Interview de Daniel Herrero pour Rugby 365

Interview de Daniel Herrero pour Rugby 365

Le vendredi 8 juin 2012 à 15:32 par David Demri

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Daniel Herrero, comment vivez-vous cette finale entre Toulon et Toulouse ?
Une finale de championnat entre Toulon et Toulouse en 2012 atteste l’arrivée de grosses équipes. Et cela connecte sur une mémoire pas si ancienne que ça, mais un petit peu quand même, avec les deux finales des années 1980 (ndlr : 1985 et 1987) qui avaient été superbes. Avec deux gros matchs de rugby dont j’étais partie prenante en tant qu’entraîneur de Toulon… J’ai été défait deux fois les armes à la main mais surtout avec le sentiment du devoir accompli. Cela me rebranche. J’aime aussi l’atmosphère du moment avant ce match qui s’annonce exaltant.

Le président Mourad Boudjellal promet un « ouragan » et même « la fin du monde » en cas de victoire…
Oui mais quand Clermont est champion, c’est un volcan. Quand Biarritz est champion, c’est une déferlante. Si Toulon est champion, ce sera effectivement un ouragan. Toulon est sevré de hautes performances, de gloire, pour ne pas dire de gloriole, et il y a une incroyable passion populaire autour du rugby ici depuis quatre ou cinq ans avec une avalanche de très grands joueurs et d’ambitions affirmées pour retrouver le haut niveau. Elles n’ont pas toujours été concrétisées et cette fois, ils y sont. Cette équipe de Toulon inspire une jovialité et une espérance. Les Toulousains sont plus burinés, je n’ose pas dire rassasiés, après avoir si souvent conquis l’étoile si sublime qu’est le Bouclier de Brennus.

Avec des joueurs doués, un président et un manager emblématiques, tout est-il réuni au RCT ?
La qualité des joueurs est dominante. Ensuite, la qualité de l’amalgame, de la cohésion et de la soudure entre eux. Je ne porte pas de jugements sur les gens qui dirigent aujourd’hui. Je vois un collectif bâti dans une dynamique assez contemporaine, c’est-à-dire qu’on prend de très bons joueurs pour faire une très bonne équipe. Ce n’est pas aussi évident que ça. Il y a une psyché collective qui veut qu’en achetant de très bons joueurs, on aura une très grande équipe. Cela ne l’a pas toujours fait. Au moment où Toulouse serait peut-être un peu en train de se faner, Toulon serait en train d’harmoniser. Effectivement, Toulon peut être champion. Et quand c’est le cas, on peut penser aussi que la méthode est la bonne même si tout le monde n’est pas convaincu que les plus belles aventures se font dans l’achat et la vente de joueurs.

Mourad Boudjellal vous avait contacté pour remplacer Philippe Saint-André. Quelle était la situation ?
Oui, c’est vrai, il m’avait sollicité dès le lendemain du départ de Saint-André. Je me suis entretenu et il y a eu même un petit débat. Mais mon univers était ailleurs. Voir Toulon en finale montre que la démarche choisie était la bonne.

Vous n’avez pas été tenté de revenir au RCT ?
Non, très sincèrement. Ma route était ailleurs depuis déjà très longtemps. Mes liens étaient très distendus avec le rugby contemporain. Je n’avais pas d’affection particulière. Je fonctionne avec un schéma directeur de vie qui veut que je me retourne rarement en arrière pour faire deux fois la même chose.

« Le beau bouquet toulousain semble un peu fané »

Vous reconnaissez-vous dans cette équipe où les joueurs étrangers sont très nombreux, avec assez peu de Toulonnais ?
Cela pourrait évidemment choquer un peu la conscience. On pourrait penser, comme cela était le cas dans les années 1980, que la formation est la base de la construction d’une équipe. Quand j’entraîne alors cette équipe championne en 1987, 80% des joueurs viennent de Toulon. Depuis, cela a bien changé. On peut sentir parfois qu’on n’est pas radicalement en adéquation ou en symbiose avec les joueurs qui défendent le maillot. Mais ce qui est original à Toulon, c’est que l’âme des peuples est un peu plus forte que l’âme des hommes qui composent l’équipe. Avec ces joueurs fortement lustrés, qui ont acquis une notoriété par leur talent sur les terres du monde, et malgré ce cosmopolitisme, cette équipe de Toulon garde malgré tout des traits identitaires de la culture historique. L’âme populaire domine celle des hommes. C’est le cas comme aussi à Perpignan, Clermont ou Biarritz et peut-être même à Toulouse, avec des traits identitaires qui restent.

