. Avec sa gueule et son talent rugbystique la magie pourrait opérer.

Et chez les étrangers ?

James O’Connor. Physiquement, il ressemble aux ados d’aujourd’hui. Il s’habille pareil, porte la même coupe de cheveu. Je le vois à Toulon, les jeunes peuvent s’identifier à lui. Et sur le terrain, on le remarque tout de suite. Il est capable d’un exploit individuel à n’importe quel endroit du terrain. Le Mondial en Angleterre ne va qu’amplifier son attrait, c’est aujourd’hui un beau joueur mais demain on pourra faire de l’image avec lui.

Source: Midi Olympique