Avec surtout des valeurs de combat et d’engagement à Toulon ?
Oui, quelque chose touche à une trace culturelle. L’essence de l’activité passe par la combativité, la volonté d’aller toujours au bout sur le plan physique, la volonté d’imposer une identité autour du combat. Cela donne des stratégies orientées sur le défi et l’affrontement. Si les finales Toulon-Toulouse sont encore pris en exemple, c’est aussi parce qu’il y avait beaucoup de noblesse dans le combat et l’affrontement. Cela fait qu’on peut aussi acquérir des heures de gloire dans les cultures les plus rustiques.

A quoi vous attendez-vous comme style de match samedi ? Une finale folle comme en 1985 ou beaucoup plus fermée à l’image des demi-finales de la semaine dernière ?
C’est aux antipodes ! En 1985, la finale avait été flamboyante car il y avait eu quasiment tout, avec du combat mais aussi du jeu, des relances, de la construction en première main et énormément de schémas tactiques. Les temps forts avaient été largement supérieurs aux temps faibles. Il y avait eu une grosse dramaturgie jusqu’à la dernière seconde du temps réglementaire, avant que Toulon ne craque un peu sur la fin des prolongations. Aujourd’hui, nous sortons de deux demi-finales presque piteuses, d’une sobriété calamiteuse avec peu de jeu, beaucoup de coups de pied malgré de l’intensité et des incertitudes qui ont donné malgré tout une densité à ces deux matchs. Le niveau produit était plutôt bas, le niveau d’intentions encore plus bas. Seule la performance était belle, comme c’est souvent le cas en demi-finales.

Va-t-on assister à une finale flamboyante ?
Sincèrement, je ne le crois pas. Toulon n’a pas beaucoup joué dans l’ensemble de la saison et arrive à peine à trouver quelque chose d’harmonieux après plusieurs mois de construction artificielle. Toulon a ses espérances grâce aux bases, la conquête, l’organisation défensive et la brillance de ses buteurs. Giteau, Smith, Rooney, Armitage qui peuvent faire des différences à tout moment. Toulon s’appuie sur le sobre et organisé, avec Laporte qui reste quelqu’un qui fonctionne dans le sobre et le réalisme. Toulouse est un peu plus flamboyant cultuellement mais cela n’est plus le cas depuis deux ans. Depuis un an, les Toulousains n’ont pas fait quelque chose de très, très bon. Le beau bouquet semble un peu fané. Il a toujours un immense potentiel mais on sent bien que cela n’a pas germé depuis très longtemps dans la construction et la créativité. Toulouse ne veut pas faire énormément de jeu et Toulon sera sobre. Cela nous amène vers une orientation « un peu ragoût », un peu rudoyant et hermétique. La densité de la finale sera essentielle autour de l’affrontement, l’organisation, la rigueur défensive et le jeu au pied.

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  1. Luciiiiiiiiiiio 8 juin 2012 at 16h

    Felicitations a ce que vous avez fait au RCT M HERRERO

  2. ipac83 8 juin 2012 at 17h

    Mr Daniel Herrero , comme tout bon toulonnais je vous aime pour votre esprit rugby (le vrai), et pour tout ce que vous avez fait sportivement et humainement pour le RCT et pour le rugby, cependant j'ai comme l'impression que vous êtes extrêmement nostalgique et aigris depuis la grosse professionnalisation du rugby … peut être que je me trompe, mais je pense pas …

  3. Fan_RCT 8 juin 2012 at 19h

    Il critique énormément le rugby moderne mais la critique est facile. C'était un grand monsieur du rugby, maintenant sa passion du rugby est aussi fanée qu'un brin de muguet des années 90. C'est bien de donner des leçons mais quand on ne souhaite plus être acteur ça ne fait pas avancer les choses!!!!

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